Plan Ghosn : Un plan et des oublis
...efficace, que faut-il en retenir, si l'on veut éviter un commentaire banal ou dithyrambique des chiffres annoncés ? A notre avis, ce qui n'a pas été dit, justement, les oublis, qui laissent supposer que seule la connaissance du "non-dit" du plan permettrait de bien le comprendre. Evidemment, personne ne peut s'attendre à ce qu'un constructeur révèle à ses concurrents les aspects stratégiques les plus significatifs de sa politique. Mais dans le cas qui nous intéresse ici, la mise en regard des objectifs et des moyens de les réaliser suscite des interrogations de fond. Est-ce vraiment important ? Après tout, l'homme a une histoire faite de succès indéniables, et il a certainement préparé celui-ci comme il l'avait fait pour les précédents. Soit. Mais, puisqu'il est utile de comprendre, essayons d'approfondir. On laissera de côté la réduction des coûts, qui est le domaine d'excellence du nouveau patron de Renault, sauf pour dire qu'il ira certainement au-delà de ce qui a été annoncé.
Le paradoxe de l'élargissement de la gamme
Vingt-six modèles nouveaux seront lancés entre 2007 et 2009, soit environ neuf par an. Ils contribueront à l'expansion des volumes : 800 000 de plus, dont 250 000 en Europe. (Le chiffre d'un million a immédiatement commencé à circuler). Si l'on admet que la moitié des modèles seront des renouvellements de gamme, il reste treize modèles vraiment nouveaux, ce qui est tout de même impressionnant. Quelques remarques viennent naturellement à l'esprit : avec tout cet effort, Renault va gagner, en Europe, entre un point et un point et demi de part de marché. Objectivement, c'est peu. Certes, il a été dit que le marché européen est trop concurrentiel, et qu'il faut croître ailleurs. Il n'en reste pas moins que si Renault laissait effectivement le champ libre à ses concurrents en Europe, ce que nous ne croyons pas, il commettrait une erreur stratégique lourde : globalisation ou pas, il est essentiel d'être fort chez soi. Mais il y a autre chose, de plus fondamental : la multiplication des modèles n'est pas en soi une garantie de succès. Tous les sous segments étant couverts, sans pour autant que le marché européen soit en expansion, à quoi sert-il d'insister sur cette voie ? Sans revenir sur la pathologie du système (effet "nouveauté" réduit, remises dès le premier jour…), peut-on imaginer que Renault ne joue pas à fond la carte de l'innovation vraie, en rupture avec l'offre traditionnelle ? Le plan n'en parle pratiquement pas… alors que l'enjeu, en termes stratégiques, est précisément là. Enfin, une dernière remarque sur ce sujet : neuf lancements efficaces par an, c'est difficile pour un réseau. Quel qu'il soit.
Une solution pour réduire les coûts de distribution ?
Comme on pouvait le craindre, les réseaux sont quasiment absents du plan, si ce n'est pour ce qui concerne les frais de distribution qui, dans leur ensemble, devraient baisser de 8 %… c'est-à-dire de 2 % à 4 % du prix de vente d'un véhicule : rien. Or, il est du domaine public aujourd'hui que les méga concessions (pas uniquement Renault) vivent souvent de subventions. Certes, la maladie n'est pas nouvelle. Et changer radicalement de politique n'est pas facile, compte tenu des engagements pris de part et d'autre au cours des vingt dernières années. Mais le constructeur qui trouvera le moyen de se libérer de ce fardeau figurera parmi les gagnants. Il est possible que Renault dispose d'une autre solution. On le saura dans quelque temps, si c'est le cas.
Enfin, le plan table sur une amélioration de la qualité et de l'image de marque. Dans les deux cas, la traduction des efforts en volumes substantiels demandera des années. Il n'est pas évident que le binôme prix/produit ne soit pas un meilleur choix, y compris en 2009. En synthèse, le plan a séduit la quasi-totalité des analystes, ce qui devrait suffire à satisfaire le constructeur. Mais qu'on nous pardonne une dernière observation : il n'y a pas de plan sans exception, ni "réajustement". On en reparlera vers la fin de cette année.
Ernest Ferrari, Consultant
"Retrouvez ce n° en kiosque jusqu'au 27 avril"
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.