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Constructeurs

Cyril Bravard, Smart : "Nous avons payé le prix de mesures protectionnistes"

Publié le 16 décembre 2024

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
Entre les lancements de la #3 en 2024 et de la #5 en 2025, Cyril Bravard prend le temps de faire un point sur la situation de Smart en France. Le président de la filiale tricolore regrette évidemment l'impact des mesures politiques, mais nourrit encore l'espoir d'un rebond pour ses voitures électriques.
Smart France voitures électriques
Cyril Bravard, président de Smart France. ©Smart France

Le Journal de l'Automobile : Quel regard portez-vous sur le contexte de marché français ?

Cyril Bravard : À titre très personnel, cet exercice ne restera pas un grand souvenir. En raison des changements de conditions d'accès, nous avons perdu le bonus en décembre 2023 et un semestre plus tard, nous avons été frappés par 18,8 % de taxes douanières. Plus globalement, je pensais que le marché français verrait une plus grande pénétration des ventes de voitures électriques.

 

J.A. : À qui la faute ?

C. B. : Selon moi, il y a eu trop de désinformation à propos de la mobilité électrique. Les Français abordent ces véhicules comme une obligation. Ils les jugent trop chers et peu pratiques du fait de leur autonomie. Or, il faudrait communiquer sur le bénéfice en termes de coût de détention et la véritable praticité au quotidien. À ceci s'ajoutent l'incertitude politique et le manque de visibilité sur la trajectoire fiscale. Le rejet de l'électrique n'est pas massif, mais nous aurions pu faire mieux et finir avec 20 à 22 % de pénétration.

 

J.A. : Cela explique-t-il les résultats commerciaux de Smart qui s'apparentent à un rendez-vous manqué ?

C. B. : Ce n'est pas un rendez-vous manqué pour Smart. Mais il faudra attendre plus longtemps que prévu. Je ne partage pas les statistiques de prises de commande, cependant, nous observons nettement les effets de décisions politiques. Après une bonne montée en régime entre juillet et décembre 2023, la fin du bonus écologique a cassé d'un coup la dynamique. Nous avons payé le prix de mesures protectionnistes et nous nous attendons à ce que les taxes douanières pèsent également. Smart doit rester focalisé sur l'objectif de relancer la marque en lui donnant une famille, dont le prochain #5 qui n'aurait de toute manière pas profité des aides à l'achat.

 

Nous nous donnons encore du temps pour faire les réglages avant d'aborder 2025

 

J.A. : Il restera toujours la taxe douanière. Qu'est-il prévu pour en amoindrir les conséquences ?

C. B. : Nos actionnaires sont en pleine réflexion. Il va se passer pas mal de choses dans les prochains mois. Jusqu'à présent, les tarifs n'ont pas bougé. Nous absorbons cette hausse de 18,8 %. Mais nous ne pourrons pas continuer éternellement. Les discussions portent justement sur ce point et la tendance, qui reste à confirmer, serait une répercussion de l'ordre de 2 000 à 2 500 euros.

 

J.A. : À la lumière de ces réalités, comment entendez-vous finir l'année 2024 et quelles sont les projections pour 2025 ?

C. B. : En temps normal, à la mi-décembre, le budget est acté pour l'année suivante. Ce qui n'est pas notre cas pour les raisons que je viens d'expliquer. Nous nous donnons donc encore du temps pour faire les réglages avant d'aborder 2025.

 

J.A. : Revenons sur la #3, que vous ont appris les premières semaines de commercialisation ?

C. B. : J'ai le sentiment que le format de cette voiture, aussi bien les dimensions que les lignes, convient parfaitement aux attentes du marché. Les professionnels qui nous comparent à des compétiteurs comme les clients en concessions saluent le travail de Smart avec le #3. C'est ce qui nous frustre encore plus, car sans les contraintes dont nous parlions, le succès commercial serait énorme. Les premières commandes nous surprennent car la version Brabus fait deux fois mieux que nos projections, avec une part de 40 % dans le mix.

 

 

J.A. : Parvient-elle à s'installer comme la première voiture du foyer ?

C. B. : Un changement est en train de s'opérer. Ce n'est pas propre qu'à la marque Smart, me semble-t-il. Quand nous avons lancé la #1 en 2023, les clients la prenaient pour s'en servir en semaine et non au moment de partir en week-end. Depuis le second semestre 2024, des clients posent des questions sur la recharge et laissent comprendre qu'ils envisagent toutes les formes d'utilisation. Les conversations sont plus riches et on perçoit qu'ils ont intégré tous les paramètres de la conduite électrique.

 

J.A. : Comment les clients financent-ils leur achat de Smart ?

C. B. : À ce jour, sept acheteurs sur dix optent pour une formule locative et plus précisément une location longue durée. Ils profitent de Smart Mobility Leasing, notre offre construite avec Ayvens en marque blanche. Les contrats portent sur trois ou quatre ans. Il y a vraiment deux écoles en la matière. Le cœur de gamme se trouve être la finition Premium dont le montant du loyer s'élève à 520 euros environ sur trois ans. Mais comme il y a beaucoup de Brabus dans le mix, la moyenne atteint davantage les 550 euros. La différence entre la #1 et la #3 doit être de 20 euros par mois.

 

Les #1 et #3 compenseront les ajustements de gamme opérés par Mercedes

 

J.A. : À défaut de donner les chiffres exacts, quelles sont les tendances de prises de commande ?

C. B. : Depuis plusieurs semaines, la répartition est de l'ordre de 55 % pour la #3 et 45 % pour la #1. Nous sommes satisfaits de profiter d'un meilleur équilibre que prévu. La #5 bousculera le marché avec ses spécificités techniques, mais elle fera moins grincer des dents que la #1. Celle-ci avait suscité de l'émotion négative chez certains observateurs attachés à la Fortwo. Ils ont cru à tort qu'on voulait remplacer l'une par l'autre. Or, il était question de créer une complémentarité d'offres.

 

J.A. : Dans quelle mesure, Smart joue-t-elle ce rôle de point d'entrée chez Mercedes que vous vouliez lui conférer ?

C. B. : Nous assurerons chaque jour un peu plus ce rôle. Smart et Mercedes n'étaient pas en concurrence pour les clients. Les #1 et #3 compenseront les ajustements de gamme opérés par Mercedes. Mais je pense que nous venons compléter le spectre du groupe. Cela ne concerne pas uniquement le produit ou le prix, mais l'émotion véhiculée par la marque.

 

J.A. : Parlons de la distribution, où en êtes-vous de votre déploiement territorial ?

C. B. : Ce chantier a été conduit très rapidement. Nous avons gardé le périmètre des premières heures, à savoir 47 points de vente, aménagés dans des concessions Mercedes.

 

La version Brabus totalise 40 % des immatricualtions de la Smart #3. ©Smart

 

J.A. : Qu'en est-il de votre schéma d'agents, alors que bien des marques font machine arrière ?

C. B. : Sur le papier, la vente digitale pourrait nous correspondre, car nous avons une image de connectivité. Nous avons toutefois la conviction que le modèle d'agence ne doit pas mettre de côté les distributeurs. Au contraire, Smart a besoin d'un réseau fort de points de contact pour des clients qui ont besoin de se rassurer en allant essayer le produit et discuter avec un commercial.

 

J.A. : Qu'en est-il de la profitabilité ?

C. B. : Je ne communiquerai pas sur cet élément. Le modèle a prouvé ses avantages, comme le fait d'alléger du portage de stock ou de maîtriser le prix de vente. Chez beaucoup de constructeurs, ce modèle ne convient pas car les moyens financiers à engager sont plus conséquents. Par ailleurs, Smart étant une marque secondaire pour les distributeurs, ils ne le vivent pas comme un affront.

 

 

J.A. : La revente de voitures d'occasion s'inscrit dans les plans stratégiques 2025 des concessionnaires. Comment allez-vous vous organiser pour les soutenir dans cette démarche ?

C. B. : Nous sommes en train de travailler activement à l'élaboration d'un label Smart Certified. Il devrait être prêt pour le premier trimestre 2025. Nous devons finaliser les contours de ce contrat avec le réseau. Il aura vocation à rassurer les clients avec de nombreuses promesses et des outils spécifiques à la commercialisation des voitures électriques d'occasion.

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