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Distribution

Bernard Lycke, Cecra : "Les constructeurs ont-ils bien perçu les obligations qui vont avec le contrat d'agent ?"

Publié le 3 décembre 2021

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Pour le Cecra, syndicat européen des distributeurs automobiles, les constructeurs n'ont pas tous pris en compte les droits et obligations qu'un contrat d'agent suppose. Explications avec Bernard Lycke, son directeur général.
Bernard Lycke, directeur général du Cecra.

Journal de l’Automobile : Quelques constructeurs se sont engagés dans la voie des contrats d’agents. Comment percevez-vous cette évolution du modèle de distribution ?

Bernard Lycke : Les constructeurs décident du type et du futur mode de distribution. C’est leur droit et bien sûr à partir du moment où les préavis sont respectés, ils sont libres de choisir le contrat qu’ils souhaitent. Mais je voudrais rappeler que depuis plus de 100 ans, le contrat actuel est basé sur un modèle de distribution où ce sont les distributeurs qui achètent les véhicules aux constructeurs. Et si ce modèle existe depuis un siècle, c’est bien parce que les constructeurs estimaient qu’il n’était pas mauvais sinon ils auraient changé depuis bien longtemps. C’est un modèle où les risques financiers sont divisés entre les marques et leur réseau. Si ces derniers souhaitent évoluer vers un modèle d’agents, nous disons aux constructeurs de manière bien claire : attention, avez-vous bien pris en compte tous les éléments et les obligations qu’un contrat d’agent suppose ?

 

J.A. : Quelles sont ces obligations ?

B.L. : Un véritable agent ne supporte pas les risques financiers. La Commission européenne est très stricte sur ce point. Le contrat d’agent apporte des avantages pour le constructeur et pour le réseau mais il y a aussi des obligations importantes à respecter. Or, nous ne sommes pas sûrs que tous les constructeurs aient bien perçu l’ensemble des obligations qui va avec un contrat d’agent. Dans ce dernier, l’agent ne doit pas réaliser d’investissements significatifs et n’agit qu’au nom et pour le compte de la marque, il devient vraiment une sorte de préposé de la marque. Certes, ce contrat d’agent offre des avantages pour les réseaux. Ainsi, tous les investissements significatifs sont pris en charge par le constructeur. Et surtout la facturation est faite au client final en direct par la marque.

 

J.A. : Pourtant dans certains contrats, il semble que le prix final au client ne soit pas fixe et que l’ensemble des investissements ne soient pas pris en compte par la marque alors que le contrat est qualifié de contrat d’agent. Ces contrats correspondent-ils au modèle avancé par la Commission européenne dans ses lignes directrices ?

B.L. : Nous observons en effet que les constructeurs font preuve d’imagination et que plusieurs cas de figure commencent à émerger. Si chaque constructeur est libre de choisir la forme contractuelle qu’il souhaite, il se doit néanmoins d’assumer ce modèle dans son intégralité, avec ses avantages et ses obligations, sans quoi les autorités de concurrence pourraient s'intéresser au sujet. Certains contrats, qui sont proposés actuellement, reposent sur un système mixte. Or, il s’agit d’une opération à haut risque pour les constructeurs. Et la Commission pourrait très bien ne pas laisser faire.

 

J.A. : Quels sont les objectifs finaux pour les constructeurs ?

B.L. : Il faudrait leur poser la question. Je pense que certains (Stellantis par exemple) ont des parts de marché importantes en particulier dans certains pays et qui peuvent dépasser le seuil de 30 % - voire 40 %- rendant l’application du "safe harbour’", du règlement d’exemption, non applicable. D’où, pour ces constructeurs, l’intérêt de chercher d’autres modèles de distribution. Les marques semblent également vouloir avoir un contact direct avec le client et vouloir fixer le prix final à celui-ci, ce qui est interdit dans le cas d’un contrat de distribution et autorisé en cas de contrat d’agent. Mais je parle bien des contrats de "vrais" agents ("genuine").

 

J.A. : Qu’en est-il de la compensation financière à laquelle les distributeurs pourraient prétendre au moment du transfert du fonds de commerce entre le modèle de distributeur vers celui d’agent ?

B.L. : La question du transfert de clientèle doit être évoquée et on n’entend rien à ce sujet en cas de passage d’un type de contrat à un autre. Pour nous, il est clair qu’une compensation doit avoir lieu – la Commission précise les choses également dans ses lignes directrices – et même si certains constructeurs n’étaient pas enclins à compenser les investissements réalisés, il y aura de toute façon lieu de veiller à la conformité de ce transfert par rapport aux règles fiscales nationales puisque le changement de statut des distributeurs agréés en agents commerciaux entraînerait un transfert de la clientèle des distributeurs agréés vers le mandant (le constructeur), ce qui pourrait avoir des conséquences en matière de droits d’enregistrement, d’impôts sur les sociétés, voire le cas échéant de TVA, ceci bien évidemment en fonction de la législation applicable dans les différents pays de l’Union européenne.

 

J.A. : Quelles sont les conséquences de ces nouveaux contrats sur le paysage de la distribution automobile française et même européenne ?

B.L. : Les contrats d’agents peuvent avoir un intérêt pour les plus petits acteurs. Dans ce cas, le modèle de l’agent peut se révéler intéressant, à condition que la rémunération soit suffisante. Mais les acteurs de taille importante risquent surtout de voir disparaître une partie de leur prérogative de chef d’entreprise. Certains n’accepteront sans doute pas.

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