"La marque aura dépassé les 50 % de ventes hors Europe avant 2015"
Journal de l’Automobile. Après une année 2010 record pour Peugeot, la marque semble encore accélérer sur son chantier principal, les ventes hors Europe (+ 44 %, à 1 091 000 VN). Ces résultats sont-ils en ligne avec vos plans ?
Jean-Philippe Imparato. Sur le périmètre véhicules montés et éléments détachés, nous sommes en augmentation de 27,58 % dans le monde à fin septembre, par rapport à 2010. Cette augmentation de produits vendus, ou facturés, est générale. Sur la partie véhicules montés, les résultats sont assez homogènes, aussi bien au niveau de l’évolution - tout le monde est sur une croissance à deux chiffres avec un 2 devant - que sur l’aspect géographique. Ce qui est rassurant quant à l’assise de la marque. Sur les zones Afrique, Moyen-Orient, Océanie, qui ne sont pas prioritaires à ce stade, nous sommes en croissance de 29,5 %. Sur le total des trois zones sur lesquelles le groupe concentre ses efforts, à savoir l’Amérique latine, l’Asie et la Russie, où l’environnement concurrentiel n’est pas le même, nous enregistrons 20,11 % de progression.
JA. Plus précisément, quelles sont vos principales satisfactions ?
J-PI. Même si les volumes concernés sont plus faibles, il y a des marchés sur lesquels nous faisons des “jumps” de 80 à 100 %. A fin septembre, l’Argentine est, par exemple, sur un rythme de + 40 %, le Mexique de + 33 % ou encore le Venezuela de + 86 %. L’Ukraine fait 175 % de mieux, la Russie 33 %. En Asie, il se passe également de belles choses. Les ventes de nos véhicules importés (built up) progressent de 77 % en Chine et de 87 % en Corée. Or, si les built up se développent en marge des véhicules montés localement, cela veut dire que la notoriété et l’image de la marque avancent clairement. Sachant que les prix que nous pratiquons en built up ne sont pas comparables aux prix locaux, ces évolutions ne sont pas neutres. Même si nous souhaiterions aller plus vite sur certaines zones, notamment pour faire face aux défis qui se présentent à nous en Europe, ces chiffres crédibilisent notre démarche. Ces huit premiers mois sont en tous les cas en ligne avec le cap fixé pour fin 2012. Si nous suivons la même évolution que l’an dernier, nous aurons un cumul de + 21,09 % à fin décembre 2011.
JA. En Russie, l’ampleur de la reprise du marché a un peu surpris. Quelles sont vos prévisions pour l’exercice en cours et celui à venir ?
J-PI. Nous avons prévu un marché russe 2011 à 2,59 millions de VN. A fin juin, nous sommes à + 33 % sur un marché en croissance de + 54 %. Aujourd’hui, nos équipes russes vendent tout ce qui sort de Kaluga. Nous savons qu’elles manquent d’autos, mais nous avons souhaité y caler la marque à 2,10 % de pénétration parce qu’il y a des zones qui tirent plus en ce moment et dont la situation, en termes d’écart de change, est plus favorable. Nous leur envoyons donc toutes les collections nécessaires pour faire la meilleure progression possible tout en restant dans des zones de résultats économiques correctes.
JA. Est-ce à dire que malgré vos ambitions de croissance, vous privilégiez la marge aux volumes ?
J-PI. Sur l’ensemble des destinations, même si nous souhaitons maintenir une croissance de nos ventes à deux chiffres, nous avons naturellement une préoccupation de résultats économiques. Ce qui veut dire que, sur un certain nombre de marchés, nous sommes amenés à essayer de trouver le meilleur compromis entre le volume et la marge, en tenant compte des écarts de change. Et ces écarts sur la zone euro-dollar-rouble ont été particulièrement pénalisants sur l’exercice 2011. Le rapport euro / dollar tourne actuellement à 1,42 ou 1,43, alors que l’ensemble des processus bancaires le voyait plutôt autour de 1,23. Le rouble, qui était prévu à 38, se balade autour de 42 depuis à peu près huit mois. Il a donc fallu faire des choix. Nous sommes actuellement amenés à arbitrer au mois le mois en fonction de ces écarts de change et de nos capacités de production. Et vous savez combien celles-ci ont été perturbées au 2e trimestre suite à la catastrophe au Japon.
JA. Sur ce marché russe, combien de ventes avez-vous “perdues” en prenant cette décision stratégique ?
J-PI. Je pense qu’en Russie, nous aurions pu, sans difficulté, avoir 0,2 point de pénétration en plus. C’est-à-dire que nous avons démixé entre 5 000 et 10 000 voitures. Mais ce sont des véhicules que nous avons redistribués ailleurs. Notamment sur le Maghreb, qui est en train de faire entre 2 et 5 % de points de pénétration supplémentaires par rapport aux huit premiers mois de 2010. Et cela à des conditions de change bien plus correctes. En Tunisie, malgré le contexte et un marché en baisse de 37 %, l’équipe a pris 2 points de pénétration et va faire un volume au moins égal à 2010. En Algérie, nous sommes passés de 9 à près de 14 % de pénétration et sommes désormais dans le Top 3 du marché, sans avoir aucune implantation industrielle locale. Au Maroc, Peugeot a pris 2 points et a repris la première place des marques importées, que nous n’aurions jamais dû perdre d’ailleurs…
JA. Malgré ces taux de change défavorables, maintenez-vous l’ambition d’écouler 300 000 VN de PSA d’ici 2015 en Russie ? Combien d’entre eux seront-ils des Peugeot ?
J-PI. L’an dernier, à la même époque, c’était compliqué. Pourtant, au salon de Moscou, nous avions dit que dans les douze à vingt-quatre mois qui allaient suivre, le marché russe allait retrouver les niveaux de performance qui étaient les siens avant la crise de 2008. C’est ce qui est en train de se passer. C’est-à-dire que, si nous atterrissons cette année à 2,5 millions, nous serons à 200 000 unités de moins par rapport aux exercices d’avant 2008. Si cette évolution se poursuit à l’horizon du plan moyen terme, à savoir en 2015, la réponse est donc oui. La part de Peugeot doit passer de 2 à 4 % de cet ensemble-là. Nous sommes donc dans le trend annoncé. En tout cas, en termes de plan produit, ce que nous faisons en ce moment est en ligne avec ce que nous avons annoncé il y a un an. C’est-à-dire que nous avons lancé la 308, phase 2, au mois de juin, et que nous lancerons la 508 dès que possible…
JA. Pourquoi “dès que possible” ?
J-PI. Jusqu’à présent, je n’avais tout simplement pas assez de 508. Maintenant, j’en ai. Nous allons donc pouvoir la lancer, soit en fin d’année, soit en tout début d’année prochaine, de manière à coiffer la gamme. Toujours est-il que notre offre continue d’être enrichie. Nous allons d’ailleurs commercialiser la “408 Chine” l’an prochain et aurons aussi d’autres lancements sur le segment des SUV 4X4. Tout cela pour dire qu’il n’y a pas eu de levée de pied sur le plan produit de nature à contredire les ambitions annoncées sur notre progression en Russie.
JA. On sait que le groupe PSA a également d’importantes ambitions en Chine, à savoir représenter 5 % du marché d’ici 2015 et 8 % d’ici 2020. Est-ce que le ralentissement actuel du marché chinois (à fin juin = + 3,3 %, à 9,33 millions de VN) vous inquiète ?
J-PI. Dans l’absolu, je préférerais voir des marchés à + 15 % plutôt qu’à + 7 %. Cela dit, quand je vois l’atterrissage des volumes prévisionnels à fin décembre 2011 autour de 11 millions de véhicules, je me dis que Peugeot a tout de même de quoi y vendre 190 000 véhicules cette année et 250 000 dès 2012.
JA. Le duo 408-508 a répondu à vos attentes lors de son lancement, mais qu’en est-il des délais de livraison ?
J-PI. La 408 fait son travail en termes de volume mensuel. Nous avons fait un premier mois 508 très intéressant, nos distributeurs ayant déjà pris 5 000 commandes. Sur ce modèle, nous livrons donc actuellement à 4 mois. De plus, 75 % du mix des ventes de 508 est sur le niveau 3. C’est super. A titre indicatif, au lancement de la voiture en Europe, nous tournions à 60 % sur le niveau 3, et c’est déjà quelque chose que nous n’imaginions même pas. Je préfère descendre que de devoir pédaler pour monter. Dans deux mois, on se donne rendez-vous en Chine pour une surprise, avec le lancement d’une nouvelle offre produit, avant une autre qui interviendra durant le 2e semestre 2012. C’est la première fois que nous ne sommes pas en position de parier sur un seul lancement. Et de plus, nous sommes dans le “mainstream”. Nous ne lançons pas de véhicules de niches !
JA. Suite aux dernières annonces, quelle place tient désormais l’Inde dans votre futur développement ?
J-PI. Le groupe prend pied en Inde d’une manière concrète et sérieuse. Ces prochains mois, il nous faut y ordonnancer et y organiser une mise en place de la marque qui soit d’aplomb. Cela commence par une prise de contact avec le marché. Nous avons actuellement des équipes qui travaillent sur trois sujets : le plan produit, le dispositif industriel, le plan de communication nécessaire à la réintroduction de la marque. Cela commencera par le salon de New Dehli au mois de janvier. Nous y présenterons le menu, puis nous le déroulerons. Cela démarrera avec une première phase d’introduction de built up, puis par un raccordement avec notre dispositif industriel, dont l’entrée en fonction est prévue pour 2014. La capacité estimée de cette usine est de 170 000 voitures. Cela donne une idée de nos ambitions. Pour le reste, nous sommes en train d’écrire le scénario.
JA. Quelle est votre appréhension du marché indien ?
J-PI. Comme sur d’autres destinations, c’est un marché qui ne va pas fonctionner en mètre linéaire, mais plutôt par tranche de prix. Peugeot a décidé d’y entrer par le haut parce qu’il y a deux tiers de ce marché qui se situent dans une zone de prix maximum de 7 000 euros. Nous allons y aller sur une position un peu supérieure au début, avec la 508 en véhicule importé. L’idée étant de créer une attraction autour de la marque en montrant ce que nous savons faire. Une fois que nous aurons fait cela, nous pourrons descendre dans les tranches de prix en nous appuyant sur la production locale, mais sans transiger sur la prestation. La stratégie sera alors de prendre une place significative le plus rapidement possible sur deux segments : prioritairement le segment C, puis le B+. Nous devons nous exonérer des discours du type : il faut des véhicules spécifiques à 2 500 euros. Nous ne jouerons pas sur cette tranche de prix. C’est illusoire. Tous ceux qui ont essayé s’y sont cassé les dents. L’expérience montre, au contraire, que des gens qui prétendent avoir accès à de la technologie et qui ont un haut niveau d’exigences automobiles, il y en a partout dans le monde. Et plus ça va, plus on se rend compte que ceux qui ont de l’argent ne sont pas chez nous !
JA. La fameuse convergence des attentes client dont Vincent Besson parlait récemment ?
J-PI. C’est intéressant parce que nous faisons actuellement en sorte, avec les équipes d’Amérique latine, de compléter les flux entre ce qui est fait à Palomar (Argentine), à Porto Real (Brésil) et en Asie du Sud-Est. Au cas par cas, nous observons l’opportunité de compléter les gammes locales par des built up quand cela est nécessaire. Nous avons, par exemple, ouvert RCZ et 3008 au Brésil, avec un certain succès. On s’aperçoit donc de plus en plus que ce qui marche quelque part, fonctionne aussi très bien ailleurs. Les niveaux d’exigences clients sont finalement assez comparables. Nous n’hésitons donc pas à ouvrir des flux de built up.
JA. A quelle échéance pensez-vous voir les ventes hors Europe de Peugeot devenir majoritaires ?
J-PI. Nous sommes aujourd’hui à 44 % des ventes de la marque réalisées hors Europe et nous ne cessons de croître. La direction a fixé 2015 comme seuil auquel les ventes seront à l’équilibre entre l’Europe et le reste du monde. Mais la marque aura dépassé les 50 % de ventes hors Europe avant ce délai. Cela ne fait aucun doute. L’année prochaine, j’aimerais bien ne pas commenter des chiffres en dessous de 10 % de progression !
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