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Distribution

Gemy Automobiles : vers le milliard et au‑delà

Publié le 10 mars 2023

Par Christophe Bourgeois
9 min de lecture
À 30 ans, Pierre‑Élie Gérard, PDG de Gemy Automobiles, attaque l’année 2023 avec le désir d’atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Une ambition qui traduit surtout la volonté du dirigeant de structurer son groupe pour consolider son activité de distributeur automobile.
À 30 ans, Pierre‑Élie Gérard, PDG de Gemy Automobiles, vient de prendre en main la destinée du groupe de distribution familial.

Son père, Pascal, avait sensiblement le même âge lorsqu’il a repris les affaires familiales. Nous étions en 1988. À cette époque, il était le plus jeune concessionnaire de France. Aujourd’hui, à seulement 30 ans, Pierre‑Élie Gérard, qui doit probablement être lui aussi l’un des plus jeunes dirigeants du monde de l’automobile, reprend la destinée de Gemy Automobiles, nouveau nom du groupe familial depuis 2020. Il vient, en effet, de prendre la présidence, après avoir été nommé en 2020 directeur général.

 

"J’ai une formation d’ingénieur en management, présente Pierre‑Élie Gérard dans une salle de réunion de la holding du groupe, au bord de la Mayenne, à Laval (53). J’ai fait mes armes dans le milieu bancaire, dans une direction fusions‑acquisitions, un secteur qui m’intéressait beaucoup."

 

Mais en 2016, son père lui propose de prendre le relais. "Il avait envie de passer à autre chose, résume le dirigeant qui avait alors 23 ans. Ma sœur étant en Australie et les autres membres de la fratrie étant encore trop jeunes à cette époque, c’est vers moi qu’il s’est tourné."

 

Partenaire de Peugeot

 

Une passation de pouvoir qui s’est faite sans précipitation, mais franchement. Dès 2019, Pascal Gérard prend, en effet, du recul et laisse son fils gérer l’intégration du groupe breton This. Si, aujourd’hui, le capital de l’entreprise est familial, Pierre‑Élie est désormais le seul maître à bord, mais sa mère, France, est encore dans la société en tant que directrice générale déléguée, en charge notamment de la qualité.

 

 

Le groupe qui ambitionne d’atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires cette année existe depuis bientôt 80 ans. L’histoire commence en 1944. Fernand Boucheny et son épouse, les arrière‑grands‑parents de Pierre‑Élie, arrivent à Laval et prennent la direction d’un garage distribuant la marque Hotchkiss. Leur fille Monique se marie avec un certain Louis Gérard et en 1953, le couple devient concessionnaire Peugeot, toujours à Laval.

 

Peugeot Laval en 1953

L’aventure avec Peugeot a commencé en 1953 à Laval (53).

 

Cela sera le début d’une relation sans faille avec la marque au lion depuis 70 ans. En 1988, la troisième génération reprend les rênes. De cette concession mayennaise, Pascal bâtira un groupe qui figure aujourd’hui dans le top 15 des acteurs français et dans le top 5 des distributeurs Peugeot.

Développement d'abord régional

 

Le déploiement commencera en 1992 avec le rachat de la concession de Château‑Gontier (53), puis, six ans plus tard, de celle d’Angers (49) qui, pour la petite histoire, sera la première concession Peugeot de France à recevoir la certification ISO 9001. En cette fin du XXe siècle et au cours de la première décennie du XXIe siècle, le groupe Gemy se développe uniquement avec Peugeot. Il étend son champ d’action dans les Pays de la Loire, puis en Bretagne, pour se lancer, en 2005, à l’autre bout de la France.

 

 

La concession familiale dans les années 80.

 

"Mon père voulait se développer mais ne disposait pas d’opportunités autour de lui", se rappelle Pierre‑Élie. Le constructeur lui proposera alors d’investir dans le Var, à plus de 1 000 km des terres d’origine du groupe. Un pari risqué, certains groupes s’étant cassé les dents en reprenant des affaires loin de leur base, mais au fil des années, ce choix s’avéra gagnant, "même si le commerce est assez différent par rapport à nos régions du Grand Ouest", reconnaît le dirigeant. Et de détailler : "À Fréjus (83), par exemple, nous réalisons plus de ventes d’entrée de gamme ou, au contraire, de haut de gamme, la part des modèles ou des versions mainstream étant proportionnellement moins importante par rapport à ce que nous pouvons observer dans nos sites bretons ou mayennais."

 

Les chevrons de Citroën comme accompagnement

 

En 2016, ce groupe monomarque fait une infidélité à Peugeot. Une petite. En devenant distributeur Citroën et DS Automobiles à la suite de la reprise du site de Saint‑Nazaire (44), il ouvre son portefeuille de marques, mais reste néanmoins au sein de PSA.

 

Ce développement avec les chevrons continuera en 2019, avec le rachat du groupe This, puis tout récemment, des affaires bretonnes du groupe Berrezai. Mais en juin dernier, coup de théâtre. Le Lavallois, jusqu’à présent 100 % PSA canal historique, se lance avec… Renault.

 

Il est, en effet, retenu par le constructeur pour reprendre les filiales de Retail Renault Group d’Indre‑et‑Loire (37), de Tours, de Loches et de Chinon, ainsi que celle du Mans (72). Cette décision inaugure‑t‑elle un changement de stratégie ? Un pas - de géant vers le multimarquisme ?

 

"Notre politique a toujours été d’avoir un interlocuteur unique et de commercialiser des volumes conséquents afin d’optimiser la chaîne des valeurs, présente Pierre‑Élie Gérard. Dans les années 2000, c’était une stratégie à contre‑courant, qui aurait pu être risquée, mais elle a payé. Et aujourd’hui, c’est de nouveau ce que nous faisons avec Renault : un interlocuteur et des volumes importants. Nous nous sommes tournés vers Renault car Stellantis ne pouvait pas nous offrir des possibilités de croissance comme nous le voulions. À terme, nous allons nous focaliser sur les cinq marques que nous distribuons (Peugeot, Citroën, DS Automobiles, Renault et Dacia, NDLR), mais si des opportunités existent pour intégrer d’autres marques du groupe Stellantis, nous les étudierons en temps utile."

 

Un milliard d’euros de CA

 

Une intégration qui va donc lui permettre de passer à la vitesse supérieure avec 15 500 véhicules annuels dont 8 000 neufs de plus et de rejoindre le club très fermé des groupes milliardaires en chiffre d’affaires l’année prochaine.

 

"Ce n’est pas une finalité en soi, souligne le dirigeant. Mais la croissance externe nous permet de libérer des opportunités, d’augmenter la productivité, de redéfinir la chaîne des valeurs et, au final, d’industrialiser l’ensemble de nos activités."

 

En 2022, le groupe a levé 100 millions d’euros pour financer la croissance externe, le projet de transmission familiale et le développement d’Autoprepar qui est en charge du reconditionnement VO (expertise mécanique, carrosserie et peinture, essai routier, préparation esthétique, photos et transport routier). Une première usine, près d'Angers rénove près de 10 000 véhicules d'occasion. Récemment le groupe s'est également porté acquéreur d'un espace dans le Morbihan à Plumelin avec l'objectif de faire sortir de terre un troisième site qui permettra de doubler le volume traité. "Nous cherchons à nous développer en Île‑de‑France, dans la région de Bordeaux et dans le Var", présente Pierre‑Élie Gérard.

 

Diversification sur les métiers phares de la distribution

 

En 2004, le groupe s’est également lancé dans les plateformes de pièces de rechange avec Gemy PR, enseigne devenue par la suite Logicar. Cette filiale dispose de deux sites, un à Torcé (35) et l’autre à Luc‑en‑Provence (83) pour irriguer la plaque sudiste et gère 45 000 références.

 

Créée en 2012, l’entité EffiGemy est un centre interne d’appels, d’approvisionnement VN et d’exploitation des data. En 2018, le groupe s’est lancé avec Progicar, qui emploie une vingtaine de personnes, dans l’édition de progiciels dédiés aux professionnels de l’automobile qui intègrent notamment la gestion des ventes, le reconditionnement, le stock et les flux des pièces de rechange. Si cette solution digitale était jusqu’à présent utilisée qu’en interne, le groupe Gemy l’a récemment proposée à un autre groupe de distribution.

 

Enfin, dernièrement, le groupe a développé Gemy Automobiles Finance, en partenariat avec CGI Finance. "Ce produit de financement permet d’améliorer la clarté de notre offre commerciale en proposant un seul point de contact dans tout le processus d’acquisition, d’utilisation et de revente du véhicule", explique Pierre‑Élie Gérard. Cette nouvelle offre doit permettre d’augmenter la part des véhicules financés par le groupe.

 

Ce dernier avance d’ores et déjà un bilan intéressant sur le sujet (que ce soit avec CGI Finance ou PSA Banque, la captive de Stellantis), avec 40 % de véhicules d’occasion financés, 60 % de dossiers de financement sur les ventes de véhicules neufs Peugeot et Citroën et 70 % pour les ventes de DS.

 

Quatre pôles pour la distribution

 

Avec ce rachat, la partie distribution de Gemy Automobiles est organisée en quatre pôles relativement équilibrés en termes d’activité, de volume et de chiffre d’affaires.

"Nous disposons de trois plaques Stellantis, (Pays de la Loire, Bretagne et Provence‑Alpes‑Côte d’Azur) et une plaque Renault (Centre‑Val de Loire)", présente le dirigeant. Si la tendance est, pour certains groupes, la diversification dans les métiers de la mobilité au sens large du terme, ce n’est pas la feuille de route de Pierre‑Élie Gérard.

 

"J’ai fondamentalement confiance dans la distribution automobile, du moment qu’elle est pilotée par un groupe bien organisé, analyse‑t‑il. Parce qu’il y aura toujours besoin de vendre des voitures, de les entretenir, de les réparer, même dans le cadre de la croissance du véhicule électrique, je ne vois pas pourquoi je me lancerais dans d’autres activités qui accapareraient des capitaux et les capacités de mes équipes."

 

Rester en veille

 

Néanmoins, il reconnaît qu’il reste en veille sur certains sujets, dont celui de la déconstruction, " notamment pour répondre aux enjeux de valorisation des pièces détachées, glisse‑t‑il. Il s’agit d’une activité très pérenne, mais relativement difficile à structurer".

 

De par son jeune âge, on pourrait croire que l’homme est versé à fond dans le digital. Cela serait que trop caricatural. "Il existe beaucoup d’initiatives dans la digitalisation des ventes, mais elles sont loin d’être toutes pertinentes, fait‑il remarquer. Le constructeur a besoin d’un acteur performant localement pour avoir de bons résultats." Une juste observation qui ne semble pas être partagée par tous les constructeurs, mais Pierre‑Élie Gérard est confiant dans son avenir.

 

Le groupe Gemy en bref (données de 2022)

Chiffre d’affaires : 780 millions d’euros (non consolidé)

Marques distribuées : Peugeot, Citroën, DS Automobiles, Renault, Dacia

Nombre de VN : 19 000

Nombre de VO : 16 000

Zones d’implantation : Peugeot : Saint‑Brieuc, Matignon, Dinan, Plouër‑sur‑Rance (22), Fougères, Vitré (35), Châteaubriant (44), Saumur (sera cédé en juin 2023 au groupe Talbot), Angers, Les Ponts‑de‑Cé (49), Château‑Gontier, Laval (53), Lorient, Pontivy, Vannes, Auray (56), Cogolin, Draguignan, Fréjus, Hyères, La Seyne‑sur‑Mer, Toulon (83) Citroën et DS Automobiles : Saint‑Nazaire (44), Angers, Segré (49), Laval (53), Le Mans (72), Hyères, La Valette (83) + Saint‑Malo (35) et Dinan (22) intégrés en 2023 Renault et Dacia : Tours (nord et sud), Chinon, Loches (37), Le Mans (72)

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