Mi-figue au premier semestre, mi-raisin au second
Le marché des véhicules utilitaires n’aura pas tenu toutes ses promesses en 2011. Les prévisions de début d’année tablaient volontiers sur une croissance de 5 à 10 %. En janvier dernier, Bernard Cambier, directeur commercial France de Renault, et Olivier Veyrier, directeur commercial France de Peugeot, avaient tous deux pronostiqué un marché autour des 440 000 unités, soit une progression de 5 %. Les premiers mois d’activité confirmaient ces présages optimistes. A fin mars, le marché des VUL (- 5 t) affichait une croissance de 8,5 %, confirmant sa bonne forme à fin mai avec une pointe à + 9,1 % par rapport à la même période en 2010. La logique statistique était respectée, tout allait bien. L’épée de Damoclès du contrecoup de la prime à la casse qui pesait chaque mois sur le marché des voitures particulières n’était pas vraiment redoutée sur le commerce de VUL, qui maintenait sa progression sereinement et naturellement. Puis les mois de juin et juillet, où le marché a accusé deux replis significatifs de 10,1 % et 11,8 %, sont venus rappeler que l’équilibre restait encore fragile. Le discours médiatique s’est assombri, renforçant dans son sillage la prudence des professionnels désireux de ne pas connaître la même mésaventure qu’en 2008, mais également celle des organismes de crédits. “Les banques sont devenues plus exigeantes pour financer l’achat de VUL, et beaucoup d’affaires ne se concrétisent pas faute de crédits. La filiale BNP Paribas Leasing Solutions a supprimé son réseau de collaborateurs consacré au financement des poids lourds et VUL. Ce désengagement est inquiétant”, expliquait début novembre dans nos colonnes Jacques Bruneel, président de la branche VI du CNPA.
Les commandes fléchissent, mais les immatriculations se maintiennent
Les mois suivants, tout est devenu illisible, les baisses et les hausses s’enchaînant dans la plus grande incertitude. A fin septembre, la progression du marché des VUL de moins de 5 tonnes s’établissait à + 1,9 % et l’on venait même à se demander si l’exercice 2011 allait être meilleur que 2010. Sauf retournement de situation catastrophique en décembre, il le sera. En novembre, le marché a enregistré une hausse notable de 9,9 %, à 39 723 immatriculations, confirmant le redressement amorcé en octobre (+ 5 %). Une embellie tirée par les marques françaises qui ont représenté 73 % du marché hexagonal grâce à une progression de 18 % par rapport à novembre 2010. “Nous sentons un léger coup de frein depuis la rentrée de septembre, qui se traduit surtout dans le discours et les inquiétudes des professionnels plus que dans les chiffres. Sur l’utilitaire, nous percevons que les distributeurs commencent à réduire leur stock, faute de visibilité. Le marché est plus poussif, mais nous continuons de vendre des véhicules. Nous allons faire une belle année en volume grâce au premier semestre”, analyse Thierry Kilidjean, directeur commercial d’Iveco. Une analyse partagée par Jean-Luc François, directeur de la division VUL et poids lourds de Mercedes-Benz : “Depuis octobre, nous ressentons un durcissement qui commence à se traduire dans les prises de commandes, mais qui n’est pas encore visible dans les immatriculations pour l’instant.” Dans l’ensemble, les constructeurs dressent donc un bilan satisfaisant de cet exercice 2011.
+ 2,9 % sur onze mois
De janvier à novembre, le marché français des VUL neufs a affiché une hausse de 2,9 %, à 390 083 immatriculations. Au final, il devrait se situer entre 420 000 et 430 000 cette année. S’il continue de grignoter son retard, les volumes d’avant-crise semblent s’éloigner à mesure qu’il progresse. En 2006, 439 422 véhicules utilitaires avaient été immatriculés en France, un volume qui avait même grimpé à 460 782 unités en 2007, exercice de référence. Malgré deux années consécutives en croissance, il n’a pas encore retrouvé toute sa vigueur car certains secteurs d’activité peinent encore à se relever de la crise, et l’absence de visibilité et de certitudes freinent les intentions d’achats des professionnels. “Autant en 2008, la chute du secteur répondait avant tout à la conjoncture, autant en cette fin d’année, le durcissement est à la fois structurel et conjoncturel. Nous voyons des PME qui ont épuisé leur trésorerie consécutivement à la reconstitution de leur stock afin de repartir de l’avant. Les entreprises sont également confrontées aux blocages de crédits et aux annulations des autorisations de découvert par les banques. La FFC a d’ailleurs alerté les pouvoirs publics afin de garantir les emprunts à court terme et compenser ce manque de trésorerie”, confiait Patrick Cholton, président de Solutrans, quelques jours avant le début du salon.
Les “gros utilitaires” animent le marché
Sur le plan structurel, le marché a pâti de la baisse à deux chiffres du segment des dérivés VP, qui a subi le contrecoup de la bulle N1. Il a été particulièrement tiré par la relance du segment des fourgons et châssis qui, malgré un essoufflement ces derniers mois, devrait se situer entre + 10 et +15 % cette année, tandis que celui des fourgonnettes devrait enregistrer une progression identique à celle du marché des utilitaires au global. L’année 2011 a clairement été l’année des “gros utilitaires” avec la montée en puissance des Movano et Master - le premier a progressé de 30 % et le second a glané 3,1 points de pénétration sur leur segment en France -, le lancement ces six derniers mois des nouveaux Ducato, Crafter, Daily, Canter, NV400 ou encore l’extension de la gamme Transit. Des nouveautés qui répondaient le plus souvent à la mise aux normes Euro 5, obligatoire à compter du 1er janvier 2012. “Cette transition a surtout été une préoccupation industrielle, mais n’a pas impacté les chiffres du marché. En revanche, nous assistons à une guerre commerciale animée sur le véhicule utilitaire et nous mettons l’accent en cette fin d’année sur notre offre Euro 4 avec des promotions différentes”, souligne Patrice Bergonzi, directeur de Fiat Professional France, qui prévoit un volume de 38 000 unités pour la marque en France en 2011 et une part de marché voisine de 9 %.
L’utilitaire investit les médias
Une guerre commerciale qui témoigne des ambitions des constructeurs sur ces produits à forte valeur ajoutée. Chacun avance ses pions et affiche ses objectifs dans un horizon plus ou moins proche. Dans sa course au leadership mondial, Volkswagen a clairement ciblé le véhicule utilitaire comme un pilier de sa croissance et a annoncé en avril dernier son objectif de passer de 3,5 à 6,5 % de part de marché en France d’ici 2018. Nissan a récemment annoncé sa volonté de devenir le premier constructeur de véhicules utilitaires au monde en 2016 et entend réaliser une pénétration de 3,5 % en 2014 en France, contre 2,3 % actuellement. Opel, qui revenait à Solutrans pour exposer sa gamme élargie, s’est fixé comme objectif d’atteindre un volume de 15 000 unités. Toutes ces ambitions se sont concrétisées par des gammes de plus en plus élargies - Mercedes-Benz lancera même en 2012 son City Van conçu sur la base du Kangoo - et surtout par des investissements en communication davantage tournés sur l’offre de VUL. “Entre 2005 et 2009, nous n’avons pas diffusé une seule publicité à la télévision sur notre offre de VUL. En 2011, nous avons lancé quatre campagnes et, au cours du premier semestre, nous avons presque autant investi que Citroën et Renault cumulés. Aujourd’hui, nous sommes le premier annonceur utilitaire en France. Nous maintiendrons ce rythme en 2012”, déclare Antoine du Cluzel, directeur de Volkswagen Utilitaires. En mai dernier, Fiat Professional a lancé son premier spot TV pour le Ducato et Opel a renforcé sa communication en radio. “En 2011, nous avons légèrement augmenté notre budget par rapport à 2010, mais nous l’avons surtout optimisé. Nous sommes présents presque tous les trimestres aussi bien en presse professionnelle qu’en presse sportive. S’y ajoutent des renforts en radio et en affichage, détaille Cyril Châtelet, directeur des ventes et du marketing de l’activité véhicules utilitaires de Nissan West Europe. Nous avons également instauré en 2011 l’opération “le mois de l’utilitaire Nissan” dans le réseau, qui sera reconduite l’an prochain.” Du 8 septembre au 27 octobre 2011, Peugeot a inauguré son Peugeot Professionnel Tour, une caravane composée de véhicules utilitaires et de voitures propres qui a investi 14 filiales et concessions françaises pour séduire les entreprises. L’utilitaire ne se cache plus et la bataille s’annonce serrée pour les prochaines années.
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ZOOM - Iveco vise 9 % de parts de marché sur son segment
Présent sur le marché des véhicules utilitaires avec son nouveau Daily, Iveco devrait conclure l’exercice 2011 autour des 9 % de pénétration sur le segment des véhicules de 2,8 à 6 tonnes, soit un volume de 14 000 immatriculations. Le nombre de facturations devrait quant à lui monter à 16 000. “En novembre 2010, nos prévisions pour le marché français des VUL de 2,8 à 6 tonnes tablaient sur un volume de 153 000 unités. En juillet, quand ce segment pointait en hausse de 23 %, elles avaient été revues à la hausse, à hauteur de 170 000 unités. Finalement, aujourd’hui, la progression est moins forte. Nous estimons qu’il devrait se conclure entre 157 000 et 160 000 véhicules, dont 75 000 unités sur le segment des utilitaires 2,8 t à 3,5 t et 82 000 unités sur celui de 3,5 t à 6 t”, informe Thierry Kilidjean, directeur commercial d’Iveco. Iveco réalise 17 % de pénétration sur le second et est très peu présent sur la tranche des VUL de 2,8 t à 3,5 t.
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