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Distribution

Groupe Guyot : le sens de la famille

Publié le 16 avril 2021

Par Christophe Bourgeois
10 min de lecture
Implanté en Côte-d’Or, le groupe Guyot poursuit sa progression. Camille Guyot, troisième génération de dirigeants, fonde sa croissance sur le développement du véhicule d'occasion, de nouveaux services et pourquoi pas quelques acquisitions dans la région.
Le groupe Guyot distribue Renault en Côte d'Or (21) depuis 1955.

 

Trente ans et trente acquisitions et reventes :  C’est aller un peu vite en besogne, mais c’est comme cela que résume avec le sourire Camille Guyot, directeur général du groupe éponyme et troisième du nom, une histoire qui a commencé en 1955 dans le petit village de Saint‑Bonnet‑de‑Joux, au sud de Montceau‑les‑Mines (71). Son grand‑père, Gabriel, est fils d’agriculteurs du Morvan. À la campagne, on sait tout faire, y compris de la mécanique. À 27 ans, il s’installe dans le Charolais comme agent Renault et monte une station Total. Il y restera dix‑neuf ans.

 

Bernard, qui au fil des décennies fera du groupe Guyot ce qu’il est aujourd’hui, naîtra deux ans plus tard. En 1974, l’activité étant à la peine, Gabriel « monte » à la ville et s’installe, toujours avec le panneau Renault, à Chagny (71), une petite bourgade entre Chalon‑sur‑Saône (71) et Beaune (21).

 

"C’est une agence qui existe encore et que nous avons rachetée en 2005, deux ans avant la mort de mon grand‑père qui était heureux de ce retour aux sources", raconte Camille Guyot. De son côté, si Bernard passe son enfance dans l’atelier, il ne rêve que d’une chose : devenir chirurgien. Un projet qui tournera court en 1976. Alors qu’il est dans l’année de son bac, Gabriel lui demande son aide.

 

Depuis deux ans qu’il est installé à Chagny, le garage n’a toujours pas le téléphone ! Les traites s’accumulent, l’affaire court à sa perte et Gabriel ne peut s’en sortir seul. Bernard doit dès lors abandonner son rêve. Il se retrousse les manches et rejoint son père. Les territoires de chacun sont alors bien définis : Gabriel, l’atelier, Bernard, la vente et le dépannage.

 

Naissance du groupe

 

L’entreprise reprend des couleurs, mais la cohabitation se passe mal. Dix ans plus tard, l’agence est revendue et Bernard, soutenu par Renault qui avait suivi son parcours, décide de voler de ses propres ailes, en reprenant une ancienne concession à Saint‑Florentin, au nord de l’Yonne, en mauvaise posture.

 

"Mon père a dû mettre en place une grosse restructuration, aussi bien sur le plan humain que financier", glisse Camille qui est né à cette époque, en 1986. Avec sa femme Monique qui travaille avec lui, Bernard remet le site à flot. Trois ans plus tard, Renault le pousse à s’en séparer pour rependre celui de Poligny (39). Cela sera sa première concession et le début de la saga Guyot, une succession d’achats et de ventes.

 

La famille déménage et devient jurassienne. Contrairement à l’affaire de l’Yonne, la reprise est plus facile et en 1993, Bernard achète le point de vente voisin de Champagnole. Deux ans plus tard, il crée une agence à Arbois afin d’étendre sa couverture territoriale. En même temps, Renault le mandate pour reprendre la concession de Belfort (90) qui était, comme celle de Saint‑Florentin, mais dans une tout autre mesure, en difficulté.

 

Comme à son habitude, Bernard remet les comptes dans le vert et revend deux ans plus tard le site… au constructeur. À la même époque, grâce à une belle opportunité et dans le but d’accroître ses volumes et de toucher une autre clientèle que celle de Renault, il se diversifie en prenant les panneaux Volvo, Honda et Mitsubishi à Belfort (90) et à Besançon (25).

 

À l’autre bout de la France

 

Bernard Guyot est dans les petits papiers de Renault. En 1999, il a 45 ans, redressé deux concessions et s’épanouit dans son travail. C’est donc tout naturellement que le constructeur lui propose alors de reprendre la plaque… du Tarn. Au menu, six concessions Renault et deux Nissan, rachetées à deux groupes différents.

 

Géographiquement, c’est le grand écart. Mais, après l’avis de la famille qui décide de rester dans le Jura, il signe. "Une situation qui ne serait absolument pas tenable aujourd’hui, souligne Camille Guyot. Aucune synergie n’était possible entre les deux territoires, aussi bien sur la vente que sur l’après‑vente ou sur le personnel, sans parler des charges de structure. Mais indéniablement, nous n’en serions pas là aujourd’hui si mon père n’avait pas fait ce choix qui paraissait fou, même à l’époque."

 

Car aucun groupe familial de cette taille n’avait jusqu’à présent eu un territoire aussi écartelé. Bernard va donc une semaine dans le Sud, une autre dans l’Est. Il passe alors à 3 000 VN. L’ascension du groupe ne s’arrête pas là. Entre deux allers-retours entre le Jura et le Tarn, le groupe Guyot intègre une concession… Citroën. Bernard a jeté son dévolu sur celles de Besançon et de Vesoul et à part l’aventure Volvo, c’est la première fois qu’il fait une infidélité à la naissante Alliance.

 

"Nous sommes en 2000, se souvient Camille. Le groupe a toujours travaillé le VO et cette reprise de Citroën était une belle opportunité." Mais diriger une entité présente dans deux régions éloignées de 800 km et un réseau constitué de Losanges et de Chevrons n’est pas sans risques. Le début des années 2000 verra le démantèlement de ce groupe dont rien ne semblait arrêter sa progression.

 

Retour dans l’Est

 

En 2002, poussé par le constructeur, Bernard doit se séparer de ses affaires jurassiennes, celles qui étaient la base du groupe et le fief de sa famille. Un moment difficile. L’année suivante, il se défait de Citroën, puis des affaires Volvo et Honda. Hasard de la vie, en 2005, Renault lui propose de revenir en Bourgogne, en reprenant Beaune et… Chagny. Retour au bercail.

 

L’agence n’avait pas changé depuis la vente vingt ans auparavant. Reste que les affaires principales de Bernard étaient dans le Tarn et que sa famille vivait toujours dans le Jura. À terme, la situation n’était pas viable. En 2008, l’aventure occitane prend fin. "D’un groupe multimarque, multisite, nous sommes passés, dix ans plus tard, à une affaire monosite, monomarque", résume avec philosophie Camille Guyot.

 

Malgré ce constat un peu rude, il en faudra plus à son père pour se laisser abattre. Cette situation n’a duré qu’un an. En 2009, avec la succursale de Dijon en ligne de mire, Bernard reprend les territoires de Montbard et de Semur‑en‑Auxois (21), à l’ouest de la capitale bourguignonne qu’il finira par mettre dans son escarcelle en 2013. Lourde tâche. Car comme d’habitude, Bernard doit éteindre les incendies. La succursale est, en effet, mal en point. À tous les niveaux. En premier lieu, la concession en tant que telle. "Elle couvrait une superficie de 40 000 m² dont la moitié de bâti", se rappelle Camille Guyot.

 

Un immense chantier, qui va durer trois ans, est enclenché. Le terrain comme les bâtiments voient leur superficie être divisée par deux. Le tout sans fermer le site. Ensuite, il a fallu intégrer les équipes à un nouveau projet d’entreprise. Parfois, non sans mal. Le groupe fait d’ailleurs appel aux conseils d’un cabinet de marketing interne. "Nous avons beaucoup travaillé sur le dialogue afin de remotiver les équipes et de donner du sens au travail de chaque collaborateur", explique le dirigeant. En deux ans, le groupe reprend les rênes de l’affaire. "Alors que nous avions du mal à recruter lorsque nous sommes arrivés, nous recevons désormais des CV de qualité et motivés, ce qui prouve que les gens ont envie de nous rejoindre. C’est pour nous une fierté", glisse‑t‑il.

 

3e génération

 

2013 aura aussi été l’année où Camille, troisième génération, se lance dans l’aventure. Lui aussi n’était pas voué à intégrer l’affaire familiale. "Je n’avais pas de passion particulière pour la chose automobile", avoue‑t‑il. Auparavant, il avait suivi une école de commerce et découvert que la vente lui plaisait. Mais à cette époque, il n’était pas question de rejoindre Dijon. Du moins, pas tout de suite. Il intègre dès lors le groupe Havard en alternance et finira par y rester cinq ans. "Je leur dois beaucoup, ils m’ont tout appris."

 

En 2017, pour des raisons personnelles, Bernard et Monique se retirent un peu du terrain. Camille prend alors la direction du site de Dijon, puis en 2019, celle opérationnelle du groupe. Mais l’affaire reste avant tout familiale. Bernard, qui est également président du groupement des concessionnaires Renault et fortement impliqué dans la vie économique dijonnaise, reste le PDG de la société, Monique dirige la direction juridique et RH, tandis que les sœurs de Camille disposent de participations, sans oublier sa femme qui travaille à la concession.

 

"Mais il est interdit de parler business lors des réunions de famille, lâche‑t‑il avec le sourire. Sinon, on se fait rappeler à l’ordre !" Désormais bien implanté en Côte‑d’Or avec Renault et Dacia, sans oublier les panneaux Alpine (2018) et Mitsubishi (2020), le groupe regarde l’avenir avec confiance. Dans les semaines à venir, il va compléter son offre avec MG "ce qui nous permettra d’avoir quelques volumes supplémentaires", indique Camille Guyot, tandis que sur le marché de l’occasion, un nouveau site VOP ouvrira ses portes au nord de la métropole.

 

"Le VO est dans notre ADN", rappelle‑t‑il. Le groupe fait, en effet, 6 000 VO par an, dont 4 000 en BtoB. "Ce lieu sera principalement dédié aux VUL, qui sont pour nous un très gros marché, d’autant plus que la concurrence est relativement faible dans la région. Nous avons pour ambition de faire 200 à 300 ventes annuelles, présente‑t‑il. C’est également un levier qui nous permettra d’enrichir notre clientèle en VN."

 

En parallèle, le groupe a renforcé ses équipes sur le négoce VO et se mobilise à moyen terme sur la croissance externe, principalement au sein de l’Alliance. "Mais pas à l’autre bout de la France ! , glisse Camille Guyot. Notre ambition est de rester dans la région, jusqu’à deux heures de route, afin de créer des synergies."

 

Le développement du groupe passera également par le service. "Notre métier doit se réinventer et nous croyons beaucoup aux nouvelles mobilités." La famille Guyot observe notamment ce que fait le groupe Thivolle qui est devenu, avec le site de Villefranche‑sur‑Saône (69), le premier concessionnaire à être réparateur de batteries chez Renault. L’entreprise met également en avant les services financiers et locatifs, aussi bien auprès des particuliers que des professionnels. "Il faut créer des points de rencontre réguliers avec les clients et leur offrir une multitude de services, insiste‑t‑il. Sur le VO, par exemple, nous réalisons 15 % en LOA. Cela nous permet de faire tourner nos ateliers et de fidéliser nos clients. Nous avons également une offre de location courte durée, une entité à part entière, qui dégage un chiffre d’affaires d’un million d’euros, avec une flotte de 200 véhicules."

 

Le groupe Guyot projette également de mettre à profit ses trois stations‑service Total. "Ce sont des points de passage par excellence, observe Camille Guyot. Pourquoi ne pas les utiliser pour offrir d’autres services, comme l’électromobilité ou de la mobilité partagée ?" À terme, le groupe estime que le développement de ces prestations annexes pourrait apporter 5 à 10 % de clientèle supplémentaire. Il semble loin le temps de l’atelier Guyot à Saint‑Bonnet‑de‑Joux. Même si la façade du garage existe toujours.

 

Camille Guyot dirige aujourd'hui le groupe Guyot

 

 

Le groupe Guyot en quelques chiffres

Date de création : 1955

Nom de la société holding : SAS CODIVA

Distribution des marques : Renault, Dacia, Alpine, Mitsubishi et réparateur agréé Fiat, à venir MG

Volume des ventes : 4 000 VN, 2 000 VOP, 4 000 VO à marchand et négociant

Lieux d’implantation : Dijon, Beaune et trois agences (Chagny, Genlis, Auxonne) CA (2020) : 150 millions d’euros

Nombre de collaborateurs : 245

Position dans le top 100 des distributeurs du Journal de l’Automobile 2020 : 84e place

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