Les extensions de garantie ont-elles une incidence sur les valeurs résiduelles des véhicules ?
"La garantie Nissan Privilège est une façon pour la marque de remercier ses clients pour leur fidélité et la confiance qu’ils accordent au réseau de concessionnaires Nissan." C’est ainsi que le japonais, comme d’autres, présente au grand public sa nouvelle offre de garantie gratuite pour ses clients.
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Sauf que la garantie de huit ans ou 160 000 km n’est plus une opération commerciale, c’est devenu un véritable standard de marché. Les constructeurs ne peuvent plus y échapper. Ils suivent toutefois des modèles différents.
En apparence, les marques avancent la même idée : rassurer les clients et les remercier, comme le font notamment Peugeot et Nissan, à l’abri des regards. En réalité, elles cherchent surtout à augmenter les valeurs résiduelles de leurs véhicules et ainsi à prévenir l’effondrement des valeurs à la revente des voitures électriques.
À l’instar du constructeur Peugeot qui s’est montré particulièrement agressif avec son programme Allure Care qui garantit sa gamme électrique pendant 8 ans ou 160 000 km, pour accompagner le lancement de son nouvel e‑3008.
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Mais les experts sont partagés quant aux gains réels de ces extensions de garantie qui ont désormais cours chez la plupart des constructeurs.
Pour certaines marques, l’extension de garantie sur les voitures électriques suit surtout celle des batteries. Pierre Guignot, directeur général de l’import du groupe Emil Frey France et à ce titre président de Mitsubishi Motors, Subaru et TVS Motor dans l’Hexagone depuis mars 2024, raconte cette autre facette de ce mouvement d'allongement des durées de garantie, "l’objectif est d’être cohérent avec la garantie des batteries qui est également de 8 ans et 160 000 km chez nous. Le client aura ainsi une visibilité claire, surtout sur les nouveaux véhicules hybrides où le pack de batteries est important".
Mais Pierre Guignot l’admet, l’horizon de véhicules mieux cotés à la revente fait baver les constructeur. "La garantie étant cessible, cela devrait nous permettre de nous positionner sur les ventes aux sociétés où nous avons du retard, soutient-il, car une voiture encore sous garantie à la fin de son premier contrat avec une entreprise aura plus de valeur à la revente. En ce sens, les gestionnaires de flotte seront plus intéressés de prendre une Mitsubishi qu’une autre marque, sur le critère de la durée de la garantie et de la valeur de revente du véhicule."
Selon des organismes de cotation des valeurs résiduelles des véhicules, ce postulat serait en partie vrai si cette manie de la garantie à rallonge n’avait pas gagné un aussi grand nombre de marques.
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En effet, aujourd’hui, MG Motor propose une garantie de sept ans, VinFast la pousse jusqu’à dix ans, tout comme Toyota et bien d’autres encore disposent de ce genre d’offres. Le constructeur roumain avance une garantie de sept ans ou 150 000 km depuis le 1er janvier 2024.
"Une nouvelle norme"
Mais toutes les marques n’offrent pas des garanties complètement gratuitement et proposent des couvertures revolving, comme Peugeot, Toyota ou Nissan, une formule que les automobilistes ne portent pas dans leur cœur. "Pour Peugeot, comme pour Toyota, on parle d’une garantie qui n’est prolongée que de 2 ans tant que le véhicule reste dans le réseau (parfois moins comme chez Dacia avec une révision annuelle obligatoire ou tous les 30 000 km, NDLR). Or, l’entretien dans le réseau est jugé cher par de nombreux clients, notamment au‑delà de 5 ans d’âge du véhicule", rapporte un responsable d’évaluation de la valeur des véhicules.
Pour Roberto Pestana, expert valorisation à L’Argus : "Selon toute vraisemblance, cela devrait quand même apporter un nouvel intérêt pour les clients à entretenir leur véhicule dans le réseau du constructeur, mais il est vrai qu’ils ne le feront pas tous." Il y aura ainsi des modèles sur la route dont les durées de garantie ne seront pas égales, impossible donc d’en tirer une conclusion sur les valeurs résiduelles en général.
Historiquement, les marques aux fortes offres de garantie sont les coréennes, Kia et Hyundai, et selon des coteurs, cela avait bel et bien eu un impact positif sur leurs valeurs résiduelles, "ce qui aurait, en effet, soutenu leur implantation et leur développement en Europe". D’autant plus que du côté de Kia, la garantie de 7 ans est valable que l’on reste dans le réseau ou non, une "vraie" offre donc.
Pour autant, aujourd’hui, dans ce contexte de généralisation de l’allongement des garanties des constructeurs, l’impact sur les valeurs résiduelles sera moindre. "D’une certaine manière, cela devient une nouvelle norme", explique un coteur expérimenté. Roberto Pestana parle, lui, "d’un simple prérequis, d’un nouvel argument de vente qu’il est obligé d’avoir pour ne pas être désavantagé sur le marché".
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Par ailleurs, pour le moment, vérifier l’impact sur les valeurs résiduelles qu’avancent les constructeurs est en partie impossible, car ces nouvelles offres de garantie étant récentes, les véhicules concernés n’ont pas encore été observés, voire n’ont même pas encore roulé, à l’image de l’e‑3008 dont Peugeot vient tout juste de commencer les livraisons en ce mois de septembre. D’ailleurs, la théorie ne semble pas valider l’effet escompté.
D’après une estimation de cotation, un Peugeot e‑3008 73 kWh finition GT à 46 990 euros et vendu avec une garantie de 8 ans est évalué à 25 619 euros après 36 mois.
Son équivalent chez Renault, à savoir le Scenic E‑Tech au même prix d’achat, avec une garantie classique, est estimé un peu plus cher au bout de 3 ans à 25 657 euros. Autre réserve, aucune marque allemande ne propose un tel dispositif. Les valeurs résiduelles de ces dernières sont réputées plus robustes.
Un marché de l’électrique toujours pas propice
Pour Yoann Taitz, head of valuation and insights sur les régions France et Benelux chez Autovista, l’extension de garantie n’est donc pas une formule miracle : "Le marché électrique est tellement en train de s’effondrer que la garantie de huit ans n’aura finalement qu’un impact limité. Les VE sont trop chers aujourd’hui et l’argument de la garantie de huit ans ne suffit pas à attirer le client et à l’inciter à payer plus. Pour que les extensions de garantie aient un potentiel impact sur les valeurs résiduelles, il faut également communiquer dessus en concessions auprès des clients VN, mais aussi des clients VO."
En outre, elle n’immunise pas contre des problèmes d’image. Les marques du groupe Stellantis pâtissent ainsi de problèmes de qualité comme les airbags Takata chez Citroën, les soucis sur le moteur et sur la boîte de vitesses du 3008 de Peugeot.
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Ces affaires détériorent la promesse de fiabilité. Le risque est d’utiliser l’extension de garantie pour pallier une faiblesse de réputation, comme seul levier pour "rassurer le client".
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