Cap Fournier : de la passion de génération en génération
Avec une telle anecdote, il aurait été difficile que son avenir en soit autrement. Enfant, Philippe Fournier sortait tous les matins de son garage en bois ses petites miniatures qu’il alignait bien proprement devant. Le soir, en revenant de l’école, il les rentrait. "Comme papa !", s’en amuse‑t‑il. Car Philippe Fournier, concessionnaire exclusif Hyundai à Corbeil‑Essonnes, à Étampes (91) et, depuis peu, à Auxerre (89) et président du groupement des concessionnaires de la marque coréenne, est fils et petit‑fils de garagistes.
Depuis qu’il sait marcher, il a baigné dans cet univers. "Mon grand‑père avait une entreprise de transport avant et après la guerre", présente‑t‑il. Comme pour beaucoup à l’époque, cette activité s’est transformée en garage, puis ses trois fils se sont développés dans le véhicule d’occasion. "À 9 ans, les jeudis, le jour où je n’avais pas école, je me faisais un petit pécule en lavant et en lustrant les voitures que vendait mon père", se rappelle Philippe Fournier. Et de se souvenir des salons de l’auto, où il avait un stand dans le hall réservé aux occasions : "À chaque fois que mon père signait une vente, c’était champagne !".
Premières armes chez Como
Pour autant, l’adolescent passionné d’automobile ne laisse pas de côté ses études. Poussé par son père, il passe un bac E, puis un bac C pour préparer HEC. Malheureusement, il rate l’entrée à la prestigieuse école. Peu importe, il veut travailler et apprendra le commerce sur le tas. Il entre alors comme vendeur chez Como, un important distributeur Mercedes‑Benz à Paris. "J’ai commencé avec le lancement de la 190, du pain béni. J’étais le plus jeune vendeur Mercedes‑Benz de France, glisse‑t‑il. Moi qui venais du monde de l’occasion avec mon père, j’ai découvert le VN." Très vite, il apprend, performe… et s’ennuie. "Cela a été deux ans de bonheur. J’étais jeune, j’habitais Paris, je gagnais très bien ma vie, mais je sentais que si je voulais continuer dans l’automobile, il fallait que j’aille voir ailleurs."
Philippe Fournier, président du groupe Cap Fournier, a baigné dans l'automobile depuis tout petit.
Cet ailleurs, ce sera la société 3M. "Aucun rapport avec l’automobile, mais j’ai une opportunité que je ne pouvais pas refuser", s’en amuse‑t‑il. Nous sommes au début des années 80. François Mitterrand ouvre la bande FM. Une explosion de paroles libérées que personne n’avait vu venir et à laquelle Philippe Fournier va participer. "Je vendais du matériel américain pour les radios libres." NRJ, Alouette FM, RFM, il se rappelle des moments où il prenait le micro pour tester les équipements.
Malheureusement, cette vie folle va s’arrêter brutalement en 1985. Son père, Jacques, décède, laissant sa femme seule aux commandes du garage. Fils unique, Philippe vient la soutenir, pose un congé sabbatique et essaie de maintenir tant bien que mal la société de son père. "En trois mois, nous avions vendu tout le stock. L’entreprise rentrait de l’argent, mais je n’avais aucune idée de comment me réapprovisionner", se souvient‑il. Il fait alors appel à l’un de ses oncles, qui lui aussi était de la partie, pour retrouver des voitures.
En parallèle, il observe que le monde du VO est en train de changer. "Lorsque je me suis rendu compte que des garages achetaient des voitures par lots entiers, sans les avoir essayées, ni même les avoir vues, je me suis dit qu’il fallait passer à autre chose." Il propose alors à sa mère de prendre le panneau d’une marque. Cela sera Toyota. Nous sommes en 1987, le quota sur les voitures japonaises est toujours très fort. Peu importe. Il sera agent pendant deux ans à L’Haÿ‑les‑Roses (94), puis deviendra concessionnaire à Arcueil (94). En vingt ans, il passera de 50 à 700 VN.
Compétition et 4x4
Surtout, il devient un des plus importants spécialistes 4 x 4 de France. Une passion. L’homme est, en effet, connu dans le monde du rallye‑raid. Plus jeune, il faisait des essais pour les voitures qui partaient pour le Paris‑Dakar et a lui‑même pris part à des courses d’endurance tout‑terrain, ce qu’il fait toujours. "À cette époque, je participais à tous les salons de Val d’Isère. Toyota était une marque de niche avec le Land Cruiser, le LiteAce et le RAV4 qui a été un succès monumental. " Mais à la fin des années 90, Toyota veut devenir un constructeur généraliste en Europe et lance la Yaris. Une révolution pour le réseau du japonais qui doit se structurer et surtout se former, pour accompagner cette nouvelle stratégie.
Philippe Fournier adhère et se développe. En 2009, Toyota lui demande de passer à la vitesse supérieure, d’investir dans ses points de vente. Mais cela fait 22 ans que l’homme a "la tête dans le guidon", comme il le dit lui‑même. À 48 ans, il a besoin d’une pause, "de déposer ses enfants à l’école, de faire autre chose". Il vend alors au francilien Colin, prend du bon temps pour lui, poursuit sa passion dans la compétition 4 x 4 et projette de monter une boîte pour accompagner des gentlemen drivers à travers le monde.
Hyundai comme partenaire
Las, Philippe Fournier ne tient pas un an. Reprendre une concession le titille. Mais vers qui se tourner ? "J’ai observé les parts de marché des marques et je me suis penché sur les résultats de Hyundai et de Kia. À l’époque, le groupe Hyundai était 6e ou 7e constructeur mondial avec un fort outil industriel et de très importantes ambitions. En France, les deux marques du groupe étaient bien en dessous. Je me suis dit qu’elles ne pouvaient que progresser, d’autant plus qu’en ce qui concerne Hyundai, la marque était commercialisée par un importateur et que cette situation n’était pour moi pas pérenne." Une remarque pleine de bon sens qui le fait acquérir la concession Hyundai de Corbeil‑Essonnes (91) dans laquelle il nous reçoit pour ce sujet. "C’était un ancien acteur du VO qui a voulu faire du VN. Il me paraît plus facile d’aller vers le VO quand on a fait du VN que l’inverse, principalement à cause des marges unitaires bien moins importantes", résume‑t‑il.
La reprise se fait à l’automne 2010. Les débuts sont chahutés d’autant plus que la distribution de la marque est reprise deux ans plus tard par une filiale et que les relations entre la maison mère et le réseau ne sont pas vraiment au beau fixe. "Même si cela a pu se faire dans la douleur, la marque a imposé un plan produits cohérent et une stratégie à la hauteur de sa place dans le monde automobile", observe‑t‑il. Un pari gagnant qui lui permet de se développer avec la marque et d’ouvrir une annexe à Étampes (91) en 2016.
À 61 ans, Philippe Fournier estime avoir réalisé dans sa vie de concessionnaire une multitude d’activités. "J’ai fait de la grande distribution avec le VN, de la quincaillerie avec les pièces de rechange et de la médecine avec l’après‑vente !", sourit‑il. Aujourd’hui, s’il ne le dit pas clairement et s’il se laisse encore 2 ou 3 ans, il passe doucement le flambeau à l’un de ses fils, Antoine, 24 ans, la quatrième génération de Fournier dans l’automobile. Ce dernier a suivi une formation à l’ESTACA et il est soutenu officieusement par son frère Alexandre, qui a fait une école de commerce. Travailler avec ses enfants est une évidence pour Philippe Fournier. "Comme je l’étais avec mon père, nous sommes très soudés, une relation forte renforcée par la passion de l’automobile et de la compétition." Philippe accompagnait, en effet, pendant de nombreuses années ses fils sur les circuits de kart.
La fidélité comme meilleure récompense
Pour former Antoine, le distributeur Cap Fournier s’est éloigné de son territoire naturel et a repris l’année dernière la concession Hyundai d’Auxerre (89) qui était détenue auparavant par le groupe Froment, distributeur Peugeot, ex‑FCA, Suzuki et Hyundai à Troyes (10). "Une belle opportunité pour développer notre affaire familiale, commente Philippe Fournier. Le site périclitait car les décisions n’étaient pas prises localement. En l’espace de quelques mois, nous avons triplé les ventes et nous prévoyons d’y livrer 250 VN cette année."
Philippe Fournier semble heureux de cette passation qui se fait dans la transition. "Je pense être compétent dans les basiques de la distribution automobile, à savoir être commerçant et servir le mieux possible mes clients pour qu’ils reviennent, résume‑t‑il. Mais la distribution automobile bouge. La digitalisation, la voiture connectée, la mobilité, l’autopartage, autant de sujets qui vont être très vite ou qui sont déjà au coeur des préoccupations des distributeurs. Prenons l’exemple de la digitalisation : comment rendre palpables sur les réseaux sociaux l’ambiance et la relation client que ce dernier peut trouver en poussant les portes de notre concession ? À l’inverse, comment rendre réel le ressenti qu’un prospect aura eu sur nos outils digitaux lorsqu’il viendra nous voir ? Pour autant, bien que nous soyons dans une activité très technologique, j’observe que les fondamentaux, paradoxalement, n’évoluent pas beaucoup. Pour moi, la fidélité reste le principal critère de satisfaction client, mais bizarrement, il n’est pas primé par les constructeurs. Je pense que l’humain fera toujours la différence dans nos métiers." Une philosophie qui semble constamment avoir guidé ses pas de chef d’entreprise.
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