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Distribution

Philippe Walker, patron du groupe PWA

Publié le 29 février 2008

Par Gredy Raffin
11 min de lecture
"Il n'y aura jamais une seule forme de distribution. Elles vont coexister"Entretien avec Philippe Walker, patron du groupe PWA, qui rassemble les marques Citroën et celles de la galaxie Fiat. Deux constructeurs qu'il a choisi de suivre lorsque...

...ceux-ci se trouvaient, comme il le dit lui-même, "au creux de la vague". Ce rémois expose sa vision du marché automobile qu'il conçoit autour des petites voitures économiques ou low-cost.

Journal de l'Automobile. Pourquoi avoir choisi ces marques, à savoir Citroën, Fiat, Lancia et Alfa Romeo pour fonder votre groupe ?
Philippe Walker. Initialement quand le groupe PWA a démarré, cela s'est fait avec BMW, il y a une quinzaine d'années. Nous avons très bien marché. Puis Citroën, qui rencontrait des problèmes avec sa concession de Chalons, nous a contacté. Il y a environ dix ans. A l'époque, la marque était au creux de la vague, si je peux dire, mais avait en main les atouts pour rebondir. Cela valait le coup de répondre favorablement à la demande et l'histoire a confirmé mon opinion.

JA. Et pour les autres marques ?
PW. Là, l'histoire est similaire. Sauf que ce n'est pas vraiment Fiat qui a fait la démarche. Me disant, il y a deux ou trois ans, que Fiat était également au creux de la vague et présentait un plan produit aussi très prometteur, j'ai parié sur la remontée du groupe. Fiat et Alfa surtout. Alors je me suis présenté à la barre du tribunal de Commerce et j'ai postulé à la reprise de l'affaire Fiat de M. Fornage qui avait été mise en liquidation judiciaire. Aujourd'hui, l'aventure "500", tout comme la bonne santé boursière du groupe, sont les meilleurs exemples de cette réussite.

JA. Que représente potentiellement ces marques pour les années à venir ?
PW. Elles vont toutes les quatre continuer à se développer et représenter assurément les piliers du groupe PWA pour les cinq prochaines années.

JA. Quelle est votre vision du marché français ?
PW. Le nombre global de vente en France, qui tourne autour des deux millions d'unités devrait rester inchangé. Nous sommes dans un marché mature de renouvellement qui, chaque année, ne varie pas au-delà des 5 %. Il faut considérer que les constructeurs chinois et indiens vont prendre environ 10 % du marché. Reste à savoir comment les constructeurs européens réagiront par rapport à cette baisse programmée. Leur moyenne de ventes va reculer de 10 % dans les cinq à dix années à venir. A l'inverse ce n'est pas dit qu'ils ne compensent pas ces pertes en vendant sur les marchés émergents.

JA. La distribution évoluera-t-elle en conséquence ?
PW. Au niveau des concessions, je pense que nous allons de plus en plus vers des groupes multimarques et c'est une évolution pratiquement irréversible. Dans trois ou cinq ans, la mutation du modèle de distribution ira immanquablement vers des sites réunissant, au sein de la même entité physique, plusieurs marques. Je suis sûr qu'il s'agit de la prochaine étape. On verra de plus en plus de showrooms proposant plusieurs marques, voire, pourquoi pas, une enseigne spécialisée de la vente automobile, sur le modèle d'un magasin d'électroménager, où vous aurez toutes les marques. Mais là on parle d'une évolution qui n'apparaîtrait qu'à plus longue échéance.

JA. Alors, entre les grands groupes, les petites structures, les ventes en ligne, les mandataires, la grande distribution et autres acteurs, quelle forme de commerce devrait s'imposer ?
PW. Aucune. Elles vont coexister. Il n'y aura jamais une seule forme. Les petites structures vont, et on le perçoit déjà aujourd'hui, diminuer de nombre. Il y aura, à mon sens, une concentration dans la distribution automobile. Il restera des petites structures bien gérées car il y aura toujours de la place pour un petit concessionnaire de proximité. Mais la majorité du commerce ne se fera pas dans de petits points de vente. A plus ou moins long terme, nous allons vers une concentration de grands groupes automobiles. Internet deviendra un moyen de consultation incontournable. D'ailleurs, aujourd'hui, 1 client sur 3 regarde sa voiture sur Internet. Il la configure et arrive avec un devis presque tout fait en concession. La question reste : les clients sont-ils prêts à acheter en ligne ? La voiture, contrairement à d'autres produits, suscite le besoin d'essayer. Internet représente une force de vente qui demeurera minoritaire. J'ai du mal à imaginer qu'un client dépense l'équivalent d'un an de revenu sans avoir essayer auparavant.

JA. Et les mandataires donc ?
PW. Le mandataire est un professionnel qui va beaucoup dépendre du constructeur. A long terme, son métier n'est rentable que s'il y a un différentiel de prix entre les pays, or cette décision n'appartient qu'au constructeur lui-même. Si ceux-ci uniformisent les prix, alors le mandataire n'a plus lieu d'être. Le métier de mandataire va devenir très difficile. C'est une activité que je n'aurais pas envie de faire car elle peut se tarir du jour au lendemain.

JA. Vous évoquiez précédemment la commercialisation des véhicules chinois et indiens. Seriez-vous tenté par cette expérience ?
PW. Oui, clairement. Je crois qu'il y a de la place pour les voitures pas chères comme celle de Tata. Certes, il faut se méfier de l'effet d'annonce, qui présentait un prix hors taxe, hors frais de transport et hors frais de distribution destiné à accrocher les médias. Mais sans aller jusqu'à un prix aussi extrême, il y a de la place pour des produits "très low-cost", à l'instar de la Logan. Il y a un fort potentiel et le marché est prêt. Que ce soit en premier achat ou en tant que voiture secondaire et quelque soit les bourses. Certains clients premium recherchent ce type de véhicules à 4 000 ou 5 000 euros pour les courts déplacements. La part de marché devrait s'établir à 10 ou 15 % en dix ans.

JA. Attendrez-vous néanmoins une première vague de commercialisation ?
PW. Non. Je pense que je vais essayer de faire partie de l'aventure dès le début, être parmi les premiers concessionnaires en France à investir le marché des low-cost asiatiques.

JA. Avez-vous déjà pris contact avec les importateurs ?
PW. A ce jour, non. Nous avons, chez PWA, des dossiers plus pressants à traiter auparavant, comme notre déménagement vers la future Cité de l'Automobile.

JA. Pouvez-vous nous détailler ce projet ?
PW. Nous ne sommes plus aux normes sur ce site. Nous négocions donc l'acquisition d'un terrain au cœur de la zone commerciale dédiée à l'automobile que la ville de Reims s'apprête à bâtir. Notre emplacement devrait faire plus de 20 000 m2. De quoi exposer nos véhicules qui aujourd'hui débordent sur le trottoir. Au total, l'investissement avoisinerait les 3 millions d'euros.

JA. A ce sujet, vaut-il mieux racheter un fonds de commerce ou faire construire ?
PW. Comme je l'ai évoqué, nous avons toujours repris des affaires. En ce qui concerne notre déménagement, il s'agira d'une construction. Les deux solutions semblent équivalentes. Seule la situation permet de définir si l'une ou l'autre s'avère plus intéressante.

JA. Au sortir d'une année 2007 qui a dépassé toutes les prévisions, quelles pourraient être les perspectives du marché automobile en 2008 ?
PW. Il y a deux phénomènes qui jouent en sens contraire : d'une part, il y a le bonus écologique qui va booster les ventes de petites voitures économiques et, d'autre part, un recul de la consommation, non seulement dans l'automobile mais sur tous les marchés et dans la majorité des pays. Globalement, mon sentiment me pousse à croire qu'il y aura une baisse du chiffre d'affaires de l'industrie automobile. Si le volume de petites voitures s'accroît, celui des grosses voitures baissera. Ce qui fait qu'en volumes vendus le marché va à peu près stagner mais le chiffre d'affaires va en pâtir car la marge dégagée par véhicule sera nettement inférieure.

JA. Vous parlez de changements incités par les mesures écologiques, outre celles liées à l'augmentation du prix du carburant. Qu'attendez-vous des constructeurs ?
PW. Les constructeurs vont devoir être très innovants car la demande marché va se tourner de manière progressive vers des motorisations économiques ayant recours à des énergies alternatives. Toyota et Honda ont fait évoluer les moteurs essence grâce à leur solution hybride, les constructeurs leaders sur les motorisations Diesel, comme PSA, se doivent donc de faire évoluer cette technologie par les mêmes moyens. Si, en pourcentage, on gagne autant en termes de consommation entre les meilleurs moteurs Diesel et leur version hybride que l'on a gagné entre les meilleurs moteurs essence et leur évolution hybride, alors on arriverait à des chiffres avoisinant les 3 litres aux 100 km. Voilà le type de performance que recherche désormais le client. En attendant des technologies plus avancées, l'hybride diesel reste, selon moi, la solution la plus envisageable pour les dix prochaines années.

JA. Comment abordez-vous commercialement ce virage écologique ?
PW. PWA a la chance de commercialiser des gammes qui font partie des plus avantagées par la nouvelle législation. On le doit à l'avancée de nos constructeurs dans ce domaine précis. Nous communiquons beaucoup sur ce point et les constructeurs devraient prochainement nous donner des éléments publicitaires pour renforcer cette position. Par ailleurs, nous nous attachons à ce que les vendeurs soient le mieux formés sur ces sujets brûlants afin qu'ils renseignent au mieux les clients.

JA. Le marché du véhicule d'occasion est en constante progression. Quelle est votre approche ?
PW. Effectivement, le marché est florissant. Notre politique est de ne pas vouloir traiter tous les cas. Tous les produits de mauvaise qualité, trop kilométrés ou trop risqués mécaniquement partent ailleurs. Vers les pays de l'Est notamment, moins regardant de l'état. Nous ne privilégions ni le volume ni les bas prix à la qualité. Il faut pouvoir être fiers de ce que nous avons vendu. Les clients achetant un véhicule d'occasion ne veulent pas être en train de jouer à la roulette. En tant que professionnel, il nous revient de faire le tri.

JA. D'ailleurs avec Citroën vous avez choisi d'adopter le label Eurocasion, ce que vous ne faites pas ici chez Fiat. Quelle en est la raison ?
PW. A vrai dire, que ce soit pour l'une ou l'autre des marques, nous allons au-delà des critères définis dans les chartes. Bien sûr, nous nous sommes inspirés de ce que Citroën a mis en place, mais nous nous montrons plus impitoyables. De nombreuses voitures qui rentrent en théorie sous le coup de la garantie prévue dans le contrat Eurocasion ne passent pas notre examen de sélection. Nos critères sont plus sévères.

JA. Quelles sont pour vous les faiblesses de ces labels ?
PW. Comme peut le laisser supposer notre politique, nous trouvons que les constructeurs ne sont pas assez intransigeants. Il manque des contrôles à la fois sur la qualité des produits mais aussi sur les parcs où occasionnellement des professionnels se permettent de vendre des voitures hors label.

JA. Comment est-ce possible ?
PW. Comme dans tous réseaux de concessionnaires, il y a des gens sérieux, mais comme dans tous métiers, il y a des "brebis galeuses". C'est le concessionnaire qui choisit d'appliquer ou non les critères Eurocasion, qui se veulent de bons critères en soi. Il est quelque part libre de les détourner du fait que les contrôles sont relativement rares. Le problème des labels constructeurs réside dans le fait que leur application est soumise au bon vouloir du revendeur. Mais heureusement, la grande majorité reste honnête. Nous souhaitons donc sur le long terme instaurer un label PWA Occasion. Un gage de fiabilité auquel beaucoup de nos clients croient déjà.

JA. Quelles relations entretenez-vous avec vos constructeurs ?
PW. Avec Citroën, nos rapports sont assez stables et surtout sains. Quant à Fiat, nous n'avons pas encore assez de recul pour juger. Les équipes m'ont accompagné pour lancer l'activité mais par philosophie personnelle je souhaite rester le plus indépendant possible de l'influence du constructeur. Les aides commerciales permettent de développer les ventes. Tous deux ont beaucoup travaillé sur le poste atelier d'autant que le support technique a évolué grâce notamment à Internet. On peut envoyer des schémas, des photos et avoir des retours rapides. Cela nous aide à accroître notre compétitivité.

JA. Quel poids représente le poste atelier pour un groupe de votre envergure ?
PW. Il n'est pas négligeable. Les concessions gagnent de moins en moins d'argent sur les ventes. Elles en perdent même, si l'on ne considère que les ventes de véhicules neufs une fois les frais de fonctionnement déduits. L'atelier et les pièces détachées représentent clairement les sources de profit d'un groupe. Ce sont ces deux postes qui payent tous les frais généraux d'une concession. Je tiens donc à les organiser de façon à les rendre le plus rentable possible. Il faut savoir qu'entre un bon et un mauvais atelier, on est dans un rapport de profit qui passe du simple au double. C'est ce que tendent en tout cas à démontrer les enquêtes des constructeurs.

CURRICULUM VITAE

Philippe Walker

  • Philippe Walker débute sa carrière dans le milieu de l'industrie pharmaceutique en tant que responsable marketing. Sa passion pour l'automobile lui vient de la compétition puisqu'il est pilote de rallye amateur. En 1993, il se lance dans l'aventure du commerce et reprend une concession BMW, à Reims. Quelques années plus tard, il cède son affaire et reprend tour à tour les panneaux Citroën et Fiat de deux concessions installées dans la région rémoise.
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