Groupe Guez : Un groupe au cœur de l’histoire
...le dirigeant, témoigne.
"Difficile de mieux connaître la marque Ford que notre groupe", prévient d'emblée Claude Guez, P-dg du groupe. Au milieu de son bureau, traînent photos jaunies, portraits, maquettes et autres cadres qui témoignent d'une histoire longue entre le groupe de distribution et Ford. Les liens qui unissent le nom Guez à la marque américaine sont établis depuis plus de 60 ans. Des liens faits pour durer puisque Claude Guez, qui s'approche lentement de la retraite, est en train de passer la main à son fils Charles.
Charles c'est justement le prénom du grand-père, fondateur du groupe et à l'origine de la success story de cette grande famille rouennaise.
Après un début de carrière à la SNCF, Charles Guez entre dans un garage qui vendait déjà des Ford, sans doute parmi les premières en France. Pendant la guerre, Rouen est soumis à l'épreuve des bombes et le garage ne résiste pas aux bombardements alliés. Avec trois associés, Charles Guez reprend à son compte le site et ouvre ensemble un local de mécanique générale. Ils réparent les voitures et les louent. "Au sortir de la guerre, mon père a commencé par vendre des Kayser-Willis mais également des Vespa et même des Vespa 400. Mais c'est réellement en 1955 que le nom Guez a pris de l'importance, lorsque mon père a signé son premier contrat de concessionnaire avec Ford", explique le dirigeant. En effet, à cette date, Ford décide de sérieusement s'implanter dans l'Hexagone et se met à rechercher des concessionnaires. "C'est logiquement que mon père a été contacté pour représenter la marque non seulement sur le secteur de Rouen, mais également sur une grande partie de la Normandie", se souvient Claude Guez. On confie au concessionnaire la Seine Maritime, le Calvados l'Eure et l'Eure-et-Loir. Un territoire immense pour l'époque. "Mais, on nous a surtout confié les villes de Dreux et d'Evreux où se trouvaient les bases américaines !" commente le dirigeant. C'est le début du succès. "Dans les années 60, Ford a décidé d'importer plus de voitures, et, aux américaines, la marque ajoutait désormais ses européennes (anglaises et allemandes). Nous avons alors touché un public plus large que les seuls soldats US et notre notoriété est allée en grandissant", poursuit-il.
1981, le début de l'âge d'or
Ce dernier, alors qu'il termine son service militaire en 1966, apprend la mort de son père. Claude Guez rejoint l'entreprise familiale où son aîné Michel est entré quelque temps plus tôt. Celui qui allait devenir dirigeant apprend alors son métier sur le tas. Il se souvient de ses débuts : "Nous démarrions de pas grand-chose, les Ford étaient désormais des voitures européennes. Nous vendions 625 VN par an mais je me rappelle surtout de l'attitude du constructeur. Ford a été très formateur et m'a réellement appris mon métier. J'ai tout de suite vu qu'ils avaient du respect pour leurs distributeurs." Claude Guez ne garde que de bons souvenirs de Vick Dial, premier dirigeant de Ford France, mais surtout d'Alain Doléan, son successeur. "Il a vraiment fait démarrer les Le groupe Guez
choses et réussi à faire entrer le réseau Ford dans le modernisme. Ce dirigeant nous motivait et savait nous rassurer. Sincèrement, sous sa direction, j'ai bien gagné ma vie pendant cette période." Une période, située en 1981 et 1990, que Claude Guez qualifie d'âge d'or de la marque quand Ford se battait pour la première place d'importateur sur le marché français. "Les meilleurs volumes jamais réalisés."
FOCUS
- Ford : 1 771,
- Mazda : 158,
- Volvo : 156,
- Jaguar : 29,
- Fiat : 455,
- Alfa : 98,
- Lancia : 38,
- Kia : 128.
1985, le début des acquisitions
En effet, les affaires Guez vont se développer faisant entrer le groupe dans une nouvelle dimension, celle de la distribution moderne. Le groupe reprend ainsi entre 1985 et 2001 les concessions du Havre, de Rouen Sud, de Dieppe, d'Elbeuf, d'Yvetot. Certaines de ces reprises sont dues à des faillites de confrères qui n'ont pu faire face à la nouvelle donne. Les années 90 sonneront le glas de l'âge d'or pour beaucoup de distributeurs Ford.
"La marque fait face à une concurrence plus acharnée, les produits sont bons mais les motorisations ne sont pas adaptées et les tarifs trop élevés. La Mondeo notamment était à mon avis quelques milliers d'euros trop chère." En outre, une grande majorité des distributeurs Ford se lancent dans le multimarquisme. En effet, au niveau Mondial, Land Rover, Jaguar et Mazda sont entrés dans le giron du constructeur américain. Des rapprochements qui ont des conséquences sur les distributeurs. C'est notamment le cas du groupe Guez qui reprend successivement Jaguar, Mazda et Volvo. "Je n'ai pas pris Land Rover. Le groupe JFC distribuant la marque près de Caen, nous avons passé tous les deux une sorte de Gentleman's Agrement", reconnaît Claude Guez. La mise en place du nouveau règlement européen et des nouveaux contrats ne vont rien arranger. "On s'est tous fait avoir. Ce nouveau règlement devait laisser plus de liberté aux concessionnaires, or il a contribué à les inféoder. Je me souviens de discussions musclées entre le Forami (groupement des concessionnaires Ford) et le constructeur. C'était un combat perdu d'avance, une sorte de pot de terre contre pot de fer. Sans parler du CNPA, auquel j'adhérais mais qui a lâché les concessionnaires dans les discussions", se rappelle encore Claude Guez.
"Un métier difficile et éprouvant"
Le dirigeant, en témoin averti, estime que la distribution d'aujourd'hui éloigne les distributeurs de "l'essence même du métier". "On nous étouffe avec le respect de certains critères et de certaines normes", s'emporte-t-il. Celui-ci s'étonne même de l'évolution du métier où "la rémunération des concessionnaires dépend trop des marges variables et où les concessionnaires se font la guerre pour les pièces détachées."
Claude Guez déplore également une certaine standardisation des produits, pas seulement chez Ford mais chez la majorité des constructeurs. "Ils se trompent ! Les clients ont besoin de rêver, de se sentir différents et non pas de voir les mêmes véhicules quelle que soit la marque", s'énerve-t-il encore.
Malgré tout cela, le dirigeant voit en l'avenir des raisons d'espérer. D'une part, il ne tarit pas d'éloges sur son nouveau patron, Jean-Luc Gérard, qu'il a connu chez Mazda : "Je suis ravi de finir ma carrière avec un dirigeant, mon septième chez Ford, comme Jean-Luc Gérard. Il connaît bien le réseau, il est proche du terrain et en outre il souhaite simplifier le système pour nous rendre la vie plus facile. Le dialogue est toujours possible avec lui." D'autre part, la gamme Ford qui s'annonce l'encourage : "Cela va revenir. Nous avons tous connu des périodes difficiles, Ford comme les autres marques. Les produits arrivent et Ford sait qu'il peut compter sur ses opérateurs." Si l'homme est un distributeur historique du réseau, il n'oublie cependant pas les autres marques comme Volvo dont il est ravi et surtout Mazda qu'il qualifie lui-même de "marque exceptionnelle".
D'ici quelque temps, Claude Guez aura passé la main. S'il est aujourd'hui P-dg du groupe et son fils Charles, directeur général, les rôles seront bientôt inversés. L'homme accompagne son fils, en qui il a une confiance absolue, pour le préparer aux risques du métier. Un métier qu'il estime "difficile et éprouvant mais pour lequel il a eu une énorme passion." Son expérience et son caractère bien forgé lui permettent aujourd'hui de voir sa profession avec plus de recul et de sérénité. La sérénité du devoir accompli et d'avoir servi une marque pour laquelle toute sa famille à travailler. Place aujourd'hui à la 3e génération.
Tanguy Merrien
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