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Constructeurs

Fabrice Cambolive, Renault : "Mobilize s’imbrique parfaitement dans la stratégie de Renault"

Publié le 18 octobre 2021

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
Fort d’un parcours très international, Fabrice Cambolive est directeur des ventes et des opérations de Renault depuis janvier 2021. Il met aujourd’hui en musique le plan Renaulution pour que le constructeur réussisse notamment sa transition électrique.
Fabrice Cambolive, directeur des ventes et des opérations de la marque Renault, devant la nouvelle Megane E-Tech Electric.

Journal de l’Automobile : Comment et en quoi le plan Renaulution a‑t‑il changé votre façon de travailler ?

 

Fabrice Cambolive : Avec le plan Renaulution, nous avons une feuille de route pour la marque Renault avec des priorités très claires. La première est de revenir sur le segment C, dans le cœur du marché, avec l’objectif d’augmenter le chiffre d’affaires unitaire. La deuxième est de travailler et d’utiliser notre héritage, notamment dans l’électrique où nous avons déjà 10 ans d’expérience avec la Zoe et 400 000 véhicules électriques sur la route. J’étais d’ailleurs, il y a quelques jours, avec les équipes après‑vente qui ont une connaissance fine des usages de nos clients. Des éléments qui doivent être mis au service du lancement de notre future gamme électrique, à commencer par celui de la Megane E‑Tech Electric. Enfin, le troisième volet du plan sur la partie ventes et opérations concerne l’in­ternational. Nous devons savoir "encap­suler" les risques, c’est‑à‑dire travailler à la fois sur le plan produits, sur sa localisa­tion et sur notre capacité à être très agiles face aux variations économiques et no­tamment la parité des monnaies.

 

 

J.A. : Quels sont les leviers sur lesquels vous agis­sez pour améliorer la qualité des ventes ?

 

F.C. : Nous nous sommes recentrés sur les ventes aux particuliers, mais nous faisons aussi un gros travail sur la diversité des gammes de la marque Renault, en Europe entre autres. Dans cette démarche d’amélioration de nos prix, nous ne visons pas simplement une augmentation du chiffre d’affaires unitaire, mais aussi une meilleure uti­lisation des moyens commerciaux et un accompagnement des clients sur les nouveaux modes de financement par exemple. Le mot qualité doit aussi s’ap­pliquer aux produits, aux services et à la satisfaction de nos clients.

 

 

J.A. : Les résultats de Renault au pre­mier semestre 2021 sont repas­sés dans le vert. Faut‑il y voir les premiers résultats de cette stratégie ?

 

F.C. : Effectivement, nos résultats sont meilleurs notamment sous l’effet de l’amélioration de notre net pricing. Mais il s’agit d’un travail continu, d’un état d’esprit qui doit amener chaque filiale, chaque pays, à avoir une atten­tion toute particulière sur l’exécution des opérations. Dans cette logique, il n’y a pas de mauvais canal de vente mais cela demande de trouver un bon équilibre entre les différents ca­naux. Pour cela, le produit doit être au cœur des décisions des actions com­merciales des filiales. Elles doivent associer à un produit le bon canal de vente, le bon stock, la bonne diversité et les bons compléments avec le finan­cement et les services. C’est un travail constant mais qui a nécessité quelques ruptures fortes.

 

Le produit doit être au cœur des décisions des actions com­merciales des filiales

 

J.A. : Pourriez‑vous nous donner des exemples de ruptures ?

 

F.C. : Je vais vous en donner deux. Le premier concerne la diversité des gammes Renault en Europe. D’ici la fin de l’année, notre gamme centrale Clio‑Captur va voir sa diversité être réduite de moitié. C’est un travail de rupture fait avec tous les pays pour bien comprendre les besoins, par exemple sur l’évolution des mix énergétiques, afin de faire des choix et ainsi aboutir à une gamme de référence en Europe. Le deuxième exemple est d’inciter et d’ac­compagner les pays à avoir un maxi­mum de moyens dédiés aux finance­ments et à leurs évolutions, en offrant des solutions plus séduisantes comme, par exemple, les abonnements que l’on voit se développer en Europe. Enfin, ces ruptures doivent également être accompagnées par les produits. Il y aura bientôt la Megane E‑Tech Elec­tric, mais l’Arkana s’illustre déjà sur le segment C en portant la technologie hybride de Renault.

 

 

J.A. : La marque Renault souhaite que 90 % de ses ventes en 2030 soient réalisées avec des véhicules électriques. En tant que "commerçant", comment appréhendez‑vous cet objectif ?

 

F.C. : L’année 2030 est à la fois proche et lointaine, il faut savoir se projeter. Je pense qu’il y a encore deux ou trois ans en arrière, cet objectif aurait pu être dif­ficile à réaliser. Mais depuis le début de l’année, il y a un vrai changement dans l’état d’esprit des clients qui font de plus en plus confiance à cette technologie. 40 % se disent prêts aujourd’hui à acheter un véhicule électrique. Plus largement, les modèles électrifiés (BEV et PHEV) représentent une vente sur cinq en Europe et même une sur quatre pour Renault. Le mar­ché a doublé l’année dernière et, à la fin du premier semestre, ces modèles électrifiés ont déjà totalisé plus de 2,5 millions d’unités. Dans ce contexte de changement et de montée en puis­sance, notre objectif est réaliste.

 

 

J.A. : L’engouement semble réel, mais n’y a‑t‑il pas un problème de prix pour convertir le plus grand nombre ?

 

F.C. : Je ne pense pas qu’il faille faire du prix des véhicules électriques un élément central. Ce sera la même chose avec les futurs modèles thermiques qui devront répondre aux nouvelles normes de dépollution. L’enjeu, pour l’électrique, est plus de lever les freins des clients en Europe. La Megane E‑Tech Electric apporte des réponses pertinentes dans cette optique et sur plusieurs points à la fois. Au chapitre du design, elle se veut moderne et offre un rapport compacité/habitabilité qui est largement au‑dessus du segment concerné. Au sujet de l’autonomie, elle permet d’envisager des déplacements, dans la plupart des pays européens, avec des temps d’arrêt qui se rapprochent de ceux du véhicule thermique. Enfin, elle fait un saut dans la modernité sur la partie connectivité. La Megane E‑Tech Electric est le véhicule qui va permettre de faire cette bascule pour des raisons orientées vers les clients.

 

 

J.A. : Hors d’Europe, Renault ne vend pas les mêmes produits. Le plan Renaulution y a‑t‑il le même impact ?

 

F.C. : Le plan Renaulution a un vo­let international qui porte, là aussi, sur la présence de la marque sur de nouveaux segments, pour un chiffre d’affaires plus élevé. Mais, je le répète, notre déploiement à l’international passe par la maîtrise des coûts, du risque et par une stratégie industrielle de localisation. Quant à l’électrique à l’international, nous allons déployer, dans un premier temps, notre tech­nologie hybride adaptée à la gamme internationale. Ensuite, d’une manière progressive, viendra le temps du 100 % électrique. Dans tous les cas, ce que nous faisons en Europe aujourd’hui nous servira sur les autres marchés.

 

 

J.A. : Comment jugez‑vous la performance commerciale de la marque Renault au premier semestre 2021 ?

 

F.C. : En revenant à une politique plus vertueuse sur l’ensemble des canaux de vente, nous progressons aussi bien sur le marché VP que VUL. Avec une mention spéciale pour le VUL, avec + 49 %, malgré des renouvellements importants comme celui du Kangoo. Ces résultats confirment également l’empreinte mondiale de Renault sur ce marché. Au sujet des VP, où il y a eu des variations importantes selon les marchés, notre croissance de 12 % s’est faite sur les canaux les plus rentables.

 

Nous avons fait le choix du digital au travers de notre ré­seau de distribution

 

J.A. : En France, Renault teste des concepts de représentation pour réduire les coûts de distribution. Qu’en est‑il à l’international ?

 

F.C. : Comme en Europe, nous tes­tons de nouveaux formats phygi­taux. Cependant, à l’international, nous n’avons pas le même niveau de capillarité et il est donc important d’essayer de nouveaux modes de dis­tribution tournés vers une présence locale qui ne passe pas forcément par une représentation traditionnelle. Nous travaillons ainsi sur de nouvelles choses en Russie ou en Inde.

 

 

J.A. : La vente en ligne fait‑elle partie des éléments testés ?

 

F.C. : Avant tout, il faut déjà s’entendre sur la définition de la vente en ligne, c’est‑à‑dire qui facture finalement le véhicule au client. Nous avons fait le choix du digital au travers de notre ré­seau de distribution, mais cela ne nous empêche pas de travailler sur le pro­cessus de ventes digitales comme lors du lancement du Kwid au Brésil, où le paiement pouvait être finalisé en ligne. Une opération ponctuelle qui a eu un grand succès.

 

 

J.A. : Toujours dans ce domaine du di­gital, Renault vient d’entrer au ca­pital de la plateforme VO Heycar. Est‑ce une bonne nouvelle pour vous ?

 

F.C. : Je suis très heureux que Re­nault s’engage avec Heycar. Dans un monde où la frontière entre le VN et le VO est de plus en plus ténue, avec les nouveaux services de financement ou location, Heycar va donner plus de vi­sibilité aux VO de nos réseaux. Ce sera un accélérateur.

 

 

J.A. : Depuis le plan Renaulution, il y a une nouvelle marque à vos côtés : Mobilize. Comment est‑ce que Renault va aider Mobilize ?

 

F.C. : La question est plutôt : comment est‑ce que Mobilize va aider Renault à développer ses ventes ? Au‑delà de ses offres spécifiques, je compte sur Mobilize pour nous aider à faire cette rupture sur le marché de l’électrique, notamment en apportant des produits innovants sur le mode de consomma­tion automobile, mais aussi une large palette de services liés à la recharge par exemple. Mobilize aura aussi un rôle majeur dans la maîtrise des va­leurs résiduelles des véhicules avec le recyclage des batteries. Cette nouvelle marque s’imbrique parfaitement dans la stratégie de Renault. Notre rôle de manager est d’accentuer le dialogue entre les personnes du business tradi­tionnel de Renault et celles qui pro­posent finalement une vision plus glo­bale de la mobilité.

 

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