Le futur plan de Renault défraie déjà la chronique
Le nouveau plan stratégique de Renault ne sera dévoilé que le 29 mai 2020, mais les fuites vont déjà bon train. En effet, après la probable rationalisation de la gamme, devant faire disparaître l'Espace ou le Scenic, voilà que d'autres sources "proches du dossier", relayées par le Canard Enchaîné, souvent très bien informé, annoncent la fermeture de quatre sites de production en France, dont l'usine de Flins dans les Yvelines.
Le palmipède indique que "quatre usines seraient fermées en France : Choisy-le-Roi, Dieppe et les Fonderies de Bretagne, pour commencer. Le gros morceau, le site de Flins, viendra plus tard." A Flins, il ne s'agit toutefois pas d'une fermeture mais de l'arrêt de la production automobile pour consacrer le site à une autre activité, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. Une deuxième source a confirmé que la fermeture pure et simple de l'usine n'était pas d'actualité, sans exclure qu'elle ait été envisagée.
Inaugurée en 1952, l'usine de Flins a vu passer une vingtaine de modèles emblématiques de la marque, dont la Dauphine, la R4 et la R5. Aujourd'hui, elle assemble des Zoe et Nissan Micra avec 2 600 salariés. Le site a produit l'an dernier 160 000 véhicules dont des Renault Clio 4, un modèle dont la 5e génération actuelle est désormais entièrement produite en Turquie.
Parmi les trois autres sites éventuellement touchés, il y a l'usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) qui emploie 263 personnes dans la réparation de moteurs et boîtes de vitesse utilisés comme pièces de réemploi. Il y a aussi l'usine historique de Dieppe, en Seine-Maritime, berceau des Alpine de Jean Rédélé, qui produit aujourd'hui l'A110. Elle compte aujourd'hui 386 salariés et assemble la Berlinette à une cadence de 7 véhicules par jour. Enfin, la fonderie de Bretagne à Caudan (Morbihan), produit des pièces en fonte pour moteurs, châssis et boîtes de vitesse, avec 385 salariés. "Il y a des discussions. Rien n'est figé", a cependant souligné une source proche du dossier, sous couvert d'anonymat.
Alors que Renault semble avoir finalisé, auprès de ses banques, un prêt garanti par l'Etat de 5 milliards d'euros, cette annonce passe mal dans le monde politique. D'autant que l'Etat français est actionnaire de losange à hauteur de 15 % et que Bruno Le Maire parlait encore il y a quelques jours de relocalisations en contre partie d'aides publiques. "La direction et l'État doivent démentir aujourd'hui pour rassurer les salariés, les sous-traitants et les communes. Ou alors l'Etat doit retirer ses aides et se faire respecter", a réagi sur Twitter le patron du PCF Fabien Roussel.
"Des milliers d'employés de Renault menacés de perdre leur emploi ! Le monde d'après ressemble-t-il déjà au monde d'avant ?", s'est interrogé ironiquement le porte-parole du RN Sébastien Chenu sur Twitter. "Je suis surpris, quatre sites de cette importance remis en cause, ça me semble énorme", s'est étonné sur LCI le patron des Républicains Christian Jacob. "Il faut regarder les choses de près, l'Etat a un rôle déterminant dans Renault", a-t-il ajouté. Il faut un plan de relance "dès l'été, c'est indispensable d'agir dès maintenant", notamment pour l'automobile qui "est impactée et va l'être sur la durée", a réagi sur Public Sénat le patron des députés LR Damien Abad, alors que le gouvernement a annoncé lundi 18 mai l'annonce "sous 15 jours" d'un plan de soutien à l'automobile. "Je ne crois pas que ce soient des mécanismes de gels de licenciement qui répondront à ces questions" mais il faut "soutenir les entreprises", a-t-il estimé.
"Il faut que Renault en échange de l'aide de l'Etat, les 5 milliards d'euros (...) prennent des engagements fermes : aucune fermeture d'usine", a demandé sur BFMTV Matthieu Orphelin, le coprésident du nouveau groupe "Ecologie Démocratie Solidarité" à l'Assemblée. Matthieu Orphelin préconise notamment un "plan de relocalisation en France" de Renaut et PSA en échange d'aides publiques. Mais le nouveau coprésident, comme la quasi-totalité des hommes politiques, oublie que le prêt est réalisé auprès des banques et non de l'Etat. La garantie de ce dernier ne vaudra que si Renault est dans l'impossibilité de le rembourser.
Le premier ministre, Edouard Philippe, a affirmé mercredi 20 mai que le gouvernement serait "intransigeant" sur la "préservation" des sites de Renault en France, si le constructeur automobile confirmait sa volonté de fermer quatre sites dans le pays. "Il y a une forme de responsabilité de l'entreprise à avancer, à se transformer mais aussi à tenir compte des réalités du pays qui l'accueille et d'une certaine façon le fait vivre", a mis en garde le Premier ministre, en soulignant que si "Renault est une entreprise mondiale", "sa marque française est évidente".
Voilà donc un sujet brûlant et qui va sans doute donner lieu à de nombreuses polémiques et surenchères d'ici l'annonce du plan le 29 mai prochain. Un plan qui doit notamment mettre en œuvre un drastique plan d'économies de 2 milliards d'euros sur trois ans car pour la première fois depuis dix ans, le français a perdu de l'argent en 2019. Clotilde Delbos, directrice générale par intérim, avait prévenu qu’il n’y aurait aucun tabou sur les économies, faisant ainsi craindre des réductions d’effectifs et des fermetures de sites. Cependant depuis cette annonce, en février 2020, le contexte a changé et le prêt garanti par l'Etat pourrait empêcher Renault d'avoir les coudées franches.