Le réseau BMW paré pour la reprise
"Une proximité entre le réseau et le constructeur comme j'en ai rarement vu". Cette constatation a été pourtant faite par un distributeur au portefeuille de marques bien garni, Jean-Paul Lempereur. Selon les distributeurs, unanimes, cette période de confinement a été caractérisée par un travail de collaboration étroit entre le groupe allemand et ses investisseurs.
Représentants du groupement, patron de la marque en France, Vincent Salimon, responsable après-vente, Cyril Jacquin, et directeur financier, Joachim Heer, tous étaient réunis, virtuellement, chaque semaine, afin, dans un premier temps, d’éteindre l’incendie en prenant les dispositions financières requises, mais aussi d’assurer une logistique satisfaisante des pièces. L’occasion également de faire régulièrement le point sur la situation en France avec, comme avantage pour un groupe mondial, de pouvoir réaliser un benchmark avec les pays concernés plus tôt par l’épidémie, comme la Chine. "L’idée était d’en tirer les bonnes pratiques, aussi bien au niveau industriel que commercial, afin d’assurer un redémarrage le plus rapide possible", reprend Jean-Paul Lempereur.
L’occasion également de rassurer le réseau sur la façon dont le groupe BMW envisage l’avenir. "Malgré cette période compliquée, il y avait une vraie vision, un vrai cap, appuie le dirigeant. Nous n’avons jamais senti un constructeur qui baissait les bras, mais un constructeur offensif, qui nous donnait de l’espoir". Solidité financière du groupe, plan produit à venir, projets de croissance, voiture du futur : l’outil industriel était à l’arrêt, mais la tête pensante, elle, bien active.
Adopter une stratégie différenciante
Cette volonté de se focaliser sur l’avenir et ses promesses se retrouve aussi dans l’angle d’attaque choisi par la marque et ses concessionnaires pour se distinguer dans un paysage automobile qui s’annonce chahuté. Ainsi, contrairement à nombre d’autres constructeurs, BMW concentre, dès aujourd’hui, ses efforts de communication non pas sur l’offensive prix, mais plutôt sur ses nouveautés produits, synonymes de valeur ajoutée technologique mais aussi financière. "Dans la cacophonie commerciale générale, l’idée de la marque est de capitaliser sur les modèles lancés avant le confinement", souligne Antoine Sabrié, dirigeant du groupe Panel et représentant du groupement des concessionnaires BMW-Mini, qui a validé cette approche. Ainsi, la campagne radio et télévision de la Série 2 Grand Coupé, initialement prévue juste avant le confinement, a par exemple débuté, le dimanche 10 mai.
"BMW veut communiquer sur un message de plaisir, de technologie, résume Pierre-Edouard Dieu, dirigeant du groupe Altitude, et ne souhaite pas rentrer dans une guerre commerciale", quand bien même des aides ont été prévues pour les VN en stock depuis plus de 180 jours dans le réseau et plus de 90 jours chez le constructeur, essentiellement des VD donc. Si du côté des concessionnaires, ces stocks sont jugés plutôt élevés, ils n'en restent pas moins bien constitués. "Nous disposons d’un stock correct, grâce à une belle activité en début d’année, reprend Pierre-Edouard Dieu. Nous avions réussi à retrouver un taux de rotation plutôt correct".
Les concessionnaires gardent au contraire précieusement certains modèles dans leur parking : en raison de l’arrêt d'usines, certains modèles, notamment ceux en provenance des Etats-Unis, pourraient mettre du temps à parvenir dans le réseaux français. "Nous avons par exemple retiré de la bourse d’échange les modèles de la gamme X. Si les généralistes avec des stocks importants vont vouloir brader, les marques premium au plus faible volume vont au contraire anticiper les difficultés d’approvisionnement", illustre Laurent Fermen, responsable BMW et Mini au sein du groupe Lempereur.
Craintes sur le VO et le BtoB
Une politique volontariste sur le VN en stock qui a toutefois fait naître quelques craintes concernant l'activité VO, dont on n'attend pas particulièrement une reprise dynamique. Pour preuve, des livraisons de véhicules annulés chez Lempereur et un flux de leads qui a fondu comme neige au soleil durant le confinement. Et ce, contrairement au VN, boosté par la forte présence sur les réseaux sociaux du groupe BMW. "Le VO est souvent le grand oublié des constructeurs", confirme Pierre-Edouard Dieu, qui, par peur de voir ses VO récents dépositionnés par rapport aux VN a de lui même décidé d’un prix légèrement en dessous de celui du marché. "Sans coup de pouce, il peut effectivement arriver que certains VD se retrouvent moins cher qu’un VO récent, sachant que le constructeur subventionne les VR sur les VN et non pas sur les VO", illustre Laurent Fermen.
Il faut croire que les inquiétudes ont été entendues puisque la marque a fait part, ce lundi 11 mai au matin, d’un plan de relance sur le VO prévoyant notamment un taux promotionnel proposé par la captive jusqu’à fin septembre, une augmentation de la durée de l’offre locative Pass Lease de 36 à 48 mois ou encore, pour le réseau, un prolongement de l’accompagnement des encours. Une campagne de communication nationale sur une garantie à 1 euro par mois débutera également à partir du 1er juin, jusqu’au 18 juillet.
Autre point d’inquiétude pour les distributeurs : l’activité BtoB, très souvent cruciale pour leurs affaires. Chez certains concessionnaires, ces clients, qu’ils soient de professions libérales, TPE, PME ou grands comptes peuvent représenter jusqu’à la moitié des volumes. C’est ce que confirme Pierre-Edouard Dieu : "nous avons une activité clientèle, directe et indirecte important. Or, il n’est vraiment pas certain que les renouvellements de contrats seront la priorité, nous parions plutôt sur un allongement des durées de détention. Les modalités de prise en charge du chômage partiel vont également évoluer, tout l’enjeu pour les entreprises sera donc de réduire les pertes. Certains n’y parviendront sans doute pas, un nombre important de défaillances pourrait intervenir à l'avenir. La reprise côté professionnels sera très compliquée." Sur ce canal, la captive du groupe et sa filiale Alphabet ont démarré une campagne emailing. Suffisant ? Pas certain selon Laurent Fermen chez qui les flottes et professions libérales représentent 41 % de l’activité. "Il nous faut travailler à tout prix ce canal, y compris en local."
Des objectifs « justes »
Gros point positif, selon le réseau : un aménagement des objectifs, jugés justes. Ainsi, avec l’approbation du groupement, la marque a décidé de rassembler les objectifs de mars avril et mai, avec un poids relativement faible dans l’année. "L’objectif est que tout le monde ait ses primes. Le groupe n’a pas profité du contexte pour torpiller les objectifs, qui se sont construit dans l’intérêt de toutes les parties. Les marques ont besoin de nous pour écouler les stocks, nous avons besoin d’elles pour marger", constate Antoine Sabrié. Quant aux primes qualité, elles bénéficient d’aménageant partiels à compter de mai et seront accordées aux distributeurs réalisant 120 % de leur volume.
Dans le cas contraire, les distributeurs auront les items classiques liés à la qualité à remplir pour obtenir leur prime. La feuille de route est claire : priorité au commerce, sans délaisser toutefois le service premium. "Le constructeur a été admirable, et très performant dans l’accompagnement de son réseau tant du côté de la politique commerciale que des bonus volume en faisant en sorte que les objectifs soient réalisables de mars à mai", juge de son côté Laurent Fermen, qui se veut toutefois prudent pour le reste de l’année.
La question de la rentabilité
Si des objectifs ont certes été esquissés pour le deuxième trimestre et le second semestre, en fonction de plusieurs scenarii d’atterrissage du marché, le groupe BMW souhaite, selon le groupement, rester flexible. "Nous ne sommes pas à l’abri d’un retour de bâton pour le T2 et attendons les objectifs. Ces objectifs doivent de toute façon coïncider avec ce que les marques sont capables de livrer, ajoute Laurent Fermen. A noter également que si les objectifs des constructeurs ne nous inquiètent pas pour le moment, nous serons loin des budgets initiaux que nous avons établis avec deux mois d’activité en moins". C’est là que se pose pour le réseau la question du partage de la marge : les distributeurs des deux marques du groupe allemand ne se veulent pas des plus optimistes concernant leur rentabilité en 2020. L’an passée, cette rentabilité avait atteint 1,2 %. "Cette année, pour les moins optimistes, il s’agira plutôt de ne pas perdre d’argent", résume Laurent Fermen.
Pour Antoine Sabrié, le confinement et le quasi arrêt de l’activité a perturbé les règles du jeu. "Un mois de confinement est égal à un mois de perte de résultat. On peut donc penser que nos résultats seront altérés pendant trois mois, le temps du redémarrage. Il y aura un point de passage à fin juin pour constater dans quel état financier se trouve le réseau, mais il certain que les rentabilités n’auront plus rien à avoir avec les années précédentes. Nous avons toute confiance en la marque afin qu’elle donne les moyens à son réseau de reconstituer ses résultats", conclut-il.