Des icônes vont tomber chez Renault
Renault va annoncer une purge profonde de sa gamme de véhicules et arrêter des modèles au passé glorieux mais en perte de vitesse, comme l’Espace, ont dit à Reuters quatre sources proches du groupe et du secteur. Le constructeur au losange, ébranlé par la disgrâce de son ex-PDG Carlos Ghosn et par un retournement de fortune conjoint avec son partenaire Nissan sur leurs principaux marchés respectifs, doit détailler fin mai 2020 un plan drastique d’économies de deux milliards d’euros sur trois ans.
"L’ensemble du projet n’est pas encore gravé dans le marbre, mais on peut d’ores et déjà enlever l’Espace, le Scenic et la grande berline Talisman du futur plan produit, il est quasiment acquis que ces modèles ne seront pas renouvelés et qu’ils vont s’arrêter", a dit une des sources. "En gros, moins de monospaces et de berlines, et priorité aux crossovers et aux SUV." Une porte-parole de Renault a refusé de faire un commentaire.
Le constructeur avait déjà engagé en 2009 une vaste refonte de sa gamme sous le crayon du directeur du design Laurens van den Acker, afin de simplifier son offre et d’en unifier le style. Mais une décennie plus tard, le groupe au losange aligne encore entre 45 et 50 modèles dans son catalogue sous les marques Renault, Dacia, RSM, Lada et Alpine. Pour faire face à la grave crise qu’il avait lui-même traversée, PSA avait annoncé en 2014 une réduction spectaculaire du nombre de ses véhicules, ramené de 45 à 26 en moins de dix ans pour l’ensemble de ses trois marques historiques, avec à la clé 300 millions d’euros de réductions de coûts annuelles.
"La comparaison avec PSA a ses limites, car Renault est beaucoup plus international que son compatriote, dont les ventes restent très axées sur l’Europe, précise une des sources. Mais si la diversité géographique de Renault explique son nombre élevé de modèles, aujourd’hui ce niveau n’est plus tenable non plus."
Fin des monospaces, priorité aux SUV
Après une année 2019 marquée par la première perte nette en dix ans, plusieurs modèles Renault, parmi les moins rentables, devraient faire les frais de cette rationalisation, même s’ils sont iconiques. L’Espace, précurseur à partir de 1984 sur le segment des monospaces, a ainsi incarné pendant plusieurs décennies l’image familiale que Renault entendait projeter et s’est vendu à plus de 1,3 million d’exemplaires. Mais sa cinquième génération, lancée en 2015, est à la peine face à la concurrence des SUV aux lignes plus agressives, et ses ventes ont chuté l’an dernier de 21 % à seulement 10 000 unités.
La voiture, tout comme le petit monospace Scenic, longtemps un best-seller de Renault, céderaient tous deux la place à un nouveau Renault Kadjar, SUV fabriqué en Espagne, et disponible en version 5 ou 7 places, selon deux sources. Espace, Scenic et Talisman sont tous trois produits dans l’usine française de Douai. Le site pourra compter à la place sur deux nouveaux modèles basés sur la nouvelle plateforme électrique commune de l’Alliance, notamment un cousin Renault du SUV électrique Nissan Ariya.
La berline Fluence, encore commercialisée en Amérique latine dans des volumes très faibles, semble vivre elle aussi ses derniers jours, indique une source. Le remplacement de la petite Zoé électrique, produite à Flins, est également en discussion, tout comme l’avenir de la berline Mégane, autre produit historique phare du constructeur français. "Le crossover Arkana, lancé en Russie, sera bien vendu en Europe pour pallier aux faibles volumes de Mégane, et probablement la remplacer sur le long terme", selon deux sources. Certaines variantes locales pourraient aussi disparaître du catalogue, un sort déjà réservé l’an dernier à la version break de la Clio lors du passage à la cinquième génération de la citadine.
Pour réduire ses coûts et redresser sa marge, Renault compte aussi sur les synergies avec Nissan et Mitsubishi, sur une rationalisation de ses sous-traitants en ingénierie, sur des cessions immobilières et sur le retrait de marchés moins rentables, comme en Chine où il a engagé mi-avril 2020 son retrait de sa JV chinoise de Wuhan (DRAC, Dongfeng Renault Automotive Company), quatre ans seulement après son arrivée sur place. Clotilde Delbos, directrice générale par intérim, a prévenu qu’il n’y aurait aucun tabou sur les économies, faisant aussi craindre des réductions d’effectifs et des fermetures de sites. Mais ce levier est plus délicat à manier, surtout avec la perspective des quatre à cinq milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat français que le groupe négocie en ce moment. Gageons que le futur directeur général de Renault, Lucas de Meo, qui doit entrer en fonction le 1er juillet prochain, porte un œil avisé sur l'avenir qui se dessine. (avec Reuters)
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.