Christophe Decultot, Honda : "Privilégier la qualité des ventes pour favoriser la rentabilité"
JA. Quel regard portez-vous sur le plan de relance du secteur de l'automobile ?
CD. Il contient des points très positifs. Le gouvernement a réagi très rapidement avec des mesures qui seront applicables au 1er juin prochain. La direction donnée par ces aides, notamment en privilégiant la transformation technologique vers les modèles électrifiés, est une bonne chose et s'avère indispensable dans le contexte des normes CAFE sur les émissions de CO2. Je regrette toutefois que les bonus soient limités à deux technologies, en l'occurrence électrique et hybride rechargeable. Il est dommage d'exclure les hybrides qui ont fait leur preuve en termes de réduction des émissions de CO2, tout en conservant un prix attractif. Quant à la prime à la casse, limitée à 200 000 dossiers, elle va avoir un effet vertueux sur les stocks et sur la trésorerie des affaires. C'est important. Cependant, il y aura de nombreux achats par anticipation et le contrecoup aura lieu plus tard.
JA. Dans ce contexte, comment se déroule le lancement de la Honda-e, votre véhicule 100 % électrique ?
CD. Les premières livraisons sont attendues pour le mois de juin. Depuis que nous avons débuté la communication et ouvert les commandes, nous avons enregistré 200 commandes fermes et comptons encore 500 contacts avancés allant jusqu'à la réservation. La Honda-e est à l'essai dans le réseau, cette opération avait d'ailleurs débuté avant le confinement, et les résultats sont très bons. Après un essai, un tiers des clients signe un bon de commande.
JA. Compte tenu de la demande, aurez-vous suffisamment de Honda-e ?
CD. Le plan de lancement et les volumes disponibles n'ont pas été modifiés pendant la crise. La production de ce modèle, au Japon, n'a pas été stoppée. A partir du mois de juin, et jusqu'à décembre 2020, nous disposons de 1 000 Honda-e en France. Ce volume est une ambition réaliste compte tenu de la singularité du produit grâce à son design et ses technologies avancées.
JA. Honda est largement engagé dans l'électrification de sa gamme, quelle part ces modèles vont représenter dans vos ventes en 2020 et ensuite ?
CD. Cette année nos modèles électrifiés, c'est-à-dire le CR-V Hybrid, la Honda-e et la Jazz Hybrid, devraient représenter 75 % de nos ventes. En 2021, cette part dépassera les 90 % avant d'atteindre quasiment 100 % en 2022. Aujourd'hui, seuls les Civic et HR-V ne sont pas encore électrifiés mais ce sera le cas lors du prochain renouvellement.
JA. Sur le premier quadrimestre 2020 vous affichez 1 210 immatriculations (-59,2 %). Quels sont vos nouveaux objectifs pour l'année en cours ?
CD. En janvier, nous avions un objectif, avec le réseau, de 9 000 voitures. Naturellement, ce n'est plus tenable aujourd'hui et nous travaillons à la définition d'un nouveau plan. Il devrait nous conduire à 7 000 ou 7 500 unités en 2020. Nous conservons notre objectif initial sur la Honda-e et nous pourrons compter, durant le deuxième semestre, sur la montée en puissance de la nouvelle Jazz Hybrid. Nous visons pour ce modèle 2 000 unités d'ici décembre. Mais tout ceci dépendra en partie du rythme et de l'intensité de la reprise. Dans un scénario optimiste, la reprise est rapide, avec un bon niveau d'activité dès cet été, alors que le marché français pourrait atteindre 1,7 million. A l'inverse, dans un scénario plus pessimiste, avec une reprise plus lente, les ventes pourraient être comprises entre 1,55 et 1,6 million.
JA. Avec la généralisation de produits électrifiés dans votre gamme, le canal des professionnels peut-il prendre une autre envergure chez Honda ?
CD. Ce sera un atout supplémentaire. Nous avons anticipé que près de la moitié des clients de la Honda-e sera des petites entreprises ou des professions libérales. Des ventes captées par le réseau. Avec la Jazz Hybrid, très bien placée en termes de CO2, à partir de 102 g/km, près d'un quart des ventes devraient être réalisées auprès de cette typologie de clients.
JA. Comment avez-vous travaillé avec votre réseau durant la crise ?
CD. Depuis le départ, nous sommes en communication étroite avec le groupement. Nous échangeons quasiment toutes les semaines. Dès le départ, nous avons pris des décisions pour préserver la trésorerie des affaires avec notamment un report de 90 jours de toutes les échéances ou encore le paiement des primes liées au volume du premier trimestre sur la base de 110 % de réalisation même si ce n'était pas le cas. Depuis la reprise le 11 mai, nous travaillons à faire baisser les stocks qui comptent 2 à 3 mois d'activité contre 1 à 1,5 habituellement.
JA. Quel pourrait être l'impact de cette crise sur la rentabilité du réseau ?
CD. Aujourd'hui l'impact est encore difficilement quantifiable. Je peux simplement dire que le réseau, dans le passé, avait pu gérer une année à 7 500 unités. Mais cela dépendra naturellement de la qualité de nos ventes. Grâce à notre gamme renouvelée, nous allons privilégier la qualité des ventes pour favoriser la rentabilité.
JA. Vous jouez toutefois le jeu de la relance avec votre plan ReStart ?
CD. Bien sûr, c'est nécessaire, mais nous avons privilégié les offres de financement avec deux loyers offerts, sans condition, sur toute la gamme et pris en charge par Honda France. La nouvelle Jazz est ainsi proposée à partir de 199 euros/mois et la Honda-e à 339 euros/mois. Nous avons également bâti une offre sur les CR-V Hybrid en stock, à 329 euros /mois, avec, là encore, deux loyers offerts mais surtout un avantage clients pouvant atteindre 6 000 euros dans le cadre de la reprise d'un véhicule. Nous venons également de lancer la garantie de nos moteurs pendant 10 ans. Aussi bien thermiques qu'électriques. Cette garantie va au-delà de l'offre commerciale, la démarche est différente ici. Elle est là pour rappeler l'ADN et les valeurs de Honda où la confiance tient une large place avec la sportivité, la fiabilité et la satisfaction des clients.
JA. Nous venons de vivre une période inédite, en restera-t-il quelque chose ? Le digital a-t-il définitivement pris le pouvoir ?
CD. Le télétravail a par exemple montré, pour certains postes, que cela pouvait effectivement bien fonctionner. A condition que le lien reste très fort entre les équipes. Il faudra en tirer des enseignements. Quant au digital, nous ne l'avons pas découvert pendant la crise. Il n'y a pas eu de révolution mais une véritable accélération. Une bonne organisation digitale, chez nous comme dans le réseau, avec les bons outils et des personnels les maîtrisant, fera la différence. Cela devient essentiel et même vital car l'approche des consommateurs a évolué.
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