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Constructeurs

Le Géant Européen

Publié le 5 décembre 2008

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Porsche et Volkswagen : le mariage de raisonAu-delà de la crise et sous réserve qu'aucune faillite spectaculaire ne vienne assombrir plus encore le tableau d'ici la fin de l'année, l'intensification du processus de rapprochement entre Porsche...

...et Volkswagen est incontestablement le fait automobile de l'exercice 2008. Même si les conséquences apparaissent mineures en surface (volume de ventes, chiffre d'affaires, couverture géographique…). En effet, cette opération pérennise fortement les deux groupes. D'une part, Volkswagen se met à l'abri d'éventuels assauts hostiles et s'arc-boute sur un capital allemand, deux éléments chers aux yeux de Ferdinand Piëch, figure centrale dudit rapprochement. Reste à régler le différend avec la Commission européenne. D'autre part, Porsche sort de son isolement, une cage dorée certes, et se donne plus de latitude pour affronter les grands défis environnementaux qui s'annoncent. Le groupe a beau être "le plus rentable du monde", seul, il n'aurait pas eu la partie facile. Toutefois, sous l'effet de la crise, le processus est ralenti. "Il est de plus en plus improbable que nous puissions atteindre le but de 50 % de participation cette année. Notre but reste toujours d'accroître notre participation à plus de 50 % du capital de Volkswagen aussi vite que possible, mais nous avons toujours dit que nous ne ferions rien de déraisonnable", affirme Wendelin Wiedeking, président de Porsche. Le groupe Porsche détient actuellement 42,6 % du capital de Volkswagen et programme de prendre le contrôle du leader européen en 2009, avec 75 % des parts.

Les impacts de la crise

Porsche n'est donc finalement pas épargné par la crise et le constructeur vient d'annoncer des chiffres en net recul pour les quatre premiers mois de son exercice 2008-2009. Les ventes s'affaissent de 18 %, à 25 200 unités et le chiffre d'affaires affiche un retrait de 15 %, à "légèrement plus de deux milliards d'euros". Wendelin Wiedeking annonce d'ores et déjà que le groupe ne rééditera pas sa performance de 2007-2008, marquée par 98 650 ventes et surtout des résultats financiers record, la participation dans Volkswagen ayant joué à plein : 6,4 milliards d'euros de bénéfice net pour un chiffre d'affaires de 7,5 milliards. De son côté, le groupe Volkswagen parvient à tirer son épingle du jeu. Sur les dix premiers mois de l'année, il a ainsi livré 5,9 millions de véhicules dans le monde, soit une progression de 2,8 % par rapport à la même période en 2007. Dans le périmètre VP, la part de marché globale du groupe passe ainsi de 9,6 à 10,2 %. La marque Volkswagen, pourtant exposée, montre l'exemple en rendant une carte de 3,1 millions de ventes, en progression de 2,1 %. "L'industrie automobile a connu une accélération significative de la détérioration du marché en octobre, et ce partout dans le monde. Mais notre groupe a continué a continué à gagner des parts de marché dans cet environnement difficile. Dès lors, notre objectif de ventes, plus élevé en 2008 qu'en 2007, est maintenu", souligne Detlef Wittig, vice-président exécutif des ventes et du marketing Europe. D'un point de vue géographique, le groupe a vendu trois millions de véhicules dans la zone Europe, tout en maintenant une croissance significative sur les marchés dits émergents. Toujours sur la période "dix mois 2008", le groupe a ainsi livré 550 700 voitures au Brésil (+ 16,7 %), 853 800 en Chine (+ 12,6 %), 107 900 en Russie (+ 64,4 %) et enfin, 16 700 en Inde (+ 66 %). Comme nous le confirmait récemment Emmanuel Bulle, directeur senior département entreprises et spécialiste automobile chez Fitch Ratings, c'est d'ailleurs l'une des grandes forces du groupe par rapport à ses homologues généralistes européens. Le groupe fait effectivement valoir une couverture mondiale très homogène et se révèle moins dépendant de la vieille Europe que ses concurrents directs. Même dans une conjoncture récessive et à l'heure d'affronter une année 2009 de tous les dangers, le groupe apparaît donc en position de force, d'autant qu'on ne saurait oublier sa puissance sur le marché du PL. Pour expliquer cet état de faits, un bref retour en arrière s'impose et nous renvoie à… Ferdinand Piëch. Sous l'impulsion de son patron charismatique, le groupe a pris très tôt des mesures draconiennes et impopulaires qui le servent aujourd'hui. Un plan de suppression d'emplois avait été activé (pour un bilan chiffré global, mieux vaut attendre 2012 et le terme de l'accord passé avec les syndicats, IG-Metall en tête) et plusieurs programmes de réduction des coûts, For Motion par exemple, avaient été lancés. Sur ce dernier point, les efforts se poursuivent, mais les process sont déjà éprouvés, ce qui sert l'efficacité. Après avoir fait "le sale travail", Bernd Pieschetsrieder et Wolfgang Bernhard ont d'ailleurs été débarqués, dans un registre bien différent de "l'affaire Lopez", par le maître des lieux, toujours soucieux de s'entourer de fidèles. Difficile d'affirmer que Volkswagen avait anticipé la crise, mais toujours est-il que ces décisions se révèlent aujourd'hui précieuses et fécondes, même si le groupe n'échappe pas aux désormais classiques ajustements de production.

Un intrus dans le portefeuillet de marques

Au-delà de ses marques de prestige, le groupe Volkswagen jouit d'un portefeuille de marques homogène et cohérent. Ou presque… En effet, le triptyque Volkswagen/Audi/Skoda fonctionne à merveille, surtout quand on mesure la contribution de la marque tchèque à l'aune de ses apports en mécaniques. Reste le cas Seat. Hormis des valeurs latines et sportives, la marque n'a pas grand-chose à mettre en avant, d'autant que ses déboires récurrents l'ont conduite à vendre la plupart de ses biens. Toujours dans le rouge, la marque souffre d'un manque de reconnaissance des clients dans de nombreux pays, faillit sous l'angle de l'innovation et reste beaucoup trop dépendante de la vieille Europe. Si le groupe Volkswagen dément régulièrement toute velléité de cession, on peut clairement s'interroger sur l'avenir de ce maillon faible. L'Exeo peut constituer une piste, à savoir que le groupe recyclerait chez Seat des recettes éprouvées dans d'autres marques. Sous l'angle des coûts et du capital image, l'idée est recevable, mais on peine à voir quelle stratégie commerciale serait alors adaptée. D'autant que la voie du low-cost n'est pas promise à la marque, ce qui aurait été une autre solution. En somme, l'expectative demeure et les trois prochaines années devraient livrer leur verdict.

"Stratégie 2018" et l'enjeu environnemental

En dépit d'une crise dont il est difficile de prévoir la durée et l'issue, le groupe confirme les objectifs de son plan "Stratégie 2018" qui, outre un important volet de croissance commerciale, comprend bien évidemment un vaste chantier environnemental. Une enveloppe de huit milliards d'euros est provisionnée. Actuellement, le groupe propose une vingtaine de véhicules dont les émissions sont inférieures à 120 g de CO2 et 106 modèles respectent d'ores et déjà les normes Euro 5 ou Euro 6. Pour relever le défi écologique, le groupe se projette dans l'avenir en trois temps. Tout d'abord, l'amélioration des technologies classiques, notamment les TSI, TDI et DSG. "Nous allons lancer ces offres sur de nouveaux marchés pour parfaire notre éco-bilan global. Nous allons notamment introduire nos dernières technologies Diesel en Chine", indique Wolfgang Steiger, responsable des recherches avancées Moteurs et Technologies chez Volkswagen. Ensuite, au-delà de l'hybridation, le groupe Volkswagen stigmatise l'importance du gaz naturel et de la biomasse. "En Europe, dans un avenir proche, 25 % du parc sera constitué par des modèles exploitant la biomasse. Dans le monde, le potentiel de ces solutions est de l'ordre de 30 à 35 % de parts de marché à un horizon plus lointain", déclare Wolfgang Steiger. On peut d'ailleurs souligner que Volkswagen, au même titre de Daimler, a pris une participation dans le fabricant de biocarburants Choreffin Industries, avec des objectifs ambitieux sur le BTL. Enfin, le groupe mise sur les solutions technologiques dites renouvelables. "Les recherches en cours sur les carburants synthétiques, comme le CCS par exemple, et sur l'éthanol à base de cellulose ouvrent des perspectives prometteuses et assez proches de nous", affirme Wolfgang Steiger. Reste ensuite l'hydrogène, en application fuel-cell, et "l'électro-traction". "Il y aura une grosse concurrence entre ces deux solutions à l'avenir", pronostique-t-il.

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