Le Mondial avant l’ouverture
Ils sont plusieurs centaines de personnes à s’affairer. Comme dans une fourmilière, chacun connaît son rôle. Derrière l’apparente décontraction et la bonne humeur qui règnent, le stress s’installe malgré tout. Cette année, pour cause de retard dans les travaux du hall 1, les entreprises en charge de la construction des stands du Mondial de l’Automobile n’ont eu que dix jours pour opérer, contre quinze habituellement.
Sur le stand Renault, toujours l’un des plus vastes, avec ses 4 000 m2 de surface au sol, 80 menuisiers, 10 tapissiers et 5 électriciens travaillent de concert. Tous employés par Centthor, le prestataire qui accompagne la marque sur les rendez-vous majeurs, en Europe et en Amérique du Sud. Raison pour laquelle les habitués reconnaîtront des éléments de décor vus à Genève, Francfort, Barcelone ou même Casablanca. Ainsi, 70 à 80 % de la structure est un kit réutilisable, quand bien même la place occupée en Allemagne ou en Suisse est deux fois moindre.
Le modèle locatif s’impose
Fabricant de stand, un métier peu connu. Peu reconnu, surtout. Peut-être en raison du faible nombre d’acteurs ou de leur capacité à s’effacer au profit des agences de communication et conception qui accaparent l’espace médiatique. Pourtant, en France, le marché pèse 7 milliards d’euros chaque année, emmené par GL Event avec quelque 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Centthor a aussi fait son trou. Depuis la reprise en 2004 par Gilles Coulon, l’entreprise a remporté de nombreux appels d’offres, dont la plupart dans le secteur de l’automobile qui compte pour 35 % de l’activité. A ce titre, Centthor est prestataire direct pour Renault, Citroën, DS et Michelin, et en collaboration avec Decoral, autre filiale indépendante du groupe Hantthik (holding propriétaire de Centthor), pour Peugeot, lors de ce Mondial 2014. Gilles Coulon revendique ainsi 13 000 m2 de surface d’exposition, dont 4 000 m2 respectivement chez Renault et Citroën, 4 500 m2 chez Peugeot et 500 m2 chez Michelin. Son record.
Si chez Citroën, l’agence AKDV peut se targuer d’avoir réalisé les dessins du stand monté par Centthor, chez Renault, la prestation de Gilles Coulon a été complète, de la conception en 3D à l’assemblage, en passant par la production des pièces. “Notre modèle économique a été dicté par les clients, relève le président, ils ne veulent pas se contraindre à gérer un poste de dépense difficile à placer dans le bilan comptable et souhaitent que les concepts perdurent pendant trois à quatre ans.” De fait, le schéma locatif s’est avéré le plus judicieux pour les marques qui se dédouanent au passage des problématiques de logistique (stockage, transport…). La facture se compose donc environ à 30 % des frais de main-d’œuvre, à 15 % des coûts de consommables, de la location des éléments réutilisables et du transport. Sur ce dernier point, soulignons que l’écotaxe impactera à hauteur de 2 % la marge commerciale. Le recyclage des éléments, levier d’économie, permet à Centthor de dégager une profitabilité de 5 à 8 %. On se souviendra également qu’après la crise de 2008, les constructeurs ont cherché à optimiser leurs budgets. “Ils font des économies sur les investissements de départ”, explique Gilles Coulon.
Entre lumière et vidéo
Cette tendance à la conservation présente d’autres avantages dont Renault a su tirer parti. Auréolée d’un Red Dot Awards (trophée du design) pour son stand en 2012, la marque a décidé d’en faire une identité, un peu comme on applique une calandre à l’ensemble de la gamme pour être identifié au premier coup d’œil. “En 2012, les réactions ont été très positives, rapporte Sabine Arbonnier, chef du service Salons internationaux de Renault. Les clients ont dit se sentir zen grâce aux jeux de lumière et aux courbes.” Des courbes ponctuées de deux collines qui, cette année, placent en hauteur la Twingo et l’Espace. “Celles-ci sont composées de 20 000 pièces usinées associées à un moteur rotatif pour faire tourner les voitures”, confie Dana Legrain, la chef de projet de Centthor en charge de Renault.
“La lumière et la vidéo sont à la mode d’une manière générale”, observe Gilles Coulon. Chez Renault, un mur d’image de 60 mètres de long et 6 mètres de haut attirera les regards. Il le faut car le changement de configuration du hall 1 crée une part d’incertitude quant aux flux migratoires des visiteurs. “Nous profitons de la nouvelle passerelle qui débouche sur une vue de haut de notre stand pour promouvoir l’espace innovations et technologies”, décrit Sabine Arbonnier. Le démonstrateur des dessous de la Twingo, installé à Genève, fait aussi partie de l’ensemble.
En parlant de technologie, celle de l’impression 3D ne trouve pas encore sa place. Coûteuse, elle ne ferait qu’alourdir une note estimée en moyenne à 6 à 8 millions d’euros par événement (pour information BMW dépenserait environ 50 millions d’euros à Francfort). Du point de vue de Centthor, seule la pression du client pourrait changer la donne et ce serait davantage, plus que dans l’auto, dans le monde des pharmaceutiques.
Problème de personnel
Avant de se pencher sur de telles évolutions, le secteur de la fabrication de stand a des défis plus importants à relever. Comme souligné précédemment, il souffre d’un certain désintérêt. A commencer de la part des pouvoirs publics. Comptant parmi les acteurs majeurs, Gilles Coulon n’a jamais été invité à la table des débats politiques. Pourtant, il se heurte à une problématique sociétale. Il peine en effet à recruter des artisans motivés, ressource dont son activité dépend entièrement. Ce n’est pas faute de verser des salaires qui, en moyenne, s’élèvent à deux fois le montant du Smic. Les filières prépareraient mal au métier d’assembleur de stand et, de fait, il y aurait un désintérêt, à en croire l’entrepreneur.
Du coup, résigné, il se tourne vers d’autres canaux : “Depuis 2007, j’ai monté un réseau de partenaires en Europe de l’Est, notamment en Pologne et en République tchèque, pour trouver de la main-d’œuvre qualifiée et volontaire.” La plupart d’entre eux le suivent sur tous les chantiers, comme il suit ses clients presque partout dans le monde.
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