Nobilas se lance dans l’expertise

...d'un coût moyen d'expertise. Attention, terrain glissant…

Du management d'accident au management de l'expertise, il n'y a qu'un pas. Allègrement franchi par Nobilas France toujours chapeauté, à l'instar de Motorcare, par Innovation Group. Innovation Group Expertise, qui vient d'être lancée, assurera donc une partie de l'activité "expertise" de ses clients assureurs. A un premier niveau, l'entité procédera à un contrôle automatique des devis des réparateurs. Ce qui va encore aiguillonner la problématique du choix entre réparation et remplacement de pièces et les conflits d'intérêts qui y ont trait. Ce qui donne aussi une dimension de "flicage" à l'expert vis-à-vis du réparateur puisque les vérifications s'opéreront dans un cadre contractualisé intégrant des pénalités financières. Dans ce type de rapports, on ne saurait obérer une certaine odeur de poudre… A un second niveau, Innovation Group Expertise prévoit la mise en œuvre d'un plateau d'expertise à distance, sur les modèles déjà existants. De plus, selon Alexandre Cervini, directeur général adjoint de Nobilas France, la nouvelle filiale compte créer son propre réseau d'experts (une centaine environ, soit bon an mal un par département), qui seront sélectionnés sur des critères de performances dans les cabinets indépendants et dans les agences de BCA Expertise. Les notions de sélection et de critères de performances ne sont pas anodines, dans la mesure où elles renvoient à l'objectif d'établir un coût moyen d'expertise. Il apparaît clairement que les assureurs renforcent leur pression sur l'ensemble de la chaîne -coût moyen de sinistre intégrant coût moyen d'expertise et délai d'immobilisation des véhicules/satisfaction du client final- quitte à contraindre une profession d'experts déjà bien souvent en mal de rentabilité et promise à une intense concentration (prévision d'environ 1 400 experts "collision" en 2015 contre 2 000 en 2005).

Pris à la gorge par les assureurs dont ils dépendent trop d'un point de vue financier, les experts ont tout intérêt à s'appuyer sur l'administration pour remettre au premier plan leur savoir-faire, leur autonomie et par voie de conséquence leur juste rémunération. Lors du séminaire de l'ANEA, qui s'est tenu début septembre à La Baule, Michel Vilbois, sous-directeur à l'Action interministérielle au Ministère des Transports, qui supervise notamment la mise en place de la procédure VE, a asséné à la tribune : "Il me semble -et ce point de vue n'est pas loin de refléter ce qui pourra être, le moment venu, une position officielle de l'administration- qu'il nous faut retenir deux principes. Le premier, c'est l'indépendance de l'expert dans l'exercice de son art. Ce n'est pas facile, mais nous veillerons, au Ministère des Transports, à ce que cette indépendance ne soit pas juste un mot que l'on écrit dans un dispositif législatif. C'est pour nous une position indépassable. A partir de là, il faut qu'on tire un certain nombre de conséquences sur les relations que vous pouvez avoir entre, d'un côté, des assureurs donneurs d'ordre et, de l'autre, des "ensembliers" qui n'auraient pour objectif que la réduction des coûts. Il faut qu'on tienne là-dessus" (source : Références Auto). S'ils veulent éviter d'être purement et simplement mis aux enchères, "ce qui est déjà parfois le cas sous une forme déguisée" dixit un expert indépendant, les experts doivent impérativement capitaliser sur le fait que l'administration les désigne comme des "acteurs majeurs de la sécurité routière". Joli bras de fer en perspective.