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Distribution

Le remarketing peut‑il encore se faire en France ?

Publié le 24 septembre 2025

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
Il est maintenant acté que le marché des voitures d’occasion est devenu européen. Dans ce nouvel environnement économique, la France semble faire face à des distorsions de marché, selon les acteurs du remarketing. Les logiques de flux se redessinent et ce ne serait pas toujours en faveur de l’Hexagone.
Voiture d'occasion remarketing
Les acteurs du remarketing de voitures d'occasion partagent certaines inquiétudes quant à la trajectoire du marché. ©Le Journal de l'Automobile

Qu’on se le dise sans dé­tour : la distribution au­tomobile française va devoir composer avec un afflux de voitures d’occasion électrifiées à la rentrée 2025. Les constructeurs, les concessionnaires, les loueurs ou en­core les plateformes de remarketing s’accordent de manière unanime sur cette réalité à venir.

 

Évidemment, chacun se tient prêt avec les armes qui sont les siennes et tout le monde s’autorise à user de moyens les plus variés pour ne pas subir des ralentissements de rotation et donc des augmentations de stock. Voulant illustrer la situation, Sté­phane Magnier, responsable France de Cars2click, utilise cette image : "Il y a un fleuve de buy backs qui va constituer un lac de voitures élec­triques d’occasion qui ne s’écoulera a priori que par un petit ruisseau."

 

En effet, si la demande pour des véhi­cules d’occasion a augmenté de 10 % au premier semestre 2025, comme le constate Leboncoin, les Français montrent encore peu d’attirance spontanée pour les VE de seconde main. Ce segment ne représente que 4 % des manifestations d’intérêt au­près de revendeurs professionnels et seulement 2 % environ en considé­rant par ailleurs le canal CtoC.

 

 

Pourtant, les voitures électriques d’occasion occupent bien davantage le quotidien des plateformes dédiées aux échanges en BtoB. "Tous les apporteurs ont un sujet unique, té­moigne Guillaume Arnauné, com­missaire‑priseur d’Enchères VO. De fait, ils veulent connaître notre capacité à revendre des voitures électriques." Et Stéphane Magnier d’attester : "Des groupes de distribu­tion nous envoient des listes sans prix et croisent les doigts pour que nous trouvions des solutions économique­ment acceptables à l’export."

 

Usine à VO

 

Les places de marché auront affaire à des véhicules électriques qui re­viendront davantage d’un premier cycle de vie assez long. Il s’agit à la fois de voitures mises à la route au sein de flottes au lendemain de la pandémie et d’exemplaires acquis par des particuliers quand les aides à la conversion battaient leur plein. Autant d’automobiles âgées désor­mais de trois à quatre ans. Il y aura peu de VEO de 12‑24 mois, car les loueurs courte durée ont été assez prudents quant à l’effort de transition.

 

"Nous avons majoritairement des voitures thermiques à revendre, atteste Nam Nguyen, directeur des actifs d’Eu­ropcar Mobility Group. La péné­tration des électriques sur nos plate­formes de revente ne dépasse pas 10 %. Cela limite notre risque d’exposition et, plus globalement, nous avons le sentiment que notre flotte est alignée sur la demande du marché VO". Un fait que nous confirme le directeur du remarketing d’un constructeur majeur, qualifiant de "frileux" les gestionnaires de parc LCD.

 

 

Cette grande usine à VO qu’est la France métropolitaine continue ainsi d’alimenter l’Europe. Et lorsqu’il s’agit de voitures électriques, les grands ac­teurs du remarketing estiment que plus de la moitié des volumes qui leur sont confiés quitte nos frontières. "Nous ne revendons rien en France car les concessionnaires fuient ces pro­duits", confirme pour sa part An­toine Paul, fondateur d’Autolity, so­ciété de remarketing qui fonctionne sur la base du démarchage.

 

Et ce n’est pas Olivier Fernandes qui le contre­dira. En qualité de patron de BCAuto Enchères, il observe qu’en général, 40 % des véhicules provenant des retours de leasing prennent la route d’un autre pays. Cette part s’envole à 75 % lorsqu’il isole les voitures élec­triques. Le Danemark, les Pays‑Bas et le Portugal constituant les destina­tions premières.

 

Une attractivité que la France ren­force malgré elle. Notre pays attire de plus en plus les négociants étran­gers du fait du niveau de prix parmi les plus avantageux au regard de la qualité des produits. Force était de le constater lors de la vente aux en­chères organisée, le 2 juin dernier, par BCAuto Enchères justement avec la collaboration de loueurs en tout genre et à laquelle Le Journal de l’Automobile a assisté. De nombreux acheteurs avaient alors fait le dépla­cement jusqu’à Paris pour batailler.

 

Mais à la fin de la matinée, certains s’agaçaient d’avoir vu des voitures, quel que soit le type de la motori­sation, être adjugées en BtoB à des compétiteurs étrangers pour des montants dépassant le prix de mar­ché BtoC dans l’Hexagone. "Nous vivons cela au quotidien et quand on prend du recul sur ce phénomène, on comprend mieux le déséquilibre de la balance commerciale", commentait alors un des enchérisseurs.

 

Problématique de prix de marché

 

Alors, certes, le bilan économique de la France au jeu de l’import‑export a tout de réjouissant pour le système fiscal, mais les spécialistes du remar­keting et les distributeurs de voitures d’occasion ne manquent pas de s’in­quiéter. L’un d’eux alerte sur le fait que "la France a été comme déclassée dans la liste des pays européens, au point d’être devenue un lieu d’approvisionne­ment pour les négociants espagnols". Un comble, selon lui. Beaucoup y voient la conséquence de la déflation des prix de marché sur notre territoire.

 

D’une part, il y a davantage d’intérêt à exporter pour tirer plus de valeur d’une voiture d’occasion. Les acheteurs français peinent à for­muler des offres capables de rivaliser sur la scène européenne. Cette évolu­tion d’écart de prix avec nos voisins se constate dans l’étude réalisée chaque mois par Le Parking pour Le Journal de l’Automobile.

 

Nous n’avons plus la primeur des listes, voire nous n'obtenons que les miettes, les invendus

 

En étudiant les don­nées de l’agrégateur d’annonces de VO, il apparaît que le prix moyen affiché par les distributeurs au cours des sept premiers mois s’élève à 24 239 euros en France, contre une tendance à 27 149 euros chez nos voisins les plus proches géographiquement. Cela place l’Hexagone loin derrière l’Al­lemagne et la Belgique évidemment (plus de 31 000 euros de moyenne), mais aussi en retrait de l’Espagne et des Pays‑Bas (autour de 27 000 euros) pour finalement jouer dans la même cour que l’Italie et le Portugal.

 

En toute logique, les intermédiaires de remarketing étrangers ne contactent plus forcément les acheteurs français aussi régulièrement qu’auparavant. "Nous n’avons plus la primeur des listes, voire nous n’obte­nons que les miettes, les invendus", confie un cadre expérimenté du sec­teur. Il entrevoit une complexité qui, d’abord, pourrait jouer contre la di­versité des stocks chez les distribu­teurs et, ensuite, créer artificiellement une pénurie sur certains produits. Les plus gros modèles sont particu­lièrement exposés au risque, notam­ment les SUV, véhicules familiaux et de transport de personnes.

 

Un contexte porteur

 

Dans le camp des professionnels du remarketing, il règne tout de même une forme de sérénité. "Nous avons vécu une bonne fin de semestre et avons enchaîné avec un solide mois de juillet, marqué par une augmentation des ventes de VO zéro km", commente Antoine Paul, chez Autolity. Shaïr Lazgiyan, dirigeant de la branche française de VWE, décrit aussi un environne­ment commercial "satisfaisant " au terme de la première moitié de l’année.

 

Mais pour y parvenir, la ruse a consisté à intégrer toujours plus de fournisseurs de sorte qu’ils compensent la baisse de volume individuelle. "Il ne faut pas oublier qu’il y a eu une pénurie de VN dans les flottes et que, de fait, les restitu­tions connaissent un creux", sou­ligne‑t‑il. En cette rentrée, VWE devrait entamer une relation avec un loueur longue durée d’envergure internationale qui va alimenter ses listes avec un volume conséquent.

 

 

Les années passent et se res­semblent. Une fois encore, la ren­trée devrait rimer avec gestion des subtilités de marché. Toutefois, le calendrier des fins de contrat pourrait bien ajouter une couche inédite de complexité et de danger pour les trésoreries. Au milieu, les spécialistes du remarketing auront une carte à jouer. En tout cas, ceux qui disposent de ramifications à l’étranger.

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