Entretien avec Didier Maitret, Président de BMW France.
...Journal de l'Automobile. Comment se porte le groupe BMW en France après les huit premiers mois de l'année ?
Didier Maitret. BMW a des ventes en léger recul sur un marché en baisse. Nous avons suivi l'évolution de ce dernier. Mais pour la seconde partie de l'année nous pouvons compter sur le face-lift du X3, le coupé Série 3, le Z4 coupé et des nouveaux moteurs. Cela va créer du trafic en concessions et nous pouvons nous attendre à finir l'année en légère progression par rapport à 2005. J'avais annoncé en début d'année en volume BMW de 41 500 unités, nous pensons qu'il s'agit toujours d'un objectif que nous pouvons atteindre mais nous n'irons sans doute pas au-delà.
JA. Pourquoi pas au-delà ?
DM. Car sans être mauvais, le marché n'est pas facile. Dans quelle mesure est-il artificiellement gonflé ? Nous ne savons pas, mais il s'agit aujourd'hui d'un marché qui est de plus en plus l'objet de promotions, d'offres en tous genres où les remises fleurissent.
JA. En tant que marque Premium, êtes-vous également touchés par ce phénomène ?
DM. Il est clair que BMW a décidé, pour l'instant, de ne pas suivre. Nous ne vendons pas certaines voitures en France, car nous ne voulons pas entrer dans le marché de la remise et de la promotion. D'autant que les voitures sont vendues sans problème sur d'autres marchés. C'est une chance. toutefois, cette position ne veut pas dire que nous ne montons pas des opérations avec le réseau. Nous aidons notre réseau mais nous ne voulons pas que cela devienne une drogue comme ça l'a été dans de nombreux cas. Quoi qu'il en soit, 2006 sera pour BMW une année tout à fait correcte au niveau des ventes ainsi qu'au niveau financier.
JA. Votre réseau restera-t-il l'un des plus rentables ?
DM. Pour lui aussi, ce sera une année correcte sans toutefois être la meilleure. Mais je pense qu'il restera encore parmi les meilleurs en matière de rentabilité. Elle devrait vraisemblablement se situer largement au-dessus de 1,5 %. Ensuite, je tiens à leur rendre hommage. Ils ont profondément assaini leur VO en rendant cette activité profitable même avec les investissements que cela a demandé. De plus, ils ont également beaucoup investi ces dernières années, notamment dans des locaux, les systèmes, les process, des sommes dont l'amortissement coûte et fait baisser la rentabilité. Enfin, la dernière raison qui peut également expliquer une légère baisse de rentabilité, et à la limite tant mieux, c'est que les concessionnaires font des ponctions substantielles dans les affaires pour les holdings. De plus, leurs frais fixes ne cessent d'augmenter, car le chauffage, le pétrole ou les assurances augmentent et ils ne répercutent pas forcément l'ensemble de ces charges sur les prix.
JA. Le recul de Mini peut également expliquer cette érosion ?
DM. Une légère baisse que nous avions d'ailleurs prévue. Cependant, Mini va très très bien. L'arrivée de la nouvelle Mini, ici à Paris, nous a obligés en janvier et en août dernier à stopper la production pour préparer cette génération. Nous avons alors perdu au moins un mois de production et, par conséquence, cette production perdue sont des Mini que les concessionnaires n'ont pu livrer. Il est donc logique que le volume de Mini soit légèrement inférieur, mais les ventes réalisées ont été faites dans des conditions excellentes car il n'y a aucune remise sur les Mini. Et nous en manquons ! Aujourd'hui, il doit rester en stock environ 200 à 220 Mini de la génération actuelle alors que la nouvelle arrive mi-novembre. Cependant, 2 000 Mini de moins par rapport à l'année dernière cela se voit dans un compte d'exploitation. Mais les concessionnaires ne sont pas du tout inquiets. En 2006, nous livrerons 10 000 Mini maximum car nous aurons assez peu de nouvelles. En revanche, en 2007, nous serons vraisemblablement en mesure de leur livrer entre 13 et 14 000 unités sur l'année. Un nouveau record. Mais il faut rester vigilant car le marché bouge beaucoup. Mais notre situation est enviable. Il n'y a qu'à voir le nombre d'investisseurs qui demandent à avoir le panneau BMW. Même sur des villes comme Paris, on trouve des investisseurs qui sont prêts à investir pour les marques BMW et Mini.
JA. Alors allez-vous vendre votre succursale parisienne ?
DM. Non, sûrement pas ! Nous allons même construire une annexe de cette succursale à Vélizy. Elle ouvrira ses portes en 2009.
JA. Allez-vous faire comme Mercedes qui contrôle 30 % de sa distribution grâce à ses succursales ?
DM. Non. Lorsque nous avons ouvert Paris Zola, c'était simplement pour avoir un très beau hall et un quick service. Aujourd'hui, nous sommes quasiment à pleine capacité. De plus, pour développer une activité occasion ainsi qu'une activité carrosserie, il nous faut plus de place et ce n'est pas possible à Paris. Nous avons trouvé un terrain près de l'A86 pour construire cette succursale qui aura une vocation VO et après-vente.
JA. Le 31 décembre prochain, vous allez passer le relais après 20 années à la tête de BMW France. Un pincement au cœur ?
DM. On ne quitte pas une entreprise comme BMW France ou le groupe BMW, puisque je suis au comité de direction comme senior vice président depuis onze ans et demi, en se disant : "Chic c'est fini depuis le temps que j'attendais cela !" Mais mon départ n'est pas une surprise. Je suis tout simplement les règles du groupe qui s'appliquent à tout le monde. Je savais depuis longtemps que j'allais partir. Il y a deux ans et demi, Munich m'a demandé de partir un peu plus tard, en l'occurrence fin 2006, afin que mon successeur soit formé dans l'intervalle. Il y a donc deux façons de voir les choses. Moi, j'ai choisi de les voir d'une manière positive et optimiste en me disant que j'ai passé 20 années extraordinaires.
JA. Un bon et un mauvais souvenir durant cette formidable carrière ?
DM. Des mauvais ? En fait, je n'en ai qu'un, au niveau humain. L'épisode Rover. A l'époque, en France, j'avais à peu près réussi à remotiver le réseau, un travail qu'avait d'ailleurs commencé Michel Gardel. Nous avions reconstruit, puis, du jour au lendemain, plus rien ! ça a été très dur, car ils avaient cru en nous. C'est le genre de chose que l'on n'oublie pas. J'ai quand même mangé ma cravate ! Pour le reste, il n'y a quasiment que des bons souvenirs, avec par exemple le lancement de produits extraordinaires comme le X5 et bien évidemment le "relancement" de la marque Mini. C'est du bonheur à l'état pur. Qui plus est, j'ai participé aux plans marketing mondiaux et à l'époque, nous ne nous attendions pas à un tel succès. Même en fin de vie nous ne faisons toujours pas de remise. Je n'ai jamais connu ça dans l'automobile en 39 ans de carrière. Mais au-delà des produits, ce fut superbe de voir la capacité d'adaptation et la rapidité de réaction de BMW pour faire face aux défis. Et que dire de la mondialisation du groupe ? Lorsque je suis arrivé, nous vendions à peine 500 000 voitures. Cette année, nous devrions en écouler plus près de 1,4 million. Les Etats-Unis sont devenus le premier marché du groupe. Avoir participé à cette expansion a été un bonheur absolu. Et je reste tout a fait optimiste, non seulement pour le groupe mais aussi pour l'automobile, parce qu'après avoir connu les crises pétrolières des années 70, où les journaux disaient qu'il n'y avait plus de place pour ce genre de voiture, le haut de gamme ne s'est jamais aussi bien porté. Il s'est adapté. L'automobile restera toujours un sujet de passion, un engin de mobilité extraordinaire, le tout est qu'elle devra s'adapter.
JA. Comme avec l'hydrogène ou l'E85 par exemple ? Que pensez-vous de ce dernier ?
DM. Nous croyons en l'éthanol. Nous investissons et travaillons pour être en mesure de proposer des modèles fonctionnant avec, car cela nous paraît être une solution intéressante parmi d'autres. Le groupe travaille également sur les hybrides, sur la récupération d'énergie au freinage, sur le start & stop, sur mille choses. Vous verrez des BMW qui roulent à l'éthanol. Nous ne sommes pas encore tout à fait prêts, mais cela ne prendra pas 5 ans. La raison ? Même en flex-fuel, une BMW doit rester une BMW, avec des moteurs ayant la même solidité, la même résistance. Il y a un certain nombre de choses à modifier. Sortir aujourd'hui un véhicule fonctionnant à l'E85 pas totalement fiable ne servirait à rien, bien au contraire. Pour en terminer avec le bio-éthanol, il va falloir que de gros investissements soient réalisés sur la distribution ainsi que sur la fabrication du E85. On parle, pour l'heure, de quelques pompes, c'est bien, mais si on veut que cela se développe, il va en falloir plus, et surtout, il va falloir les approvisionner à un coût qui doit être raisonnable. Une subvention trop importante de l'éthanol va coûter une fortune au budget de l'Etat et cela ne servira pas à grand-chose. Tout cela est une question d'équilibre.
Propos recueillis par
Christophe Jaussaud
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