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Constructeurs

Jean-Claude Debard, président-directeur général de Hyundai France

Publié le 17 septembre 2004

Par Tanguy Merrien
10 min de lecture
Décréter de faire le portrait de Jean-Claude Debard auprès de professionnels de l'automobile comporte un brin d'impertinence que le président de Hyundai France a eu l'élégance de ne pas relever. L'élégance et le métier. Parce que Jean-Claude Debard est d'abord un grand communicant et le premier...
Décréter de faire le portrait de Jean-Claude Debard auprès de professionnels de l'automobile comporte un brin d'impertinence que le président de Hyundai France a eu l'élégance de ne pas relever. L'élégance et le métier. Parce que Jean-Claude Debard est d'abord un grand communicant et le premier...

...vendeur de la marque : patron, certes, acheteur bien sûr, mais d'abord vendeur. Audition.


"Bonjour, je suis Jean-Claude Debard !" Ces quelques mots qui ont rythmé les départs et les retours de vacances des automobilistes français sont bien prononcés par l'homme qui préside aux destinées de la marque Hyundai dans le pays. L'homme qui affiche sans complexe une progression de plus de 25 % annuel de volume de ventes depuis 1999. L'homme qui ne peut s'empêcher de vous vendre sa marque. C'est d'ailleurs bien ce qui caractérise la personne de Jean-Claude Debard, étroitement lié à la marque qu'il représente en France et fier du travail qu'il a accompli depuis qu'on lui en a confié les rênes et qu'on lui a donné toutes latitudes pour exercer ses fonctions. Parce que si Jean-Claude Debard ne renie pas les postes qu'il a occupés chez Renault ou chez Fiat et en montre même une certaine satisfaction, on sent bien qu'il vit la présidence de Hyundai comme un accomplissement et sa réussite comme une consécration : "J'ai 52 ans, je travaille depuis 1972, cela fait quand même un petit bout de temps. J'ai fait de grandes choses chez Renault et j'ai eu la chance d'avoir des patrons extraordinaires comme Loïc Caperan. J'ai monté pas mal de choses chez Fiat, dont ils se servent encore et dont je suis assez fier. J'ai l'impression d'avoir fait quelques belles choses dans ma carrière professionnelle. Maintenant, chez Hyundai, c'est complètement différent, c'est la cristallisation de tout ce qu'on a appris à un moment donné et dont on se dit : je vais le mettre en place si on me laisse faire. Et on m'a laissé faire." Il reconnaît sans peine d'ailleurs la chance qu'il a connue en arrivant à la tête du groupe en France. Refusant le terme de challenge qui contient selon lui la notion d'un échec possible, qu'il ne concevait pas, Jean-Claude Debard revient sur la situation de Hyundai en 1999. A cette date, en effet, la marque était encore distribuée par le groupe Sonauto qui avait aussi commercialisé les marques Porsche, Seat, Chrysler ou encore Mitsubishi avant que ces différents constructeurs ne reprennent en main leur distribution. Hyundai restait la dernière marque d'un portefeuille qui se révélait aussi prestigieux que dangereux. La notion de gamme se construisait sur les modèles les plus porteurs de chaque constructeur sur le marché, laissant forcément sur le bas côté des séries moins bien placées.




FOCUS

Jean-Claude Debard en 7 dates

1952 : Naissance non loin de Sochaux dans le berceau de Peugeot
1975 : Professeur de philosophie
1977 : Vendeur chez Renault Montbéliard
1988 : Responsable de la promotion et de la publicité France de Renault
1992 : Directeur des ventes Lancia France
1995 : Directeur des ventes spéciales groupes et utilitaires du groupe Fiat
1999 : Président de Hyundai France

"La démarche de Sonauto était intelligente à l'époque, précise Jean-Claude Debard, une démarche qui s'appuyait sur le fait que, n'étant pas constructeur, ils pouvaient proposer aux consommateurs français une gamme complète en faisant leur "petit" marché chez différents constructeurs." Seulement, avec ce système, quand il se vendait 30 000 Hyundai en Italie et en Espagne ou 35 000 en Allemagne, il ne s'en vendait que 6 000 en France. Le potentiel de développement rapide n'échappe pas alors à Jean-Claude Debard qui accepte la proposition des actionnaires repreneurs, une proposition assortie d'une totale liberté, tant du côté des actionnaires que de celui des Coréens. Cette liberté qu'il chérit et dont il sait être reconnaissant. Il en parle avec fougue, emphase, voire concupiscence : "Quand vous avez fait dans votre carrière de la publicité, de la gestion, du développement réseau, de l'animation, de la vente, du commerce, de la promotion, de la formation, du management, tout cela par tranche, et que vous avez été, à un moment de votre vie, un peu spécialiste de ceci, de cela, et d'autres choses encore, vous avez envie, enfin moi en tout cas, j'avais envie d'avoir un job me permettant de mettre en application tout ce que j'avais appris. Et là, vraiment, j'ai saisi cela comme une opportunité fantastique. Et puis vous vous dites : j'ai un réseau à développer, j'ai une marque à installer en termes de communication, j'ai un style à trouver en matière de développement, j'ai des hommes à manager, j'ai des contacts à avoir avec les usines pour acheter, pour déterminer mes prix, pour définir ma stratégie. En fait, quand vous êtes dans une boutique comme la mienne, vous faites du vrai marketing." Et de remercier aussi le constructeur coréen qui lui permet de réussir en écoutant ce que son responsable France lui réclame.


Pour ce grand communicant, ce bateleur haut de gamme, ce maître des mots qui sortent en cascade bien ordonnée, reconnaître que ses interlocuteurs lui prêtent une attention de fait est plus qu'un hommage, c'est l'affirmation d'un mode opératoire et aussi l'assurance d'un succès. En effet, Jean-Claude Debard, qui a fait plus que ses classes chez Renault et Fiat, sait la chance qu'il a de pouvoir choisir ses modèles en fonction de la demande du marché : "Les Coréens ont cette différence fondamentale par rapport aux secteurs français et européen que je connais, c'est qu'ils écoutent leurs clients. Et moi je suis pire, je ne suis pas dépendant de l'usine, je suis importateur pour mes clients. Et quand je leur dis par exemple que, chez moi, 95 % des véhicules de tel segment, je les vends en Diesel, ils n'essaient pas de m'imposer des 2,0 l essence ! De toute façon, j'ai encore la liberté d'achat. Cela veut dire que j'achète des Diesel parce que les Diesel se vendent. C'est une force parce que vous n'avez pas beaucoup d'outils pour vendre un produit qui ne se vend pas naturellement. Vous avez les remises, vous avez les prix cassés, vous avez des promos hard : en gros, vous n'avez que des outils qui permettent de détruire l'image du produit que vous vendez. Quand vous avez un produit qui plaît à la clientèle, que vous êtes au bon prix, vous évitez ces travers de promotions intempestives, de dégradation de l'image globale d'une marque et, même, à l'opposé, vous construisez l'image de marque de votre produit." De là une certaine propension à se poser en garant de la marque jusqu'à donner de sa personne en conduisant lui-même la publicité radio : "Aujourd'hui, nous progressons énormément parce que nous avons de bons produits, de bons prix, de bons équipements. Qu'est-ce qui nous manque ? Un peu d'image et de reconnaissance : nous avons donc un problème de notoriété. Je me suis alors dit qu'il fallait que j'explique aux gens pourquoi, dans un marché qui est en baisse, je progresse de 30 %. Et il fallait que j'argumente. Parce que donner un argument, c'est donner des caractéristiques techniques. Derrière un argument, il y a des conséquences commerciales. On apprend cela très jeune dans les écoles de marketing, et on oublie vite… Je n'ai pas oublié parce que mon métier est de faire du commerce. Et qui d'autre que moi pouvait avancer ces arguments ? Une speakerine ? Avec l'agence, nous sommes tombés d'accord pour dire que ce serait mieux si je le faisais moi-même." Et ça marche ! A tel point que les concessionnaires de la marque demandent à Jean-Claude Debard d'enregistrer des messages similaires et adaptés localement. Une tâche à laquelle il se plie volontiers, non pas parce que c'est agréable - parler en étant mesuré se révélant une véritable torture pour l'orateur -, mais parce que le concessionnaire bénéficie de toutes les attentions de Jean-Claude Debard : "Mon premier client, c'est le concessionnaire, je n'oublie jamais cela. Mon métier est simple : j'achète un produit au meilleur prix - enfin j'essaie -, le plus adapté possible à mon marché - enfin là encore j'essaie -, et je le vends au concessionnaire. Ensuite, j'ai une deuxième casquette qui est la communication, le marketing qui me permet d'aider le concessionnaire à vendre la voiture que je lui ai vendue à un client final. Et ce dans un seul et unique but, que le concessionnaire m'en achète une autre parce que je gagne ma vie quand il le fait. Je considère que, sans lui, je ne peux pas vendre de voitures." Et d'expliquer que les guerres avec le réseau sont stériles et qu'il vaut mieux avoir un engagement de concessionnaire qu'un contrat, une parole que des écrits, une écoute et une entente réciproques que des clauses, des process ou des règles. Une méthode frisant le paternalisme - il reconnaît avoir été élevé avec la méthode "Lamirault" - tutoyant l'esprit d'équipe, flirtant avec le rapport de confiance, honneur sur honneur, pas très loin de la vieille école, de celle qui met l'homme au centre des affaires et le vendeur sur le terrain. A-t-on dit que Jean-Claude Debard était avant tout un vendeur, un méga chef de pub ? Voilà qui est fait. Et si je n'étais pas venu en voiture à ce rendez-vous, nul doute que je roulerais aujourd'hui en Hyundai !


Hervé Daigueperce





FOCUS

Jean-Claude Debard réagit à propos de…

La délocalisation
Obligatoire, si on veut permettre la survie de certaines industries.


Les 35 heures
Evolution à court ou à moyen terme, et d'ailleurs cela a déjà commencé. Je ne connais rien de mieux que le travail. On doit pouvoir laisser tranquillement travailler plus ceux qui le veulent.


Le marché automobile
En France, il sera encore aux alentours de 2 millions pendant les quelques années à venir, quoi qu'on en dise. Mais c'est un marché qui continuera d'être porteur et qui doit être de plus en plus segmenté.


Le règlement européen
Une tempête dans un verre d'eau.


Le nouveau commissaire de la concurrence
La même chose que le règlement européen.


La dissociation vente et après-vente
Absolument impossible. Même si les produits ont tous considérablement évolué technologiquement, l'automobile reste un outil mécanique que seuls les professionnels de l'automobile peuvent réparer. Ce sont donc eux qui sont les mieux à même de le vendre.


Le profil du concessionnaire d'aujourd'hui
Toujours passionné, multimarquiste, avec une notoriété régionale.


Le regroupement des concessions dans les villes moyennes
Dans la mesure où les regroupements sont des regroupements multimarques et au service du client local, cela ne me gêne pas.


Le réchauffement de la planète
Je ne pense pas qu'il soit lié à l'automobile de manière générale. Avant de se préoccuper de l'interdiction de circuler en ville et de la pollution des véhicules automobiles, on ferait mieux de s'occuper des grosses pollutions industrielles.


Le monde des médias
Les médias sont importants pour le développement d'un produit, pour la bonne connaissance d'un produit et d'une marque. En tout cas, trop chers, toujours !


Le moteur hybride ?
Certainement. Un peu tôt. C'est une politique de riches. Tout dépendra des prix. Parce que c'est bien de vouloir moins polluer, mais si on doit en plus faire payer l'utilisateur, ou en tout cas enfermer le consommateur dans une législation restrictive, ça me paraît être une mauvaise chose.


La progression de 30 % de Hyundai depuis 1999 ?
Je pense que nous sommes sur la bonne voie, que rien n'est gagné et que l'important maintenant est de continuer. Nous avons atteint le premier seuil important, c'était 20 000, le 2e, ce sera 40 000, et comme nous sommes ambitieux, ce seuil-là, nous espérons le franchir avant la fin de l'année prochaine.


Le portrait que vous aimeriez lire dans le Journal de l'Automobile ?
Carlos Ghosn, ce serait intéressant. Peut-être aussi Detlev Von Platen de chez Porsche qui pourrait expliquer comment il fait pour vendre des Cayenne sur un marché où la vitesse est prohibée, où les grosses voitures qui consomment sont mal vues et les 4x4 censés être interdits en ville…

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