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Constructeurs

“Nos futurs produits devront avoir une couverture plus mondiale”

Publié le 3 avril 2015

Par Christophe Jaussaud
9 min de lecture
Après une période difficile, Peugeot repart de l’avant en Europe en réussissant sa lucrative montée en gamme. Quant à la Chine, le lion y affiche une insolente croissance. Tous les voyants sont au vert pour préparer l’avenir et notamment la future gamme.
Maxime Picat, directeur général de Peugeot.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Débutons avec l’actualité genevoise de Peugeot. Vous présentez ici la nouvelle 208. Comment a-t-elle terminé son cycle et quelles sont vos ambitions avec celle-ci ?
MAXIME PICAT.
La 208, qui fait partie des meilleures ventes de son segment en Europe, a déjà séduit plus d’un million de clients dans le monde. Avec ce facelift, il nous paraissait important de ne pas renier ce succès et la particularité du style. Nous avons travaillé la face avant, elle est un peu plus incisive, plus féline et plus robuste à la fois. Il n’y a pas, ici, de profondes révolutions, contrairement à l’intérieur. Elle va offrir des nouveaux équipements technologiques, pas forcément disponibles sur ce segment-là, mais aussi et surtout une nouvelle gamme de moteurs Euro 6 avec en particulier une version BlueHDi 100 ch, qui émet seulement 79 g/km, soit une consommation de 3 litres aux 100 km. Il s’agit de la voiture thermique la plus économe au monde.

JA. Quel bilan tirez-vous de l’exercice 2014 ?
MP.
Nous avons renoué avec la croissance et c’est une bonne nouvelle. Mais, surtout, nous l’avons fait d’une manière très vertueuse, c’est-à-dire que nous avons cherché, en permanence, les bonnes ventes, sur les bons canaux, et avec une réelle montée en gamme. Une performance qui s’est d’ailleurs vue dans les résultats financiers du groupe PSA, où la division automobile est redevenue positive. Nous avons fortement accéléré en Europe, notamment avec la montée en puissance de la 308.

JA. Pour illustrer votre montée en gamme, de combien votre prix moyen a-t-il augmenté et êtes-vous en ligne avec vos objectifs en la matière ?
MP.
Notre prix moyen a gagné plusieurs centaines d’euros. Nous avons d’ailleurs été au-delà des objectifs que nous nous étions fixés. La qualité de notre mix, extrêmement élevée, est l’indicateur le plus représentatif de notre montée en gamme. Par exemple, plus de 70 % des 2008 vendues étaient de niveau 3 et supérieur. Sur la 308, ces niveaux atteignent 50 %, sachant que toutes les versions Business reposent sur un niveau 2. Cette hausse est également visible sur la 108.

JA. Sur cette lancée, quelles sont vos ambitions en Europe et en France en 2015 ?
MP.
Sur un marché européen avec une croissance modérée, notre début d’année est plutôt dynamique, mais la tendance générale n’est pas encore sûre. En effet, lorsque l’on regarde marché par marché, canal par canal, nous constatons une poussée des loueurs et des “zéro kilomètre”. La hausse du marché européen n’est pas assez qualitative pour être pérenne et, pour l’instant, nous restons donc prudents sur l’Europe. Pour autant, nos niveaux de parts de marché sont élevés et notre carnet de commandes est bien plus fourni qu’il y a un an. En France, nos résultats sont encore meilleurs, et cela laisse espérer de bonnes choses.

JA. Votre réseau européen a-t-il lui aussi bénéficié de cette bonne année 2014 ?
MP.
La rentabilité de notre réseau s’est améliorée partout, absolument partout, mais avec des chemins différents. Par exemple, notre réseau français, un réseau fort et constitué de grands groupes solides qui ont su nous accompagner dans la période difficile, est tout de suite passé à l’offensive dès que la gamme s’est alignée et que le marché a commencé à frémir. Pour d’autres pays, où le marché s’était effondré, comme en Espagne ou en Italie, nous avons été conduits à mener des restructurations lourdes avec l’aide de nos amicales de concessionnaires, et la situation s’est également améliorée.

JA. Venons-en à la Chine, où vous avez affiché une croissance de plus de 40 % en 2014.
MP.
Oui, une croissance quatre fois supérieure à celle du marché. Peugeot est la marque qui a connu la plus grosse progression dans le pays. Tous les constructeurs font de la Chine une priorité, donc faire mieux que tout le monde est une vraie satisfaction.

JA. Faut-il voir une croissance de “rattrapage” dans cette performance ?
MP.
Dans le classement, il y a derrière Peugeot des constructeurs qui ne progressent pas plus pour autant. Puis cette croissance se confirme en 2015 puisque nous avons commencé l’année sur le même rythme. Ces performances sont encourageantes quant à notre capacité à faire à nouveau une très belle année en Chine.

JA. Quels sont les best-sellers de Peugeot sur ce marché ?
MP.
Notre succès s’articule autour de cinq produits, trois berlines tricorps, 301, 308 et 408, et deux crossovers, 2008 et 3008. La 408 démarre très bien avec plus de 10 000 unités par mois. La 308 et la 301 sont aussi des locomotives, même si nous ne poussons pas ce dernier produit. En effet, la 301 est produite dans la même usine que le 2008, et vu le succès de notre petit crossover, nous le privilégions. De plus, nous allons introduire en milieu d’année la 308 bicorps, la Voiture de l’Année 2014, au potentiel bien réel, les volumes de ce type de carrosserie augmentant, comme en témoignent les 20 000 exemplaires mensuels de la Golf.

JA. Avec le plan Back in the Race, réduisant le nombre de vos silhouettes et donc vous forçant à une certaine homogénéisation, n’y a-t-il pas un risque ?
MP.
A partir du moment où nous avons décidé de réduire notre gamme à 13 silhouettes, mais que nous conservons notre volonté de croissance, nos futurs produits devront avoir une couverture plus mondiale. La future remplaçante d’une 3008 ou d’une 508 devra faire mieux en France et en Europe, mais aussi séduire dans des pays où ces voitures ne sont pas vendues aujourd’hui. Nous avons fait des erreurs par le passé avec des produits qui n’étaient pas adaptés. Nous ne les referons pas. Cependant, il y aura des incontournables. Par exemple, je pense que la gamme comportera des SW en Europe car ces carrosseries sont une source de profit importante. Je privilégierai peut-être ces modèles au détriment d’autres qui se vendront un peu mieux dans une autre région du monde, mais dont la rentabilité sera inférieure. Un autre exemple, palpable, pour bien comprendre. Nous avons sorti la 208 CC de notre gamme car nous avons privilégié le 2008 qui, aujourd’hui, représente plus de 250 000 unités depuis son lancement. Avec ces 13 silhouettes, nous allons choisir les meilleures combinaisons, mais je tiens à indiquer qu’aujourd’hui, les 13 modèles qui se vendent le plus représentent 95 % du volume mondial de Peugeot. En revanche, il n’est pas sûr que les 13 silhouettes d’aujourd’hui soient celles de demain.

JA. Nous avons évoqué la montée en gamme de Peugeot en Europe. Avez-vous la même approche en Chine ?
MP.
La montée en gamme est toujours relative. La 301 peut la symboliser sur certains marchés. Cela étant, je vous accorde que le réglage sur la montée en gamme n’est pas le même en Chine qu’en Europe. Car la Chine reste à 80 % un marché de primo-accédants faisant que la question d’une montée en gamme n’est pas première. Pour autant, nous devons nous y préparer.

JA. Qu’en est-il de votre réseau chinois ?
MP.
Il est semblable à celui que l’on connaît ici, avec les BlueBox, mais il est à 100 % neuf et très jeune puisque 30 % du réseau à moins de 2 ans. Nous inaugurons un nouveau point de vente tous les trois jours, cela fait 100 nouveaux showrooms par an.

JA. Cette jeunesse laisse-t-elle apparaître des points faibles que vous n’aviez pas imaginés ?
MP.
Il y a effectivement des spécificités et nous avons été obligés de nous adapter à cette jeunesse. Par exemple, nos directeurs généraux de concession ont 35 ans de moyenne d’âge et les 2/3 de nos vendeurs n’ont même pas le permis de conduire. Il est certain que nous ne pouvons pas nous appuyer, comme en Europe, sur l’expérience. Mais ce n’est pas une mauvaise chose pour autant. Nous avons été très pragmatiques et avons mis en place des méthodes de vente très standardisées, très efficaces. Un travail qui a permis au réseau Peugeot d’être numéro 1 en Chine en termes de qualité après-vente. C’est cette qualité de service, associée à notre gamme de produits, qui nous permet de faire la différence et d’affoler les compteurs.

JA. Dans cette approche chinoise, y a-t-il des éléments, des processus, des idées, que vous pouvez implémenter dans votre réseau européen ?
MP.
Bien sur ! Aujourd’hui, et c’est parfois difficile à admettre pour nos points de vente européens, une concession automobile doit répondre à des clients qui attendent un haut niveau de qualité d’exécution, ce qui nécessite d’appliquer des standards millimétrés. Non pas pour robotiser les gens, mais pour nous assurer qu’un certain nombre de tâches élémentaires, où les clients ont un niveau d’attente maximal, soient exécutées de manière systématique. Naturellement, l’expérience du vendeur ou de l’entreprise reste un plus. Le déploiement dans le monde de certains programmes développés en Chine nous permet d’améliorer, progressivement, nos performances en matière de qualité de service.

JA. Pour clore ce chapitre asiatique, comment démarrent vos activités en Asie du Sud-Est ?
MP.
Pour accélérer dans la zone Asean, nous avons décidé, dans le cadre de notre JV DPCA, de créer une filiale à Singapour, dont l’objectif est d’accélérer notre performance dans la zone en s’appuyant prioritairement sur tous les modèles qui sont à disposition en Chine. Actuellement, nos premières opérations en Malaisie et au Vietnam continuent à croître, et nous sommes en train de nous intéresser sérieusement aux deux plus gros marchés de la région que sont l’Indonésie et la Thaïlande.

JA. Enfin, un mot de la Russie et de l’Amérique latine, où la situation apparaît compliquée. Quelles y ont été vos réponses ?
MP.
Les situations sont effectivement compliquées, mais pour des raisons différentes. La Russie va effectivement très mal, mais nous n’y étions pas très forts, et ce n’est donc pas nous qui souffrons le plus. Pour autant, notre priorité reste d’y limiter les pertes et nous avons choisi d’augmenter assez sensiblement nos prix, ce qui a logiquement eu un effet sur nos volumes. En Amérique latine, le Brésil est dans une situation économique difficile et cela nous complique la tâche pour émerger. Cependant, nous y travaillons et le lancement prochain du 2008 devrait nous permettre de trouver un nouvel élan.

 

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