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Constructeurs

Julien Bessière, Skoda : "La marque a su devenir compétitive tout en préservant une valeur résiduelle solide"

Publié le 19 février 2025

Par Nabil Bourassi
10 min de lecture
La marque d’origine tchèque, filiale du groupe Volkswagen, a encore montré son dynamisme en 2024, survolant les turpitudes du marché avec une progression de 7 % de ses ventes. Après avoir renouvelé sa gamme thermique avec des PHEV de nouvelle génération, Skoda va lancer une offensive sur le 100 % électrique en proposant des produits très compétitifs.
Julien Bessière Skoda
Julien Bessière, directeur général de Skoda France. ©Skoda

Le Journal de l’Automobile : Quelle est votre analyse du marché français en 2024 ?

Julien Bessière : Nous n’avons pas été totalement surpris par le mar­ché tricolore. Il a fini à 1 718 000 im­matriculations, nous tablions sur 1 750 000… C’est un peu plus bas que prévu, mais plutôt en ligne avec nos attentes. Je retiens néanmoins que nous avons été fortement challengés dans notre manière de piloter notre offre commerciale au gré des valses hésitations des décrets et disposi­tions fiscales.

 

Mais 2024, c’est sur­tout l’année du retour à la normale sur notre production. Les délais de livraison se sont normalisés. Ce qui nous interpelle, en revanche, c’est l’environnement macroéconomique qui reste fortement anxiogène pour les consommateurs et les entreprises et cela va peser sur les arbitrages d’achat.

 

C’est pourquoi nous estimons que le marché pourrait rester stable dans les prochaines années et aller jusqu’à 1,8 million de voitures par an en France. Nous devons apprendre à vivre avec cette nouvelle donne.

 

J.A. : La marque Skoda s’en est bien sortie en 2024…

J.B. : Nous n’avons lancé pas moins de cinq nouveautés en 2024, avec les rafraîchissements des Scala, Kamiq et Octavia et les nouvelles généra­tions de Superb et de Kodiaq. Nous savions que nous allions croître. Mais dans les conditions de marché que je viens de décrire, c’est une vraie prouesse. Nous avons vendu plus de 45 600 unités. Et nous sommes très satisfaits de notre résultat sur les PHEV, avec notre nouvelle généra­tion de modèles iV, et de notre per­formance électrique avec l’Enyaq en progression de 46 %.

 

J.A. : Pour tirer son épingle du jeu en 2024, fallait-il obligatoirement être agressif sur les prix ?

J.B. : Je ne dirais pas que nous avons été agressifs, nous avons été com­pétitifs. Et cela a été permis entre autres par le retour à la normale de nos capacités de production. La condition était de repartir sur des bases saines sur nos canaux de distribution. C’est à ces deux condi­tions que nous avons pu nous posi­tionner sur des loyers compétitifs.

 

Mais nous nous sommes également appuyés sur notre profondeur de gamme et sa disponibilité en di­verses motorisations que ce soit sur du PHEV, du thermique, même du diesel ou du 100 % électrique. La force de Skoda, c’est la robustesse de sa valeur résiduelle qui a été un levier très puissant pour préserver un loyer très compétitif.

 

 

J.A. : D’autres marques ont souffert en 2024 d’un marché VO qui paye sur le buy back les années de pénurie…

J.B. : Nous avons la chance chez Skoda d’avoir un marché VO solide. Et notre réseau n’en a pas souffert puisque nous nous adossons à une captive puissante, Skoda Bank, qui dépend de Volkswagen Financial Services. Notre captive sécurise les buy back et nous nous appuyons sur un sourcing de taille euro­péenne. Notre vision, c’est que nous avons encore de la marge de progression en Europe et plus encore en France où notre pénétration est très en dessous de notre moyenne eu­ropéenne. Cela nous permet d’être plus offensifs mais sans sacrifier notre valeur résiduelle. D’où notre plan produits très fourni…

 

J.A. : Quelle est la pénétration que vous jugez juste en France ?

J.B. : Nous n’avons pas vocation à passer de 2,6 à 4 % du jour au lende­main, c’est la meilleure façon de dé­grader notre valeur résiduelle. Nous irons chercher les 3 % dans un premier temps, puis je pense que la barre des 3,5 % est à portée de main pour une marque comme Skoda en France. En Europe, à titre de comparaison, nous étions en 2024 au‑dessus des 6 % et le troi­sième constructeur du point de vue des immatriculations.

 

J.A. : La valeur résiduelle est un véritable totem pour vous…

J.B. : C’est un des totems, oui. C’est essentiel. Nous ne voulons pas bra­der nos véhicules. Même pendant la crise sanitaire et la pénurie, nous avons préservé notre valeur rési­duelle. D’autres marques ont tenté de livrer des voitures incomplètes parce que le manque de semi‑conduc­teurs était effectivement critique et qu’elles ne voulaient pas sacrifier leur volume. Chez Skoda, nous nous le sommes interdit. C’est aussi pour cela que le retour de VO en 2023 et en 2024 a été maîtrisé et que ce mar­ché est resté profitable. Néanmoins, c’était une année de rééquilibrage de l’offre et de la demande et des prix. Nous repartons donc sur un marché assaini avec des bases saines.

 

Nous devons apprendre à vivre avec un marché français à 1,8 million d’immatricula­tions

 

J.A. : Il y a toutefois la question de la valeur résiduelle des voitures électriques qui va arriver…

J.B. : Le marché des véhicules élec­triques cherche encore son position­nement prix… On a de fortes incerti­tudes sur leur valeur résiduelle. Mais le buy‑back est pris en charge par notre captive, ce qui protège notre réseau. L’idée est de prolonger ensuite les cycles de location pour atténuer l’impact de la valeur résiduelle.

 

J.A. : Pour l’Enyaq, vous aviez installé le modèle d’agent en juillet dernier. Mais vous avez décidé de ne pas re­nouveler l’expérience avec le facelift du produit…

J.B. : Oui. Nous voulions remettre de la simplicité dans nos process et pour notre réseau. Nous res­tons sur le modèle d’agent pour les flottes. Nous pensons que le schéma de distribution classique est au­jourd’hui le plus adapté aux clients Skoda, y compris sur la gamme électrique.

 

 

J.A. : La captive continuera-t-elle à suppor­ter le buy back ?

J.B. : Oui, cela ne change pas. C’est le socle de notre stratégie de pré­servation de notre valeur résiduelle. Nous assumons cette prise de risque. Cela nous permet d’être compétitifs sur les loyers. Mais j’observe que le réseau est de plus en plus pre­neur des Enyaq d’occasion. C’est un bon produit bien positionné et très simple à remarketer.

 

J.A. : Comment s’est portée la rentabilité du réseau Skoda en 2024 ?

J.B. : Nous n’avons pas les chiffres définitifs mais nous savons qu’ils seront positifs. On sait aussi que cela a été une année plutôt difficile pour l’ensemble du marché. Même si notre marché VO s’est bien porté, les marges ont néanmoins été compri­mées. Sans parler du coût de l’argent qui a pesé sur les frais fixes.

 

J.A. : Le modèle commercial de Skoda, cela reste tout de même son animation produits avec un gros rythme de lan­cements…

J.B. : C’est vrai qu’en 2024, nous avons eu la chance de commercia­liser cinq nouveautés. Mais para­doxalement, la force de Skoda, ce sont ses piliers. Notre best‑seller en France, c’est la Fabia, qui finit l’année à +26 % et nous ne l’avons pas renouvelée. En Europe, l’Octavia reste loin devant tous nos autres modèles, avant même son facelift de l’an der­nier. C’est un succès incroyable. Donc, oui, il y a un dynamisme de gamme, mais Skoda reste solide sur ses piliers historiques, c’est sa force.

 

J.A. : Le groupe Volkswagen est sous pres­sion pour respecter les normes CAFE. Vous avez indiqué avoir comme objec­tif un mix de vente de 24 % de voitures électriques en 2025, c’est dix points de plus en un an. Mais vous ne disposez pas de véhicules électriques à moins de 25 000 euros pour faire du volume. Comment allez-vous faire ?

J.B. : En 2024, nous avons fait 14 % de notre mix en France avec un seul produit, l’Enyaq, un SUV fa­milial, qui a subi des contraintes de production. C’était déjà très bien. En 2025, nous opérons un profond face­lift sur ce modèle, qui a aussi un repositionnement tarifaire et nous al­lons commercialiser l’Elroq. On parle d’un SUV de 4,50 m à environ 29 000 euros, bonus déduit. De mon point de vue, ce n’est pas un objectif irréaliste.

 

Notre captive prend en charge le risque sur le buy back, cela protège notre réseau et notre valeur résiduelle

 

J.A. : Est‑ce que ce sera suffisant pour pas­ser les normes CAFE ?

J.B. : Nous avons une nouvelle gé­nération d’hybrides rechargeables extrêmement bien positionnée sur le CO2. En termes d’agrément et d’efficience, nous avons coutume de dire que c’est notre nouveau diesel. Notre objectif, c’est de faire 50 % des ventes de Superb et Kodiaq sur cette technologie.

 

J.A. : Allez‑vous néanmoins accentuer la pression sur le réseau en imposant des quotas de mix énergétique ou en coupant la production de modèles thermiques ?

J.B. : Nous mettons en place des in­citations pour que notre réseau nous aide à atteindre nos objectifs. Il y aura, par exemple, des seuils de mix pour décrocher des bonus. Mais je suis très confiant. Il suffit de voir les prises de commande d’Elroq avant même que celui‑ci arrive en concessions.

 

J.A. : Sur l’image de marque, est-ce que Skoda a réussi à vaincre définitive­ment les préjugés sur sa perception ?

J.B. : Ce que je sais, c’est qu’au­jourd’hui, lorsqu’un consommateur achète une Skoda, il adhère totale­ment à son univers de marque. La marque a évolué et elle défend une identité propre. Le "Simply Clever", ce ne sont pas que des mots, c’est un marqueur puissant pour notre clientèle. Skoda est dans le top 3 des meilleurs taux de fidélisation. D’ailleurs, nous continuons à faire évoluer notre univers de marque, tout en gardant notre identité. Avec l’Epiq qui doit arriver fin 2025, nous allons aller plus loin dans notre nou­velle identité de style qu’on appelle le "Modern Solid".

 

J.A. : Cette évolution de l’univers de marque vous l’appliquez au réseau avec un programme de rénovation lancé début 2024. Où en êtes-vous ?

J.B. : Ce programme était néces­saire pour accompagner l’évolution de la marque. C’est cohérent avec nos nouveaux produits, mais éga­lement avec les progrès significatifs des indicateurs de notoriété auprès des consommateurs. Il y a des sauts quantiques qui s’opèrent. Il fal­lait donc que le réseau reflète cette image. Mais l’idée n’est pas de tout raser pour tout recommencer. Nous sommes dans une démarche d’amé­lioration de l’existant. Il y a des in­vestissements importants, mais pas démesurés. Nos showrooms gagnent de la luminosité et de la transpa­rence. Il y a également beaucoup plus d’éléments digitaux. Et, bien sûr, nous avons travaillé sur leur écoresponsabilité. Nous avons lancé ce programme en février 2024 et nous devrions avoir transformé l’ensemble du réseau avant la fin de l’année. Nous sommes actuellement le pays le plus avancé d’Europe dans ce pro­cessus. C’est dire à quel point notre réseau adhère à cette démarche.

 

J.A. : Avez‑vous pu observer une évolution des performances des sites qui ont adopté votre nouveau programme de showrooms ?

J.B. : Dans nos enquêtes de satis­faction, la perception du showroom est clairement très supérieure dans les points de vente qui ont basculé. C’est très satisfaisant. Cela augure bien des performances de Skoda pour les années à venir.

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