Entretien avec Philippe Gaultier, directeur de la formation commerciale et après-vente de Toyota France
...exclusivement centralisé au siège de Vaucresson. Revue de détails avec Philippe Gaultier
Journal de l'Automobile. En préambule, confirmez-vous votre volonté globalisante de réunir autant que faire se peut les volets vente et après-vente dans vos formations ?
Philippe Gaultier. Tout à fait. Nous respectons naturellement les spécificités fondamentales de chacun de ces deux domaines, mais nous souhaitons les faire dialoguer entre eux. Par exemple, les responsables après-vente du réseau sont invités à participer aux présentations produits. Nous sommes persuadés que le partage de l'information est un gage d'efficacité et de meilleure compréhension de l'entreprise. En outre, comme nos statistiques en témoignent, nous veillons à respecter l'équilibre entre vente et après vente. (voir encadré "En chiffres")
JA. Au chapitre des formations vente, au-delà du traditionnel recours à des prestataires extérieurs, comme le GNFA ou des cabinets par exemple, vous avez créé une équipe de formateurs vente, pourquoi ?
PG. Tout d'abord, il convient de préciser qu'à l'heure actuelle, nous n'avons encore que partiellement créé cette équipe. Pourquoi une telle équipe en interne ? Tout simplement parce qu'on est jamais si bien servi que par soi-même !
JA. Par ailleurs, le principe des écoles de vente semble désormais acquis dans votre fonctionnement, comptez-vous le développer plus intensément ?
PG. Nous venons effectivement d'ouvrir notre sixième école de vente Toyota et, en moyenne, nous en ouvrons dorénavant deux par an. Au total, on recense plus de 70 vendeurs formés par le bais de ces écoles dans le réseau. C'est un résultat très satisfaisant. D'autant que le taux de réussite aux examens est supérieur à 90 %, que nous ne perdons aucun candidat en cours de route, et que la fidélité de ces jeunes est très forte vis-à-vis du réseau et donc de la marque. Cependant, nous ne cherchons pas à ouvrir des écoles de vente pour ouvrir des écoles de vente. Nous répondons aux besoins identifiés du réseau. Donc nous n'intensifierons le rythme des ouvertures que si le besoin s'en manifeste.
JA.Comment expliquez-vous ces très bons résultats, supérieurs à la moyenne de ceux des autres constructeurs ?
PG. C'est vrai que nous obtenons des résultats meilleurs que ceux de la plupart de nos concurrents. Et je pense que cela tient surtout au soin que nous portons au suivi des jeunes en formation lorsqu'ils sont en concession. Chez nous, les tuteurs ont un rôle fondamental et les périodes en entreprise sont très encadrées.
JA.Quel est aujourd'hui votre ratio entre candidats et sélectionnés lorsque vous préparez l'ouverture d'une école ?
PG. Nous recevons environ 1 200 candidatures par campagne. A l'issue de la première phase de filtre, il reste en moyenne 150 dossiers qualifiés et sélectionnés. Lors de la phase des entretiens, il y a une déperdition naturelle et nous recevons in fine environ 100 candidats. Parmi lesquels nous choisissons les 10 ou 12 profils qui nous semblent les plus idoines. Toutefois, je tiens à préciser que c'est un processus de sélection classique et que nous ne fonctionnons pas du tout selon un schéma de concours. Même si les chiffres prouvent le niveau très élevé de nos écoles de vente. Par ailleurs, vu qu'on nous promettait 400 candidatures au départ et que nous en sommes en fait à 1 200, cela démontre la qualité de nos campagnes de recrutement. Nous savons nous rendre attractifs.
JA. Recevez-vous toujours une proportion significatives de candidatures féminines ?
PG. Absolument. Nous avons environ 30 % de candidatures de jeunes filles ! Ainsi, dans la dernière école, il y avait deux filles en formation. Et c'est d'ailleurs une fille qui a obtenu la seule mention "très bien" que nous avons décernée. C'est un phénomène difficile à expliquer, eu égard aux statistiques générales du secteur automobile, mais nous nous en réjouissons.
JA. Quels sont les principaux critères de votre grille de sélection, étant entendu que vous avez coutume de privilégier la personnalité à des items fixes, comme le niveau d'études ou la culture générale ?
PG. Déjà, il faut bien comprendre que nous ne jugeons pas les capacités des candidats à vendre ou à ne pas vendre lors des sélections. Ce serait le meilleur moyen de nous tromper. Et nous expliquons bien cela aux concessionnaires. Nous privilégions effectivement la personnalité du candidat et ses aptitudes comportementales. Attention, cela n'a rien de totalement subjectif et il faut préciser que l'entretien est réalisé par trois personnes
FOCUSEn chiffres |
JA. Envisagez-vous de décentraliser vos formations ou restez-vous sceptique par rapport à cette solution ?
PG. Je pense que la question de la décentralisation des formations est un faux débat. Fondamentalement, ça n'a pas de sens. Par exemple, si vous choisissez Toulouse au lieu de Paris pour une formation, vous aurez toujours des gens venant de Nîmes ou de Bordeaux. L'argument du gain de temps devient alors moins évident… Idem pour l'argument économique. Par ailleurs, si vous formez des gens dans leur entreprise, vous pouvez être sûrs que cela ne sera pas efficace. Car quand on est physiquement dans son entreprise, on a la tête à son business, pas à autre chose. En outre, la centralisation à Paris a du bon dans la mesure où elle fait jouer l'attrait du siège. Toutefois, le principe de la décentralisation peut prendre d'autres formes, plus pertinentes, et c'est une voie sur laquelle nous travaillons avec la formation à distance.
JA. Parvenez-vous à mettre en place des itinéraires de carrière et à identifier des profils évolutifs au niveau du siège ou cela reste-t-il le pré carré des concessionnaires ?
PG. C'est naturellement l'apanage des concessionnaires. Mais nous nous efforçons de les aider avec des formations spécifiques et du coaching. Par ce biais, nous pouvons être force de proposition.
JA. Au final, diriez-vous qu'il y a une idiosyncrasie du vendeur Toyota ?
PG. Je ne sais pas si on peut aller jusque là… En revanche, il est clair que nos vendeurs sont fiers de travailler pour la marque et qu'ils sont attachés à Toyota. Ils ont en permanence le souci de la qualité et ils peuvent l'exprimer pleinement car ils réalisent avant tout des ventes à particuliers. C'est de la vente active de tous les jours, pas des croix dans un cahier…
JA. Passons au chapitre après-vente de la formation, à l'heure de la complexification des voitures et des problèmes de fidélisation, parvenez-vous à planifier vos formations ou gérez-vous les demandes du réseau par à-coups ?
PG. Nous nous basons naturellement sur un plan de formation annuel, mais il est vrai que nous prévoyons quelques plages plus souples au cours de l'année pour être en mesure de faire éventuellement face à des demandes ponctuelles et urgentes.
JA. Quelles sont vos priorités sur les axes Technique et Services ?
PG. Dans les deux cas, nous privilégions la satisfaction du client final. Même si les enjeux peuvent être différents dans ces deux domaines, nous n'entrons pas dans le jeu dangereux de la différenciation des objectifs.
JA. Votre module MDA vous a-t-il finalement donné satisfaction ?
PG. C'est vrai que les débuts de ce module ont été très délicats, mais ils fonctionne parfaitement bien aujourd'hui. Nous avons donc eu raison de ne pas faire machine arrière.
JA. D'une manière générale, pensez-vous l'après-vente en termes de "techniciens en gants blancs" ou plutôt en "bons mécanos" ?
PG. Les deux ! Le bon fonctionnement d'un réseau nécessite des compétences multiples et variées. Avec un besoin de plus en plus fort sur l'électronique, le diagnostic et l'électricité. Sans oublier nos spécialités "hybrides" et "électricité de plus de 100 watts". D'ailleurs, vu l'avenir de l'hybride, on aura besoin de technicien en gants de cuir plutôt qu'en gants blancs ! (rires)
JA. Au niveau de la carrosserie, privilégiez-vous la réparation ou le changement de pièce dans vos formations ?
PG. Nous privilégions le remplacement des pièces, mais des petites pièces, comme les pattes d'optiques de phares par exemple. En fait, c'est une problématique développée à l'échelle du groupe
FOCUSPodium des formations les plus suivies "vente" |
JA. Au final, quel est votre taux de turn-over au sein du personnel en après-vente ?
Aujourd'hui, il est l'ordre de 15 %.
De quelle manière le Kaisen est-il intégré dans vos modules de formation hors usines ?
PG. Il est intégré de manière systématique ! Il est présent dans toutes nos formations et nous avons de surcroît des modules qui lui sont spécifiquement dédiés. Par exemple, pour l'après-vente, nous avons un module qui part d'une situation initiale où la personne est en présence de 9 casiers de pièces de rechange plein à ras-bord. Et l'exercice consiste à aboutir in fine à 4 casiers bien ordonnancés. Pour les opérations d'entretien, nous lancerons aussi bientôt une formation visant à réduire le nombre de pas et de déplacements parasites du technicien.
JA. Vous évoquiez tout à l'heure la formation à distance, où en sont vos projets liés au learning management system sur lequel vous misiez beaucoup ?
PG. Le système est opérationnel, il fonctionne depuis le mois d'octobre. Et nous n'avons pas rencontré de bug informatique, ce qui est assez remarquable. Nous centrons désormais nos efforts sur la maintenance du système. Bref, dans ce domaine, nous débutons mais nous parvenons déjà à alléger le poids de certains cours en classe. Avec un réel gain de temps et une meilleure personnalisation. Le learning management system constitue vraiment un outil du futur ! Cela prendra du temps pour vaincre certaines réticences, mais il faudra prendre ce temps car c'est le sens de l'histoire. D'autant que c'est aussi un précieux outil de gestion des ressources humaines pour les concessionnaires.
JA. Par ailleurs, où en est le déploiement du programme T-Tep en France ?
PG. Nous nous appuyons aujourd'hui sur 11 écoles T-Tep en France. Il y a eu trois ouvertures en 2005 et nous prévoyons le même nombre d'ouvertures cette année. En outre, nous allons prochainement lancer un concours interne entre ces différentes écoles. A l'échelle mondiale, on recense environ 450 écoles T-tep.
JA. Pour conclure, pouvez-vous nous dire si vous avez réussi à percer à l'échelle de l'influent microcosme des grandes écoles en France, puisque c'était l'un de vos objectifs il y a encore deux ans ?
PG. Oui, nous recueillons les fruits de notre travail. Ainsi, nous travaillons avec l'Estaca pour un cours sur les motorisations hybrides intégré au cursus de leurs ingénieurs. Et d'autres projets sont en cours, notamment avec Sciences Po, sur le thème de l'organisation RH.
Propos recueillis
par Alexandre Guillet
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