"Le point focal de notre stratégie ne saurait être l’entrée de gamme"
Journal de l’Automobile. En premier lieu, quelle analyse faites-vous du marché français et quelles y sont vos perspectives ?
Pascal Bellemans. Je pense que le baromètre le plus fiable réside dans le niveau des commandes. Or, nous avons enregistré 1 500 commandes en janvier comme en février, ce qui est satisfaisant et nous permet d’être en ligne avec nos objectifs, notamment un volume de 15 000 ventes cette année. Ce dynamisme doit beaucoup au XC60, tandis que la S60 et le V60 enregistrent un bon lancement, ce qui est très important pour nous, car le segment C/D est capital. L’arrivée de la motorisation d’entrée de gamme D2 DRIVEe, que nous présentons sur le Salon, va nous aider à renforcer l’impulsion déjà prise. Pour revenir au XC60, ce sera encore un modèle décisif cette année. D’ailleurs, l’an passé, il nous manquait des voitures en fait, environ 4 000 à 5 000… Par conséquent, les capacités de production ont été renforcées sur le site de Gand et dès la semaine 33, nous passerons d’une capacité de 92 000 unités à 104 000 XC60.
JA. Vous évoquez un objectif de 15 000 ventes pour 2011 : selon vous, quel est le réel potentiel de la marque en France, 15 000, 20 000, plus encore ?
PB. Ce potentiel dépend aussi du périmètre du marché Premium en France… Si on se réfère à l’an passé, ce marché était de 180 000 voitures environ et je pense que la place de Volvo se situe à 10 %. Si nous faisons remarquablement notre travail, cette part peut passer à 12 ou 13 %. L’an passé, nous nous sommes situés à 6,8 % de ce marché, mais l’objectif, à terme, est donc de peser à hauteur de 10 à 13 %.
JA. Quel regard portez-vous sur la guerre des prix qui sévit en France, parfois à l’extrême, avec des grands généralistes qui peuvent du coup vous déstabiliser ?
PB. Ce n’est pas, et n’a jamais été d’ailleurs, la politique de notre marque et nous n’allons donc pas nous mettre à provisionner des remises. Certes, il faut savoir s’adapter au marché, mais intelligemment. Or nous lancer dans la guerre des prix serait destructeur, surtout en considérant notre positionnement Premium et les valeurs de la marque. En outre, il convient d’être très vigilant sur les valeurs résiduelles, c’est-à-dire le long terme. Il faut construire avec une vision dans la durée et donc résister à la tentation de la facilité, les remises, les coups mensuels, de trop forts volumes avec les loueurs courte durée…
JA. Par rapport aux différents chantiers ouverts par Wim Maes, le VO, la communication pour une meilleure notoriété notamment, on imagine aisément que vous vous inscrivez dans une continuité, mais quelles sont vos priorités ?
PB. Nos priorités sont claires. La première est de consolider notre progression sur le marché des sociétés. C’est donc aussi directement lié à l’activité VO et aux valeurs résiduelles. Par ailleurs, le CRM est aussi essentiel et une deuxième génération de notre nouvelle plate-forme sera déployée dès cette année. Sous l’angle de la communication, grand public ou avec nos distributeurs, la transparence restera reine. J’insiste sur ce point avec les concessionnaires, car là réside la clé de voûte de tout succès. Sans l’adhésion du réseau, vous pouvez avoir des budgets pharaoniques pour le marketing ou autre chose, ça ne marche pas ! C’est d’autant plus important que je considère que nous avons un excellent réseau, en qualité comme en quantité.
JA. Est-ce à dire que vous n’êtes pas à la recherche de nouveaux investisseurs ?
PB. Nous n’en avons pas besoin. Tout simplement parce qu’en couverture comme en qualité de relation avec les distributeurs, nous sommes à 98 %. Le reste, c’est la vie ordinaire de tout réseau.
JA. Considérant l’effet étau entre les constructeurs Premium qui élargissent leur spectre, à l’image d’Audi avec l’A1 par exemple, et les généralistes qui jouent parfois la spécialisation, Citroën avec la ligne DS, où placez-vous le curseur de l’entrée de gamme de Volvo pour les années à venir ?
PB. C’est et ce sera encore la C30. En revanche, à moyen terme, on peut envisager un élargissement de la gamme C30, avec une version 5 portes, afin de ne pas se limiter à une part réduite du segment. N’oublions pas non plus, par rapport à nos volumes, que la clé de la rentabilité de la marque et de ses distributeurs, en France comme ailleurs, est très liée à la gamme XC. En caricaturant un brin, on pourrait dire qu’il est plus rentable de bien vendre un XC60 que trois C30 d’entrée de gamme. C’est le cœur de notre business, au même titre que le segment C/D que j’évoquais. Dès lors, le point focal de notre stratégie ne saurait être l’entrée de gamme, surtout que la concurrence est très âpre dans ce périmètre. Toutefois, n’allez pas en conclure que je néglige la C30, un modèle qui nous a permis de conquérir une nouvelle clientèle, souvent plus jeune et plus féminine.
JA. Toujours au chapitre du plan produits, Volvo ne propose pas, pour l’heure, de sportives, alors que votre image vous permettrait une incursion dans ce territoire et qu’on pourrait imaginer un modèle de type RCZ chez Volvo, n’est-ce pas ?
PB. Tout dépend déjà de ce que vous entendez par voitures sportives… Nous dévoilons à l’occasion du Salon une V60 hybride plug-in de 285 chevaux avec un couple monstrueux ! C’est une interprétation de la sportivité dans le respect de l’environnement et des sensations de conduite. Il s’agit d’une voie intéressante à explorer. Le Volvo V60 Hybride rechargeable sera d’ailleurs commercialisé fin 2012.
JA. Dès lors, vu que vous couvrez moins de 50 % du marché en France et en Europe, quelle est votre stratégie d’élargissement de gamme et quels arbitrages allez-vous rendre entre vos marchés historiques et la Chine, votre quasi nouveau marché domestique ?
PB. Au premier chef, il convient de ne pas opposer l’Europe à la Chine ! Le marché européen restera central pour la marque et si nous voulons atteindre les objectifs annoncés pour la Chine, on parle d’ici à 2015 de 200 000 véhicules tout de même, nous aurons besoin de la base de rentabilité européenne. L’Europe a donc souvent la priorité dans les plans de développement, “produits” ou autre, de la marque. Dans un passé récent, ce fut déjà le cas par rapport aux Etats-Unis et la performance environnementale de notre gamme en est la plus parfaite illustration. D’ailleurs, les efforts récents se mesurent : en l’espace de cinq ans, la gamme est passée de 7 à 11 modèles et le design a été modernisé et affirmé. Bref, comme je l’évoquais, il serait contre-productif de chercher à opposer telle région du monde à une autre ou de raisonner en pensant qu’un développement donné se fait au détriment d’une autre zone… Nous sommes dans une logique mondiale et les développements, Europe, Etats-Unis, Chine, doivent se faire de façon complémentaire et simultanée.
JA. Au plan de l’environnement, quelle est votre stratégie à court terme, hors recherche fondamentale sur les énergies alternatives ?
PB. L’objectif est d’avoir une offre compétitive sur chacun des segments où nous sommes présents. Ainsi, pour la C30, les S40 et V50, nous nous positionnons sous la barre symbolique des 100 g de CO2 par km. Avec l’arrivée de la D2 Stop & Start à laquelle je faisais référence tout à l’heure, la S60 sera sous la barre des 120 g, comme la S80 et le V70 d’ailleurs. Quant au XC60, notre best-seller, il est proche des 150 g en version deux roues motrices. Bref, nos performances sont excellentes et nous ne faisons pas moins bien que nos concurrents, loin de là. Par ailleurs, la V60 hybride plug-in va bientôt être commercialisée, avec des émissions contenues à 49 g en mode hybride et une autonomie de 50 km. C’est le concept du 3 en 1 qui répond à mon sens à une très large demande des clients.
JA. En vous projetant vers l’avenir, pensez-vous que les choses vont évoluer rapidement vers des véhicules plus propres ou que cela prendra encore du temps ?
PB. Même si la donnée de renouvellement de parc implique forcément des délais, le phénomène est d’ores et déjà en marche et contraintes législatives ou non, il ne peut que s’accélérer. D’ailleurs, vous constatez que tous les constructeurs investissent des sommes colossales pour aller dans ce sens et nouent aussi des partenariats d’un nouveau genre. En outre, certains pays émergents, comme la Chine par exemple, intègrent l’environnement dans le postulat des perspectives de croissance de leur parc.
JA. Revenons aux Chinois, leur prise de contrôle a-t-elle eu une influence sur la conduite opérationnelle de Volvo ?
PB. L’influence se ressent sur les perspectives à long terme, mais si vous voulez parler de la vie de l’entreprise et de son pilotage au quotidien, il n’y a pas eu de révolution. Honnêtement, c’est très positif ! Contrairement à notre actionnaire précédent avec qui on se demandait parfois ce qu’on allait faire le mois suivant…, la marque est réellement dotée d’une vision à long terme avec ses nouveaux actionnaires. Et comme ils ont une forte capacité d’investissement, j’ai la conviction que Volvo peut se consolider, se développer et surprendre !
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Curriculum vitae
Né à Bruxelles, Pascal Bellemans est âgé de 52 ans. Marié et père de deux enfants, il fait d’ores et déjà valoir une longue carrière internationale chez Volvo Cars. Titulaire d’un Master en Economie, il rejoint Volvo en 1983, en occupant diverses fonctions, d’abord à l’usine de Gand, puis dans le domaine de la Finance à Bruxelles. En 1989, il est nommé directeur financier de Volvo Cars Belgique, puis en 1991 directeur financier de Volvo Cars Europe Marketing. De 1995 à 1998, il assure la présidence de Volvo Car Thaïlande, avant de passer à la direction financière de Volvo AB East Asia (pour Volvo Truck, Volvo Construction Equipement et Volvo Penta) en 1998 et 1999. Il est ensuite nommé président de Volvo Car East Asia et le restera jusqu’en 2001, date à laquelle il prend la responsabilité de Volvo, Jaguar et Land Rover en Asie en tant que président de PAG (Premier Automotive Group). Après 8 années passées en Asie, Pascal Bellemans rentre ensuite en Europe pour prendre la présidence de Volvo Italie et de l’Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Portugal et Grèce). De 2006 à début 2011, Pascal occupe la fonction de vice-président Global Sales au sein de Volvo Car Corporation, à Göteborg, en Suède. Le 1er mars 2011, il devient donc président-directeur général de Volvo Automobiles France, remplaçant Wim Maes, promu président de la région Overseas de Volvo Car Corporation. Il reporte à Stuart Kerr, président de la région Europe.
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