Petites voitures et gros volumes
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Visiblement désireux d'éviter la cohue des nouveautés propre au Mondial de l'Automobile, Renault a choisi de devancer l'événement et, avec lui, la concurrence. Le 19 mai dernier, Louis Schweitzer, le président, et son état-major profitaient ainsi du Salon de Madrid pour présenter sa dernière née, Modus, dans sa version définitive. Pour Renault, le lancement de ce petit monospace aux mensurations de la Clio s'avère doublement stratégique. Non seulement il va permettre au groupe d'enrichir son offre sur un segment clé du marché européen, celui des petites voitures (segment B), mais pour le constructeur français, il s'agit du tout premier véhicule issu de la plate-forme B, développée en partenariat avec sa filiale japonaise Nissan et déjà utilisée par ce dernier pour la nouvelle Micra et la Cube (uniquement commercialisée au Japon).
Une gestion commune qui aura permis à Renault de réduire considérablement ses coûts d'ingénierie et de conception de Modus et, d'ici quelques mois, de la remplaçante de la Clio, laquelle sera également issue de cette plate-forme commune. D'ici à 2007, Renault et Nissan comptent ainsi arriver à produire annuellement quelque 1,7 million de véhicules à partir de cette plate-forme. Une politique de synergies qui n'en est qu'à ses débuts, à en croire François Hinfray, directeur commercial de Renault. "Notre objectif étant, à terme, de partager l'ensemble des composants et des moteurs avec Nissan, nous comptons sur une montée en puissance des plates-formes communes", a-t-il déclaré.
L'usine de Valladolid modernisée pour produire mieux et plus
Destinée avant tout au marché européen, où elle sera commercialisée dès l'automne prochain, Modus sera exclusivement fabriquée en Espagne, dans l'usine ultra-moderne de Valladolid. Déjà considéré comme l'un des plus performants d'Europe en terme de productivité (il arrive en deuxième position derrière l'usine Nissan de Sunderland, en Angleterre), le site a récemment révisé ses standards à la hausse avec l'adoption du nouveau système de production du groupe, le SPR (Système de Production Renault) qui garantit un meilleur suivi de la qualité, aussi bien sur les chaînes d'assemblage de l'usine qu'auprès de ses fournisseurs. Inspiré des process Nissan, il devrait notamment permettre une montée en cadence très rapide de l'usine. Ainsi, alors que la Modus est actuellement fabriquée au rythme de 50 unités quotidiennes, la cadence atteindra 1 350 unités par jour d'ici à la fin de l'année. Jusqu'à présent, l'usine était consacrée à la fabrication de la Clio, dont la production sera progressivement rapatriée à Flins, dans les Yvelines, en juillet prochain. Un transfert coûteux pour Renault, qui aura ainsi dû débourser 300 millions d'euros pour moderniser le site et adapter les chaînes d'assemblage à la Modus. Une somme à laquelle viennent encore s'ajouter 240 millions dépensés par le constructeur pour équiper ses fournisseurs.
L'enjeu commercial est de taille. A l'automne prochain, Modus viendra rejoindre, sur le segment B, deux best-sellers de Renault : la Clio et la Twingo. Et Louis Schweitzer a insisté : "Modus n'est pas la remplaçante de la Clio ou de la Twingo. C'est une offre complémentaire." Pour Renault, qui, en 2003, réalisait 25 % de ses ventes sur le segment des petites voitures dont il détient déjà 11,5 % en Europe, le lancement de Modus est hautement stratégique. Avec ce nouveau modèle, qui devrait se vendre à 300 000 exemplaires en année pleine, le groupe compte non seulement donner un coup de jeune à sa famille de petites urbaines mais, surtout, séduire un nouveau type de clientèle. "Pour nous, il s'agit d'un véhicule de conquête qui doit nous permettre d'attirer de nouveaux clients sur un segment stratégique", a déclaré Louis Schweitzer tout en admettant qu'un certain taux de cannibalisation sur la clientèle Twingo et Clio, deux modèles en fin de vie, était inévitable.
Pour limiter le phénomène, Renault a déjà annoncé le renouvellement de la Clio fin 2005 et celui de la Twingo un an plus tard. De quoi s'assurer "une offre absolument complète sur un marché qui a aujourd'hui une vraie réalité économique", s'est félicité François Hinfray. Et pour cause : en Europe, une vente de voiture neuve sur trois provient aujourd'hui de ce segment en forte croissance. Reste à connaître le prix de la petite dernière. Un paramètre sur lequel Louis Schweitzer est resté plutôt discret, se bornant à le situer "légèrement au-dessus" de celui de l'actuelle Clio.
Caroline Castets
En chiffre540 |
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