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Distribution

Les concessionnaires automobiles vont-ils amortir le choc des normes CAFE ?

Publié le 20 novembre 2024

Par Catherine Leroy
7 min de lecture
À l’approche des normes CAFE qui entreront en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2025, les constructeurs automobiles sont confrontés à un défi de taille : atteindre une moyenne de 25 % de ventes de véhicules électriques pour éviter les lourdes amendes prévues par la Commission européenne. Les réseaux doivent aussi s’adapter à cette transition énergétique imposée. Mais à quel prix ?
Entre stratégies commerciales, pressions sur les concessionnaires et ajustements du mix de production, les réseaux doivent aussi s’adapter aux futures normes d'émissions de CO2 dites CAFE. ©AdobeStock
Entre stratégies commerciales, pressions sur les concessionnaires et ajustements du mix de production, les réseaux doivent aussi s’adapter aux futures normes d'émissions de CO2 dites CAFE. ©AdobeStock

Au 1er janvier 2025, les constructeurs automobiles devront atteindre une moyenne de 25 % de ventes de véhicules électriques pour respecter les normes CAFE qui entrent en vigueur. Soit un gain de presque huit points de part de marché dans le mix de vente. Un cap infranchissable ? Pour certains constructeurs, sans doute. Même si la plupart jugent impensables de payer les amendes dont les menace la Commission européenne.

 

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Pour y parvenir, tous les coups seront permis, y compris celui de baisser les ventes de véhicules thermiques. Même s’il en coûte des fermetures d’usines. Mais avant d’en arriver à cet extrême, les marques peuvent utiliser un autre moyen d’ajustement. Le pilotage des ventes de leurs réseaux de distribution. Et les concessionnaires pourraient bien faire les frais de cette nouvelle pression mise sur les ventes de voitures électriques.

 

Vers une inflation des voitures thermiques ?

 

"Tout va dépendre des stratégies commerciales des constructeurs", explique ce professionnel. "Et surtout si ces derniers cherchent un bras de fer avec le marché." Ce défi consisterait notamment à tordre la demande pour diriger le client vers une voiture électrique. Sur ce point, Jean-Philippe Imparato, nouveau patron Europe du groupe Stellantis, a été très clair sur sa stratégie.

 

"Quelle que soit la règlementation au 1er janvier, je serai conforme... Attachez vos ceintures, parce que cela veut dire que je vendrai à la vraie valeur de l'électrique, et j'adapterai la production du thermique pour être conforme", annonçait-il au Journal de l’Automobile pendant le Mondial de l’Auto 2024.

 

Pas question pour autant de baisser les prix des véhicules électriques pour répondre aux attentes des clients, mais de réduire la production des modèles thermiques, voire même d’augmenter leurs prix. Une manière de réduire l’écart entre les deux motorisations en ne sacrifiant aucune marge. Ainsi, contrairement aux promesses des constructeurs de ramener le prix d’un électrique à celui du thermique d’ici à 2026, c’est à l’inverse que les clients pourraient assister.

 

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Cette politique résoudrait également une partie des problèmes des constructeurs sur les valeurs résiduelles de leur modèle. Revaloriser les prix des voitures thermiques, permettrait aux valeurs de revente de s’apprécier, selon un financeur, et compenserait en partie la perte engendrée sur celles des versions électriques.

 

Jongler avec un bonus écologique minimaliste

 

"Mais si cette stratégie est appliquée, le marché en France va s’écrouler", pronostique un concessionnaire. "Il ne dépassera pas 1,5 million d’unités. Le consommateur ne suivra pas". D’autant que les aides à l’achat d’une voiture électrique vont se réduire drastiquement. Déjà le gouvernement a confirmé la suppression de la prime à la conversion en 2025. Ne resteront donc que le bonus écologique et le leasing social, qui devraient être tous deux soumis à des conditions de revenus.

 

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De la même manière, poursuit ce professionnel, si les constructeurs coupent les allocations de voitures thermiques, ce sont les réseaux de concessionnaires qui seront dans une situation catastrophique avec des rentabilités extrêmement basses. La méfiance vis-à-vis des stratégies déployées se ressent déjà sur le terrain et certains brandissent la menace d’une grève des commandes si la rémunération des distributeurs souffrait d’une adaptation trop sévère des mix de vente.

 

"Nous refusons de nouvelles pressions", poursuit cet autre dirigeant de groupe. "Si la demande ne suit pas, ce ne sont pas les distributeurs qui pourront y changer quelque chose. S’ils tordent le bras des distributeurs, les esclaves resteront assis. Nous avons atteint les limites de la pression."

 

Des politiques commerciales très disparates

 

Toutes les conditions de rémunération des réseaux pour 2025 ne sont pas encore connues. Pourtant, celles-ci se préparent activement dans les directions commerciales des constructeurs. Car la logique de suivi de mix électrique à atteindre sera vérifiée en permanence. Aujourd’hui, la différence de marge entre un véhicule électrique et un thermique est faible. Elle existe, facialement, en faveur de la vente d’une voiture thermique. Mais comme la logique de prix nets prévaut dans l’électrique, la marge nette de remise reste peu ou prou équivalente.

 

La menace porte en revanche sur le pourcentage de vente de motorisations électriques. Chez Renault par exemple, le réseau pourrait se contenter de 22 % de voitures à batteries. Une part en revanche irréalisable chez Dacia. Renault devra donc compenser les émissions de CO2 de Dacia en allant chercher entre 27 et 30 % de ventes d’électriques. "Mais nous ne sommes pas inquiets", nous indique un distributeur de la marque au losange. "La R5 démarre très bien en commandes et la R4 arrivera mi-2025. Toutes deux vont nous permettre d’adresser une grosse base de clients dans le segment B."

 

Chez Toyota, pour la première fois, les distributeurs se verront appliquer un objectif de ventes d’électriques et d’hybrides rechargeables compris en 5 et 10 % et un impact sur la rémunération. Pour la première fois également, le véhicule utilitaire sera intégré dans les conditions de rémunération.

 

Nissan n’a en revanche encore rien communiqué sur sa politique commerciale. Un silence qui laisse dubitatifs les concessionnaires. "Vont-ils acheter des crédits ? C’est la grande interrogation car, pour l’instant, nous n’avons ni son, ni image de la marque", avance un membre du réseau. Ford, selon le réseau, devrait couper dans la production de voitures thermiques pour se concentrer sur l’électrique. La stratégie laisse cependant dubitatif les distributeurs.

 

Le groupe Volkswagen, de son côté, a réaffirmé durant le Mondial de l’Auto compter sur ses modèles hybrides rechargeables pour atteindre ses objectifs. "Nous serons conformes en 2024. Et pour 2025, nous lançons une offensive modèles sur le plug-in hybride, en plus des nouveautés électriques. Avec une nouvelle approche tarifaire comme l’ID3, proposée désormais à 27 990 euros et un loyer de 169 euros par mois. Nous sommes donc dans une logique de montée en puissance", nous expliquait Xavier Chardon, président du groupe Volkswagen en France.

 

L’enjeu, en 2025, portera également sur la part de verdissement des flottes. Le groupe mise donc sur le PHEV uniquement. Car dès 2026, la règle de calcul des émissions de cette motorisation sera revue pour tous les nouveaux modèles.

 

Chez Stellantis, Zineb Ghout, encore directrice de Peugeot France pour quelques jours, l’a déjà annoncé. Le réseau Peugeot devra réaliser 25 % de ses ventes en électrique. Mais par exemple, pour Opel, la clé d’accès à la rémunération grimpe à 32 %. Une incompréhension pour le réseau. "Nous allons devoir encore empiler des véhicules de démonstration… Ce n’est plus possible ", affirme un professionnel.

 

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Pour les marques premium, BMW et Mercedes, a priori pas de soucis. Le mix de vente en 2024 leur permet déjà d’être conformes aux nouvelles règles.

 

"Les problèmes liés aux normes CAFE ne sont pas du ressort des distributeurs. S’ils veulent régler ce sujet en nous utilisant, il pourrait y avoir une révolte", menace les professionnels.

 

Si les mix de ventes en électrique ne sont pas atteints, les constructeurs seront donc pénalisés. Mais ils ne seront pas les seuls. En forçant les ventes des modèles à batteries par le réseau, ce sont également les distributeurs qui seront pénalisés par une moindre rémunération.

 

La rentabilité, déjà en baisse dans les réseaux, pourrait fondre comme neige au soleil et accélérer, un peu plus, la concentration des opérateurs.

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