Gaël Lavaud, Gazelle Tech : "Réindustrialiser des territoires laissés à l'abandon"
Journal de l'Automobile. Vous nous aviez présenté un concept prometteur en janvier 2020, lors du salon Festival Automobile International à Paris. Que reste-t-il des idées avancées ?
Gaël Lavaud. A l'époque, nous avions effectivement présenté une voiture électrique en partenariat avec André Sassi afin de démontrer l'efficacité de la bâche solaire qui permettait de recharger les batteries. En dehors de ce système, l'essentiel a été conservé. Le véhicule a conservé son autonomie de 180 km grâce à un niveau de consommation inférieur de 40 % environ à la moyenne et la voiture peut être rechargée en 4 heures sur une prise domestique.
JA. Gazelle Tech met l'accent sur la proximité et les circuits d'approvisionnement courts. Des industriels français vous ont-ils accompagné ?
GL. Nous sommes totalement indépendants vis-à-vis des grands industriels. Nos volumes de production prévisionnels sont trop faibles pour les intéresser. En revanche, nous représentons une opportunité pour les entreprises évoluant dans les secteurs de la mini-voiture ou de l'agricole qui sont dimensionnés pour de la petite série.
JA. Pouvez-vous nous expliquer ce concept de "micro-usine" dévoilé tout récemment par Gazelle Tech ?
GL. En effet, maintenant que notre véhicule est au point, le modèle économique consistera à commercialiser l'outil industriel à partir de 2024. Il s'agit d'un système de containers qui hébergeront une micro-usine de fabrication d'une superficie d'une centaine de mètres carrés. Il suffira de la raccorder aux réseaux d'électricité et d'eau pour la rendre fonctionnelle.
JA. Et ensuite, que se passe-t-il ?
GL. Notre rôle est de donner à nos partenaires les moyens de travailler. Nous fournirons donc la micro-usine, les outils et la formation. D'ailleurs, nous discutons avec l'Afpa pour être accompagner dans ce domaine par une délégation de prestation. Il y a un intérêt à choisir la solution des containers car l'environnement est normalisé et la prise en main plus facile. Les containers peuvent être déplacés en fonction des repositionnements stratégiques.
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JA. A qui Gazelle Tech souhaite proposer cette solution ?
GL. A tous les professionnels du secteur automobile. Les garagistes, les concessionnaires, les industriels mais aussi d'autres profils qui veulent se lancer dans les véhicules électriques. L'investissement de départ avoisinera les 250 000 euros, soit à peine l'équivalent d'une belle cabine de peinture.
JA. Quelle est la cadence de production potentielle ?
GL. Avec 10 salariés productifs, chaque micro-usine standard peut sortir 200 voitures par an. Nos partenaires pourront donc jouer sur le levier de la ressource humaine pour monter en régime. Il faut savoir que la Gazelle Tech est simple à assembler. Au lieu d'avoir 300 éléments comme sur un châssis classique, notre concept tient en 10 pièces. Le process veut également qu'un employé réalise toutes les étapes. Ainsi, il n'y pas de tâche répétitive, ce qui préserve la santé de chacun, et en plus ils ont le sentiment de voir naître chaque unité.
En France, il n'y a pas de culture du capital risque dans le domaine industriel
JA. Après la production vient l'étape de la distribution des véhicules. Qui en aura la charge ?
GL. Les partenaires eux-mêmes. Ils produisent et commercialisent. Nous ne leur vendons que les pièces pour l'assemblage et ensuite tout leur appartient. Nous estimons que les distributeurs pourront alors dégager une marge nette de 10 %, ce dont ils seront pleinement satisfaits puisque leurs métiers historiques sont de moins en moins rentables comme le démontrent les études récentes.
JA. En ce qui concerne le client final, quelle est la cible ?
GL. La voiture sera vendue 20 000 euros, ce qui en fera une rivale de la Dacia Spring puisqu'elle dispose de 5 vraies places et d'un grand coffre. Nous pensons qu'elle sera une parfaite seconde voiture dans un foyer qui veut avoir un véhicule électrique utilisable au quotidien. La Gazelle Tech pourra aussi s'intégrer dans les flottes professionnelles au sein des entreprises et des collectivités locales. A l'avenir, nous pourrions probablement ajouter une déclinaison utilitaire.
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JA. Au sujet des entreprises, quel est votre objectif ?
GL. Nous souhaitons réindustrialiser des territoires laissés à l'abandon pour générer des emplois en aidant des professionnels locaux. Nos ambitions portent sur un maillage de 10 à 20 usines en France, puis sur une exportation du concept vers les pays limitrophes et les pays en voie de développement.
JA. Il y a donc une dimension sociétale à votre projet. Cela déclenche-t-il les aides nécessaires ?
GL. La région Aquitaine, Bpifrance, Climate-KIC et d'autres structures ont supporté notre projet. La pandémie et maintenant le conflit européen ont montré l'importance de relocaliser des usines et cela joue en notre faveur, si l'on peut dire. Le parcours d'obtention des aides reste cependant difficile. Nous verrons si les annonces du gouvernement débloqueront la situation car, en France, il n'y a pas de culture du capital risque dans le domaine industriel, contrairement à l'Allemagne et à l'Angleterre où les fonds n'hésitent pas à soutenir de telles idées.
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