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Distribution

Francois Mary, président du groupe Mary et Christian Buot, directeur général du groupe Mary.

Publié le 26 juin 2009

Par David Paques
11 min de lecture
"Nous sommes sortis du modèle historique du concessionnaire"L'un des rares grands acteurs de la distribution hexagonale à demeurer monomarque : le groupe de...
...François Mary répète l'efficience de sa position et de son organisation. Une profession de foi, quasi à la marge, qui semble autant profiter à l'opérateur qu'au constructeur.

Journal de l'Automobile. Comment se porte aujourd'hui le groupe Mary ?
François Mary. Nous avons 15 sites, dont une plate-forme de distribution de pièces de rechange, 5 agences, et une carrosserie. Côté résultats, le groupe a commercialisé 6 050 VN l'an dernier et enregistré une profitabilité de 1,4 % de son chiffre d'affaires, qui s'est élevé à 172,8 millions d'euros.

JA. Une telle profitabilité ferait rêver beaucoup de distributeurs en ce moment. Surtout dans un réseau Peugeot qui a affiché une rentabilité moyenne de 0,4 % du chiffre d'affaires en 2008…
FM. Quand je me lève le matin, c'est pour gagner de l'argent. Mais l'année dernière a été mauvaise pour tout le monde. Nous avons enregistré une profitabilité divisée par deux par rapport à 2007, malgré de bonnes performances en termes de volume (+ 7 %). Traditionnellement, nous flirtons, en effet, avec les 3 %. C'est notre objectif récurrent. D'ailleurs, l'an dernier, à fin juin, nous avions déjà sorti notre résultat de l'année. A cause de la crise, nous avons fait un 2e semestre blanc. Sans ça et une baisse des marges unitaires, nous aurions préservé le même niveau de performance.

JA. Vous venez de racheter les affaires Peugeot de Vire et Saint-Lô au groupe Soficham. Opportunité ou réelle volonté d'expansion ?
FM. Les deux. D'une part, M. Guy Chambily voulait céder. De l'autre, cela faisait trois ans que nous étions en négociation pour avoir cette cohérence géographique qui nous manquait. Aujourd'hui, nous avons bouclé la boucle. Avec ces sites de Vire et Saint-Lô, après accord de la DGCCRF, nous serons avec l'aide de nos 74 agents partenaires, le seul distributeur VN et PR de la marque sur ces deux départements. Il est à noter que nos agents réalisent plus de 30 % de ces ventes et participent pleinement aux bons résultats de notre pénétration VN sur ces départements. Quant aux deux nouvelles affaires, elles ont un contrat de 600 VN, mais un potentiel de 900 VN. En conséquence, sur une année pleine, en 2010, nous écoulerons 7 000 VN Peugeot. Mais ce n'est pas tout. Cette acquisition comporte un autre volet.

JA. Lequel ?
FM. Dans le cadre du rachat de ces affaires, nous allons distribuer, à partir du 1er juillet, des motos BMW, Suzuki et Yamaha sur Caen. Ce qui nous permet, au passage, de mettre un pied dans le village automobile "La Bijude", d'où nous étions absents jusqu'à présent. Nous avons également acquis deux magasins d'accessoires motos de l'enseigne Maxess. Nous allons d'ailleurs entrer au capital de Maxess France à hauteur de 10 %. Là, c'était en revanche une opportunité.

JA. Vous avez connu une croissance de 15 % en 2006, de 13 % en 2007, puis de 18 % l'an dernier. Est-ce le simple fait de la croissance externe ?
FM. S'il est vrai que les acquisitions constituent la principale source de croissance du groupe, nous nous sommes constamment développés dans les années passées, y compris lors des exercices où nous n'avons pas intégré de nouvelles affaires. Depuis la prime à la casse, nous déplorons cependant une diminution de notre chiffre d'affaires VN, malgré un volume de vente en hausse. La baisse du mix en est la principale cause. Heureusement, nous arrivons dans le même temps à soutenir notre croissance sur nos autres métiers PR, AV et VO et à accroître notre pénétration locale. Ainsi à fin mai, notre groupe affiche une part de marché de 19 % sur sa zone alors que la moyenne nationale est à 16,69 %. Et cela malgré les résultats de Caen qui font tomber un peu cette moyenne.

JA. Justement, comment se porte le site de Caen que vous avez repris au constructeur il y a deux ans ?
FM. Depuis 2007 et la reprise de cette 2e succursale après celle de Cherbourg en 2005, les résultats s'améliorent. Nous n'étions qu'à 12,62 % de pénétration quand nous avons repris l'affaire. En 2008, nous sommes parvenus à 14,29 %. Ce qui est plutôt une performance parce que nous sommes situés en face des succursales Renault et Citroën, traditionnellement puissantes sur la zone. Quant aux autres métiers, cela se passe également de mieux en mieux.

JA. Au niveau du groupe, quelle est la place de ces autres métiers ?
Christian Buot. Nous avons une grosse activité après-vente, avec 150 000 heures clients AV. Ce volume est valorisé par une bonne satisfaction clientèle. Cela nous permet de bien nous porter, malgré les tensions sur cette activité. Il est vrai que durant les deux dernières années, les retours de garantie ont été réduits de 50 %.
FM. Sur la pièce de rechange, nous avons littéralement changé de métier, nous sommes passés d'un commerce de proximité à une organisation industrielle depuis l'ouverture de notre plate-forme centralisée PR. Nous avons désormais toutes les pièces en stock et un taux de service perçu de 98 %. Aujourd'hui, nous gagnons des parts de marché dans le domaine et commençons à être extrêmement présents dans ce secteur d'activité. Nous écoulons, par exemple, 75 000 pneus par an.

JA. Quelle est la place de l'humain dans votre organisation ?
FM. La force du groupe, ce sont les hommes. Pour sortir de tels résultats, il faut être performant dans tous les domaines et avoir les bons collaborateurs dans chaque métier. Nous avons du personnel local, attaché à la région, au groupe et à la marque. Nous préférons des missionnaires que des mercenaires et privilégions l'autonomie et la promotion interne des collaborateurs performants. Ce qui nous assure un faible turnover. D'ailleurs, quand nous achetons une société, le facteur humain prend une place majeure dans la décision. Nous prenons toujours soin de respecter le personnel en place.

JA. Comment les intégrez-vous justement ?
FM. Nous les amenons à suivre nos méthodes de travail. Nous sommes très rigoureux sur nos process et essayons de formaliser au maximum. Ensuite, nous n'avons pas la "réunionite aiguë". Nous nous réunissons une fois par mois seulement. Le reporting hebdomadaire nous suffit. La clef, c'est de favoriser la présence sur le terrain. Nous passons les 2/3 de notre temps dans les affaires. De surcroît, le fait d'être un groupe régional et de ne jamais être loin de nos bases nous aide beaucoup. Nous privilégions la proximité et si demain le constructeur nous proposait une affaire dans une autre région, nous l'étudierons avec beaucoup de prudence. Enfin, pour mieux intégrer, nous formons et accompagnons nos salariés.

CB. Dans ce domaine, la profession n'a pas été très performante pendant des années. Certains professionnels préférant débaucher le personnel qualifié à la formation. Pour nous, l'essentiel est d'assurer l'avenir de nos métiers par le biais de la formation professionnelle, du 1er échelon à la plus qualifiante (licence professionnelle). La nomination de directeurs de sites au sein du groupe issus de cette voie est l'illustration même de notre investissement en matière de formation. Nous n'avons donc pas de problème de recrutement parce que nous avons un vivier. En 2008, nous avions 54 jeunes en formation en alternance sur nos différents sites. C'est notre façon de voir les choses.

JA. Quelle est précisément cette vision ?
FM. Nous sommes sortis du modèle historique du concessionnaire. Nous sommes allés chercher des méthodes et des manières de faire dans d'autres secteurs que celui de l'automobile. Nous avons ainsi notre propre système de formation, que nous couplons à celui du constructeur. Nous sommes d'ailleurs au-dessus des préconisations de la marque à ce niveau. Nos vendeurs sont par exemple "efficarisés", du nom de la formation financement Efficar, deux fois par an. Les dépenses de formation sont toujours utiles et constituent un investissement majeur.

JA. Vous êtes l'un des rares groupes de notre Top 100 à être monomarque. Êtes-vous totalement réfractaire au multimarquisme ?
FM. Je trouve que le monomarquisme est plus simple à gérer. Un seul constructeur, un seul interlocuteur. De plus, si notre ambition est d'être très bon sur une marque, comment pourrions-nous avoir cette même volonté pour d'autres marques sans affaiblir celle que nous représentons aujourd'hui ? Prendre une autre marque pour doubler le chiffre d'affaires, doubler les ennuis, et ne pas gagner plus d'argent, ce n'est pas intéressant. Puis, tant que nous percevons des potentiels de croissance avec Peugeot, pourquoi se disperser ?

JA. On sait certains opérateurs monomarque Peugeot en difficulté financière. Cela ne vous inquiète pas ?
FM. La période est difficile pour tous les opérateurs toutes marques confondues Nous faisons en moyenne une acquisition tous les deux ans. Ce n'est pas un rythme effréné. La maîtrise permet de nous structurer petit à petit et de digérer les acquisitions. On ne veut pas prendre pour prendre. Notre endettement est d'ailleurs très faible et se réduit chaque année. Nous sommes propriétaires de tous nos sites et avons la maîtrise de notre immobilier.

JA. La quasi-totalité de vos affaires sont des BlueBox. Pourquoi ?
FM. Nous voulons des outils récents. C'est un investissement, certes, mais c'est utile. Cela nous permet d'optimiser tous les services et tous les métiers. Historiquement, les affaires sont surdimensionnées par rapport à l'activité. Reconstruire permet de tout remettre à zéro, de faire un audit interne et d'adapter nos structures. A chaque fois que nous avons érigé une BlueBox, nous avons construit moins grand et amélioré les flux.

JA. Vous considérez donc cela comme une opportunité ?
FM. Nous n'avons plus besoin des grands ateliers à l'ancienne avec des tas d'établis... Une remise à plat, ça a du bon. Cela nous oblige à gérer et prendre des décisions en termes de gestion pour optimiser les surfaces. Nous avons, par exemple, créé le concept Mary Location pour amortir les m2. En fait, cela nous permet d'aller chercher du chiffre d'affaires. Nous préférons cela plutôt que de prendre un autre panneau.

JA. Le futur changement d'identité et les investissements associés ne vous font pas peur ?
FM. Il n'y aura pas de changements lourds. Le constructeur va d'ailleurs assouplir ses exigences pour permettre au réseau d'adhérer aux standards, avec notamment une sorte de BlueBox "light". Le constructeur est souple avec ses standards. Je vous assure que certaines marques sont beaucoup plus radicales que Peugeot.

JA. En termes d'immatriculations et de prises de commandes, on voit d'ailleurs Peugeot tirer son épingle du jeu ces derniers temps…
FM. Depuis un an, nous avons eu, en effet, une période difficile en termes de gamme. Mais aujourd'hui, le plan produit est là. Le 3008, notamment, nous fait beaucoup de bien. Depuis deux mois, et la sortie du 3008, nous allons chercher 500 euros de chiffre d'affaires en plus par véhicule et par mois. Tout cela avec des marges en plus. Cela fait du bien de vendre autre chose que des petits véhicules faiblement margés. Mais cela fait aussi du bien que ce ne soit pas le constructeur qui fixe le prix de vente à notre place.

JA. Vous voulez dire que les effets néfastes de l'éco fiscalité ressentis sur le mix produit commencent à disparaître grâce à l'offre du constructeur ?
FM. Oui. Mais pas seulement. Je reconnais que, comme les autres, Peugeot devait réagir sur les prix pour que nous puissions vendre. Cela a été nécessaire et ça continue de l'être. Exemple : le constructeur avait cinq mois de stock de 4007 à écouler. Il a mis un plan en place sur lequel nous nous sommes engagés. Aujourd'hui, via le site Peugeot webstore, nous vendons des 4007 à -30 %. C'est un véritable succès car nous n'en vendions pas. En deux mois, nous avons livré autant de 4007 que sur toute l'année 2008. Tout simplement parce que Peugeot l'a mis au bon prix. Nous avons la chance de travailler avec un constructeur qui devient réactif et s'adapte au marché.

JA. Qu'attendez-vous de la direction du constructeur ?
FM. Ce qui est clair c'est que le réseau a besoin de gagner de l'argent, une rentabilité moyenne de 2 % sur CA permettrait de pérenniser les affaires, de continuer le développement et d'élargir le nombre de concession aux normes "BlueBox". Le constructeur doit s'appuyer sur un réseau fort pour atteindre ses objectifs et être à l'écoute du réseau français et européen pour comprendre nos attentes.
Depuis la prise de fonction de M. Vardanega comme président par intérim, on a ressenti beaucoup plus d'ouverture et une attention particulière envers le réseau. Je suis donc confiant avec l'arrivée d'un homme ouvert comme M. Varin pour remettre le réseau au cœur de la politique du constructeur. Et la victoire de Peugeot aux 24 Heures du Mans augure de belles heures pour la marque du Lion !

Photo : Avant de créer son propre groupe en 1996, François Mary (à gauche) a occupé plusieurs postes dans des concessions Peugeot (de conseiller commercial à directeur commercial). Christian Buot était quant à lui dans une grande multinationale de l'industrie métallurgique.

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