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Constructeurs

Les 24 Heures du Mans ou l'accélérateur d'innovations

Publié le 5 février 2015

Par Christophe Jaussaud
5 min de lecture
A l'heure où le plateau de la 83e édition des 24 Heures du Mans (13 et 14 juin 2015) vient d'être dévoilé, il est intéressant de se pencher sur l'impact que peut avoir la course mancelle sur les ruches de R&D ou tout simplement sur le quotidien des automobilistes.

Pour Pierre Fillon, président de l'ACO, il n'y a pas d'ambiguïté sur le rôle des 24 Heures du Mans. Certes, il s'agit bien sûr d'une compétition sportive, mais elle doit rester un accélérateur d'innovations. Les technologies développées doivent être utiles à la future voiture de monsieur tout le monde et c'est d'ailleurs pour cela que l'ACO a fait du développement durable l'un de ses piliers, comme en témoigne le nouveau règlement actuel de l'ACO.

Un règlement qui prévoyait une réduction de la consommation de 30%, à ISO performance, par rapport à l'édition 2013. Audi, le vainqueur 2014, a ainsi consommé 25% de moins que sur l'édition précédente, a indiqué Vincent Beaumesnil, directeur des sports de l'ACO. Ce dernier n'a pas manqué de souligner que ce gain, même s'il n'a pas atteint l'objectif initial, était une vraie rupture et un grand succès car, au cours des vingt éditions précédentes, la consommation de carburant avait seulement diminué de 20% !  Le Dr Wolfgang Ullrich, directeur d'Audi Sport, a continué dans cette veine de l'efficience en rappelant qu'entre 2007 et 2014, la consommation des prototypes aux anneaux avait chuté de 62% !

L'année 2014 et le nouveaux règlement de l'ACO ont donc marqué un tournant. Un tournant d'ailleurs salué par les constructeurs. Rappelons qu'Audi et Toyota ont été rejoints par Porsche l'année dernière et que, cette année, c'est Nissan qui entre dans la danse, séduit par le champ des possibles. Et le plus beau est que ces quatre constructeurs sont au Mans, naturellement pour gagner, avec quatre technologies d'hybridation différentes mariant l'électricité à des mécaniques essence ou Diesel qui peuvent cacher 4, 6 ou 8 cylindres. Une diversité qui renforce encore l'attrait de l'Endurance pour les constructeurs, qui peuvent vraiment mettre en avant leur choix et leur technologie.

Pour ne pas trop brider l'imagination des constructeurs, Vincent Beaumesnil est revenu sur la réflexion qui a mené à ce règlement. A l'heure de la standardisation de certains éléments dans d'autres disciplines, l'ACO a choisi de fixer des objectifs clairs aux constructeurs en termes de consommation et de puissance hybride (afin de maîtriser les coûts). C'est tout. Laissant ainsi libre cours à l'imagination des cerveaux de chaque marque. L'ACO reste toutefois vigilant pour que, quels que soient les choix réalisés, cela reste équitable. Les 24 Heures du Mans conservent ainsi pleinement leur rôle de laboratoire, contrairement à d'autres disciplines comme la Formule1 aujourd'hui (elle eut ce rôle dans le passé) qui n'a plus réellement d'utilité que pour les services marketing.

Alors le marketing et la communication sont aussi des leviers présents en Endurance, mais les technologies développées ici descendent plus rapidement dans la rue. Sans remonter aux freins à disques ou au pneu radial, les exemples de transfert de technologie de la piste à la route sont nombreux ces quinze dernières années. Ainsi, le Dr Ullrich, patron de la compétition d'Audi, rappelle que le premier prototype R8 vainqueur utilisait l'injection directe d'essence qui est aujourd'hui la règle sur tous les blocs de la marque et du groupe Volkswagen. L'arrivée du TDi sur la voiture de course a permis de modifier ensuite le caractère des mécaniques Diesel de série tout en gagnant en puissance et en efficience. Et le dernier exemple date de 2014, où les R18 e-tron Quattro ont utilisé des phares laser qui sont aujourd'hui proposés sur un modèle de série (la R8). La série fut-elle petite, cette technologie est appelée à se développer. Un dernier exemple qui témoigne, selon le directeur d'Audi, des échanges permanents entre les ingénieurs du programme compétition et ceux des véhicules de série.

Toyota n'est pas en reste sur le sujet technologique et son organisation témoigne peut-être encore plus des passerelles qui existent entre le Mans et sa production. En effet, les 24 Heures du Mans et l'Endurance sont l'un des 64 projets que gère Toyota Motorsport. Pascal Vasselon, directeur technique et vice-président de Toyota Motorsport, donne encore l'exemple d'ingénieurs de l'équipe d'Endurance qui sont tout droit issus de la division hybride des voitures de série du constructeur. Un échange qui explique peut-être le fait  que Toyota ait annoncé que la prochaine génération de Prius accueillerait des éléments et des technologies développés grâce à l'Endurance.

Pour Michelin et Pascal Couasnon, directeur de la compétition du manufacturier français, l'endurance est LE vrai laboratoire technologique pour les pneumatiques de série. "C'est d'ailleurs pour cela que nous ne sommes pas en F1", a-t-il d'ailleurs ajouté. L'Endurance est plus proche de la réalité et le directeur promet que les futurs pneus "Tall & Narrow" devront à la course. Quant à la question du coût de ces développements, le directeur de Clermont y voit plutôt un investissement. Ces programmes permettent d'accélérer les phases de R&D. En effet, pour lui, le développement d'un projet va trois fois plus vite avec l'appui et l'expérience de la compétition.

Alors, même si depuis bien longtemps "gagner le dimanche ne fait plus vendre le lundi", comme l'a souligné Darren Cox, directeur de Nissan Motorsport, les 24 Heures du Mans, au-delà de l'apport technologique, demeurent un bel outil de promotion pour les constructeurs. Aussi bien en externe pour développer l'image de marque qu'en interne pour cultiver un sentiment d'appartenance, mais aussi motiver les forces de vente. Tout cela est difficilement quantifiable, mais Pascal Vasselon témoigne d'un réel enthousiasme de la part des directions commerciales de certains pays pour mettre en avant les performances de Toyota en endurance.

L'évolution et les interactions sont donc nombreuses et permanentes, même la voiture connectée ayant fait son entrée aujourd'hui dans les autos du Mans. Mais Pierre Fillon assure : "Quelles que soient les évolutions futures, je vous promets qu'on gardera les pilotes !"

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