Entretien avec Thomas W. Lasorda, CEO Chrysler Group
...d'une politique commerciale plus ciblée.
Journal de l'Automobile. Comment se porte le groupe Chrysler aujourd'hui ? Les nouvelles des Big Three ne sont pas vraiment rassurantes ?
Thomas W. Lasorda. Chrysler a connu incontestablement des problèmes financiers en 2006. Cependant, les problèmes des Big Three ne peuvent pas être envisagés de la même manière, déjà pour une question d'échelle. GM a produit 9 millions de véhicules, Ford, 6 millions quand le groupe Chrysler en produit 2,7 millions. Tout le monde nous compare à GM et Ford, mais nous sommes bien différents. Un point cependant nous réunit, à différentes échelles, les problèmes d'assurance maladie, les coûts sociaux et certains héritages du passé. Nous allons cependant engager une restructuration que nous annoncerons fin février.
JA. Comment expliquez-vous que Toyota ait réussi à vous dépasser sur le territoire américain ?
T.W.L. Toyota est un redoutable concurrent et le groupe Chrysler a besoin de retrouver un nouveau souffle, de relancer les ventes et les profits, de repartir sur une croissance rentable. Toyota est un grand acteur mondial qui a fait 9 millions de véhicules alors que nous en faisons 2,7 millions. Toutefois, nous allons nous battre pour recouvrer une bonne place en nous appuyant sur les nouveaux produits.
JA. Vous venez de prendre en plus de vos fonctions de président, celles de directeur des ventes pour le marché nord américain, comment comptez-vous redynamiser le réseau ?
T.W.L. C'est justement l'objectif de ma rencontre avec les distributeurs prévue avant la fin du mois de janvier. Je dois reconnaître qu'ils ont été déçus l'an dernier, la guerre des prix et la disponibilité limitée des nouveaux produits ont touché leur marge. En 2007, nous voulons nous concentrer sur leur profitabilité, sur leurs marges. Nous avons tout intérêt à reconstruire une relation de confiance avec eux.
JA. Allez-vous vous désengager de la guerre des prix qui sévit sur le marché américain ?
T.W.L. Cela fait seulement 4 mois que j'ai pris ce poste et que j'apprends tout ce qui touche aux ventes et au marketing. Il est trop tôt pour dire si nous allons procéder à des augmentations de prix ou faire des opérations de promotion. Nous travaillons actuellement avec les distributeurs des différentes régions du monde et des huit régions américaines pour trouver les bons programmes, pour faire quasiment du sur-mesure. Il ne s'agit pas de faire de micro-management mais de faire en sorte qu'on soit plus compétitif partout où nous sommes et cela ne peut se faire qu'en travaillant tous ensemble, distributeurs et équipes de ventes et marketing du siège.
JA. Adaptez-vous vos produits aux marchés, et votre stratégie produits vise-t-elle le retour à la croissance et aux profits ?
T.W.L. Les profits résultent des bons produits. A l'international (hors marché américain), nos ventes ont progressé de 15 % et nous allons nous appuyer sur ces bons résultats pour construire notre stratégie à l'international, nous en servir comme base de départ pour étendre les process sur d'autres régions du monde. Sur un autre plan, devons-nous concevoir un design, des produits pour le marché européen qui soient différents du marché américain ? Nous y réfléchissons et étudions ce dossier très important pour nous. Je ne crois pas qu'on puisse transposer totalement le design américain sur le marché européen. Il se pourrait que nous soyons amenés à être beaucoup plus flexibles.
JA. Quelle est votre politique environnementale, votre stratégie en termes d'énergie ?
T.W.L. Travailler sur l'environnement commence par travailler sur l'économie de carburant. Et c'est notre priorité. Nous lançons pour la 1re fois un Diesel aux Etats-Unis sur le Grand Cherokee. Au prochain semestre, nous sortons notre 1er hybride sur le SUV Durango. Nous avons également développé un nouveau moteur pour les pick-up qui réduit drastiquement les émissions de CO2. Et sur le sol américain, nous testons des produits hybrides électriques (Dodge Sprinter). Nous avons en outre avancé sur le programme Bluetec, une technologie Diesel propre qui s'appliquera dès 2008 sur certains de nos produits.
JA. La crise énergétique a-t-elle accéléré votre politique en ce domaine ?
T.W.L. Notre stratégie à l'avenir consiste à se tourner vers de plus petites voitures, des voitures moyennes qui consomment moins. La hausse brutale du prix des carburants que nous avons subie a mis en exergue le fait que nous n'avions pas les produits adaptés pour répondre à la crise et à grande mutation du marché. Nous n'étions pas prêts. La Sebring était en fin de vie, donc peu attractive, et nous n'avions en petits SUV que la Jeep Compass et la Jeep Patriot. Nos futurs produits s'inscrivent totalement, désormais, dans cette politique.
JA. Quels sont les atouts du groupe Chrysler ?
T.W.L. Jeep bénéficie d'une forte notoriété, d'une excellente image de marque liée à l'aventure, aux grands espaces. Depuis 50 ans, l'image de Jeep est présente partout dans le monde. Dodge est plutôt réputée pour la qualité de ses pick-up, leur robustesse, leur "agressivité". Quant à l'image de Chrysler, on parlera plutôt de raffinement, de premium. Nous ne devons pas nous écarter de cette image et fabriquer des produits qui lui correspondent.
JA. Quelle est votre définition de la qualité et est-elle la même partout ?
T.W.L. Tout d'abord la qualité doit être impeccable partout dans le monde. Les gens recherchent la perfection dans l'industrie. Les européens ont toujours été plus critiques dans ce domaine vis-à-vis des modèles et nous assistons au même phénomène depuis quelques années aux Etats-Unis. La notion de qualité s'articule toujours autour de deux éléments : premièrement, pourquoi ne sommes-nous pas au niveau et deuxièmement, comment améliorer la perception de la qualité. Le nouveau Chrysler Town & Country dévoilé au Salon de Detroit est un bon exemple de ce vers quoi on tend, du travail accompli tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du véhicule.
JA. Pouvez-vous assurer à votre clientèle une garantie de services de qualité partout dans le monde ?
T.W.L. C'est une question délicate parce que les exigences et les standards en ce domaine sont très différents en fonction des pays. Ne serait-ce que sur la question de la pièce. Nous voulons être sûrs que ce soit bien nos pièces qui sont installées dans nos voitures et non pas d'autres pièces car cela aurait un impact au niveau de la garantie constructeur. Sur le plan de l'électronique embarquée, l'architecture sera la même en Chine ou en Europe, en revanche, les codes et les logiciels devront être adaptés à chaque pays.
JA. Pensez-vous que les véhicules devraient comporter moins d'électronique ?
T.W.L. Nous aimerions bien qu'il y ait moins d'électronique mais cela n'est pas possible car les consommateurs veulent toujours davantage d'équipements. Nous ne sommes pas prêts de réduire la voilure en ce domaine.
Propos recueillis par
Hervé Daigueperce
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