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Distribution

Leasing social : un dispositif à bout de souffle ?

Publié le 20 novembre 2025

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Alors que le gouvernement espérait répéter l’exploit de 2024, l'opération 2025 du leasing social peine à aboutir. Malgré des aides substantielles, un ciblage élargi et des loyers attractifs, les ménages modestes ne répondent plus présents. Le dispositif révèle ses limites structurelles.
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En dépit d’une communication offensive et d’une enveloppe financière conséquente, la dynamique de demande de dossiers de leasing social s’essouffle nettement. ©AdobeStock

Un an après un lancement spectaculaire qui avait déjoué toutes les prévisions, le leasing social peine aujourd’hui à convaincre. La "saison 2" de cette offre, pensée pour démocratiser l’accès au véhicule électrique (BEV) chez les ménages modestes, n’entraîne plus l’enthousiasme de 2024.

 

En dépit d’une communication offensive et d’une enveloppe financière conséquente, la dynamique de demande s’essouffle nettement. Lancée le 30 septembre 2025, l’opération devait selon les professionnels provoquer une véritable avalanche de dossiers dès le premier jour.

 

Six semaines plus tard, la réalité est plus tiède : 18 000 commandes le premier jour, loin des 50 000 de la première édition. Et début novembre, le gouvernement annonçait un volume de 44 000 dossiers, avec un rythme qui ralentit aujourd'hui autour de 1 000 demandes par semaine.

 

En clair : la deuxième saison séduit moins, même si l’enveloppe accordée à cette aide finira sans doute par être consommée.

 

Derrière cet apparent paradoxe se dessine un problème plus profond que résume Marc Bruschet, président des concessionnaires au sein de Mobilians : "Le modèle ne répond pas aux usages réels des Français".

 

Un marché particulier de l'électrique arrivé à maturité

 

Pour comprendre les difficultés du leasing social, il faut revenir au contexte du marché. Malgré des incitations publiques fortes et une mise en avant des véhicules électriques de segment B, les ventes aux particuliers plafonnent à 20 % de part de marché. Une stagnation qui n’a rien d’un hasard, selon Marc Bruschet : "Ceux qui voulaient un BEV l’ont déjà acheté et ceux qui n’en voulaient pas… et bien ils n’en veulent toujours pas !"

 

Et surtout, le bilan financier des deux éditions du leasing social laisse songeur. En 2024, l’État a dépensé 650 millions d'euros, sur la base de 50 000 dossiers soutenus à hauteur de 13 000 euros d'aide par véhicule. En 2025, le gouvernement revoit sa copie et fait financer l'enveloppe par le biais des CEE, donc des fournisseurs d'énergie, pour une aide unitaire de 7 000 euros. Au global, la dépense s'élève à 369 millions d'euros.

 

"Une blague à un milliard d'euros !"

 

"Le problème est que le rendement de ces opérations est négatif", assure Marc Bruschet, chiffres à l'appui.

 

En 2023, sur l'ensemble de l'année, sans leasing social, 186 000 véhicules électriques ont été immatriculés. En 2024, le volume tombe à 181 000 unités. Soit 5 000 unités de moins... malgré 650 millions d'euros engloutis.

 

Entre janvier et septembre 2025, 96 000 véhicules à batterie ont été achetés par les particuliers. "Nous sommes déjà certains que nous n'arriverons pas aux 181 000 immatriculations de 2024. Au mieux, dans les rêves les plus fous, nous atteindrons 170 000 voitures électriques... Résultat : sur ces deux ans, la blague aura coûté près d'un milliard d'euros pour 10 000 immatriculations de moins !", ironise le président des concessionnaires chez Mobilians.

 

La cible sociale… qui n’est pas celle qui en profite

 

Le dispositif visait clairement les ménages modestes, en leur offrant une solution de mobilité propre et abordable. Mais le profil sociologique des bénéficiaires raconte tout autre chose. Une analyse des dossiers 2024 montre que 60 % des ménages appartiennent aux déciles 4 et 5, soit des revenus fiscaux entre 13 000 et 15 000 euros par part fiscale.

 

Autrement dit, il s'agit de la classe moyenne inférieure, et non des ménages les plus contraints. Le plafond révisé en 2025 (16 300 euros) amplifie même cette tendance.

 

Pourquoi les ménages populaires restent-ils à l’écart ? Parce qu’ils cumulent les deux contraintes les plus incompatibles avec le BEV d’entrée de gamme. Un budget très limité, qui logiquement les pousse plutôt vers des véhicules d’occasion anciens, bien moins chers que les voitures électriques neuves même après réduction. Et la nécessité d’une grande polyvalence du véhicule, ce que ne permet pas un petit BEV.


De plus, pour obtenir des loyers contraints (moins de 120 euros par mois), les constructeurs proposent au catalogue des versions plutôt dépouillées. Des modèles équipés de petites batteries dont l'autonomie réelle est d'environ 200 km et une recharge lente ! Le produit ne répond pas vraiment aux besoins des ménages modestes qui n'ont souvent qu'une seule voiture.

 

"On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif et, dans le commerce, il ne faut jamais oublier que le patron c'est le consommateur", fait remarquer Marc Bruschet.

 

Un dispositif mal calibré pour ses objectifs

 

Au final, la saison 2 du leasing social révèle ce que la saison 1 avait masqué : une aide massive ne suffit pas à déclencher l’acte d’achat. Le produit n’est pas adapté à la demande réelle des ménages modestes. Les classes moyennes captent l’essentiel des subventions et les finances publiques supportent un coût disproportionné pour un résultat faible.

 

Comme le résume Marc Bruschet, "On impose un objectif économique et écologique… mais on oublie le consommateur. Et c’est comme ça qu’on finit par planter le marché."

 

Selon ce dernier, la seule solution réellement efficace à la fois socialement et pour la transition énergétique serait une forme de prime à la conversion, ouverte aux véhicules d'occasion récents. Une tentative menée par l'Espagne qui accorde une surprime en cas de dépôt d'un vieux modèle à la casse.

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