Internet ? Interdit !
...point de départ : un opérateur indépendant du Net ne peut pas exiger d'être approvisionné directement en VN par les constructeurs. La Commission européenne elle-même n'a pas osé franchir le pas, pour une raison clairement exprimée : pas question de pénaliser les distributeurs qui ont investi dans la pierre, au profit de parvenus capables de vendre les mêmes produits à un prix plus avantageux, mais coupables de ne pas avoir bâti en dur. Il y a peut-être eu lobbying de la part de certains acteurs du marché ; en tout cas, tout le monde, distributeurs et constructeurs confondus, a l'air d'accord avec cette argumentation tendant à préserver l'existant aux dépens de ceux qui innovent. Hélas, c'est avec des raisonnements comme celui là qu'on alimente son propre déclin, que l'on soit constructeur ou distributeur : on ne fige pas impunément un système archaïque. Le marché finit toujours par se venger du protectionnisme ; il le fait à travers des prix élevés et une demande faible, chacun de ces deux éléments étant à la fois cause et conséquence de l'autre. Il faut accepter le changement.
La mesure du risque
On a sans doute surévalué la dimension du risque encouru par les concessionnaires dans le cas d'une ouverture totale au commerce électronique dans l'automobile. Même dans les domaines où l'achat direct sur la toile semble le plus "naturel" (livres, disques…), on n'a pas encore assisté à une hécatombe des entreprises appartenant à d'autres canaux de distribution. Certes, la concurrence s'est accrue ; re-certes, il y aura des "victimes" : ce seront, comme d'habitude dans une économie libérale, les entreprises les moins aptes à évoluer en fonction des nouvelles conditions du marché. Parmi ces conditions nouvelles, la vente sur Internet contribue à faire progresser l'ensemble du secteur, en introduisant plus de concurrence. Telles sont les règles du jeu. Revenons-en, à présent, à l'automobile. Personne ne peut penser sérieusement que le commerce électronique se substituera totalement, ni même majoritairement, aux autres canaux de distribution comme les concessions, par exemple. Les hypothèses les plus audacieuses estiment à un tiers du total la part de marché que pourrait prendre, un jour (lointain ?), la vente directe sur Internet. Si cela se produit, les concessions les moins efficaces en souffriront le moment venu ; les autres auront alors tiré leur épingle du jeu, par exemple en investissant sur ce nouveau canal de vente. On se consolera partiellement en constatant que la concentration des concessions s'accélère en Europe… et en se souvenant du fait qu'il y a encore surnombre, un peu partout.
La poussière et le vent
Nombre d'entreprises de distribution sont poussiéreuses et il n'y a que deux façons d'enlever la poussière : on peut le faire soi-même, en s'adaptant aux réalités nouvelles, ou bien on laisse le vent de la concurrence s'en charger. La deuxième option est moins agréable que la première, et c'est tout dire. Soyons clairs : le commerce électronique finira par être libéralisé. Il est dans la tête et les habitudes des générations les plus actives d'entrepreneurs et de consommateurs ; et, pour l'automobile, il peut constituer un élément de tout premier ordre dans la guerre des prix et la baisse des coûts que celle-ci suppose : c'est plus qu'il n'en faut. Il appartient, par conséquent, aux acteurs du marché de s'en occuper sans trop tarder. Ainsi en est-il des concessions, qui pourraient suivre plusieurs voies, toutes exemptes de poussière. Par exemple, les groupes multimarques pourraient planifier le développement de la vente directe sur Internet, en proposant des comparaisons de modèles directement concurrents des différentes marques commercialisées, à la fois sur le Net et dans un point de vente multimarque qui servirait aussi de point de livraison. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce sont cependant les concessions traditionnelles monomarques qui devraient s'activer pour obtenir la libéralisation de la vente sur le Web. Il leur faudrait obtenir de Bruxelles la possibilité de constituer des "groupes de vente intermarques" ayant pour seul objet la vente sur Internet des marques représentées par chacun des adhérents : s'agissant d'un accord entre entreprises concurrentes, ce ne sera pas facile. Mais c'est ça ou le vent.
Ernest Ferrari, Consultant
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