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Constructeurs

C4, un véhicule charnière pour le design Citroën

Publié le 3 décembre 2004

Par Alexandre Guillet
10 min de lecture
Véhicule essentiel pour la marque, la C4 est aussi le premier opus que l'on doit intégralement à Jean-Pierre Ploué, arrivé chez Citroën en 2000. En sa compagnie, nous revenons sur la genèse d'un modèle qui s'est mué en gamme en cours de projet ! Une gamme qui symbolise le nouveau style de Citroën. Le...
Véhicule essentiel pour la marque, la C4 est aussi le premier opus que l'on doit intégralement à Jean-Pierre Ploué, arrivé chez Citroën en 2000. En sa compagnie, nous revenons sur la genèse d'un modèle qui s'est mué en gamme en cours de projet ! Une gamme qui symbolise le nouveau style de Citroën. Le...

...tout nouvel ADN est habité, le nombre de voitures sur le parking en témoigne. Le bâtiment s'offre à vous, monumental et gris, dans son halo vespéral. A l'intérieur, l'immensité règne, creusée par le fait que le lieu est encore l'objet d'ultimes finitions et qu'il est pour le moment dénué de toute décoration. Hall d'accueil, traditionnels portiques de sécurité, puis un grand couloir blanc. Le hasard incite à prendre vers la gauche… Lové dans un recoin, un petit ascenseur vous élève jusqu'au troisième étage. Manqué, c'est le bureau de style Peugeot. Le même grand couloir blanc. Cap à droite : un ascenseur identique, troisième étage. Un panonceau avec une liste alphabétique de noms et de numéros de téléphone. A la lettre P, Ploué Jean-Pierre, n°… La porte s'ouvre, bienvenue au bureau de style Citroën. Dans une salle de réunion amicale et lumineuse, Jean-Pierre Ploué, dynamique et souriant, vous invite à vous asseoir. A ses côtés, Oleg Son, designer responsable de gamme, regard magnétique et postures apprises. Sur la table, un simple ordinateur portable passant en boucle une animation sur la C4, quelques jolis sketches et une maquette de C4 WRC déjà nostalgique. Jean-Pierre Ploué est enchanté des nouveaux locaux. D'autant que le déménagement s'est accompagné d'une réorganisation de son service qui lui est chère. "Auparavant, il y avait des responsables de plateforme qui ne géraient pas l'intégralité de leurs projets. Désormais, nous n'avons plus de responsables de plateforme, mais des responsables de gamme et ils conduisent leur projet de A à Z", explique-t-il d'un ton enjoué. Une évolution qui permet d'éviter certaines renégociations fallacieuses en cours de projet et qui garantit un meilleur pilotage d'icelui. D'autant que les liens entre designers et ingénieurs ont été notablement renforcés. Concrètement, un responsable de gamme travaille par cycles de quatre ans, entouré de trois autres designers. Ce fut notamment le cas d'Oleg Son, responsable de la gamme B5, autrement dit C4.

"Revaloriser le design face à ceux qui le considéraient comme une science occulte"

C4, le mot magique est lâché. Un modèle - ou plus exactement une gamme - capital pour Citroën. Un investissement supérieur à 700 millions d'euros et un enjeu commercial d'envergure, segment à gros volumes oblige. Une gamme capitale pour Jean-Pierre Ploué aussi. Il s'agit de la première dont il assurera la pleine paternité, hors concept-cars et hors restylage de la pataude C5. Il s'agit en outre de véhicules qui, à défaut d'être totalement "manifeste", doivent cristalliser l'empreinte du nouveau design de la marque. "C'est vrai que la C4 représente une étape importante, même s'il y a déjà eu des frémissements intéressants avec la C2, la C3 et le Picasso", glisse Jean-Pierre Ploué, avant de se remémorer : "Force est de reconnaître que, lorsque je suis arrivé chez Citroën, la marque n'avait pas de produit très significatif, en termes de style s'entend. Puis, le design est peu à peu revenu sur le devant de la scène, battant en brèche la résistance de ceux qui considéraient notre activité comme une science occulte. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à Jean-Martin Folz et à Claude Satinet pour leur action dans ce domaine et pour leur excellent choix stratégique résumé par le slogan "Un groupe, deux marques"." Avant la C4, la nouvelle orientation stylistique de la marque avait déjà été aperçue avec la réfection du logo. "Cette évolution était indispensable car l'ancien logo était associé aux "mauvaises" années de Citroën. Il fallait en trouver un en adéquation avec notre nouvelle image", affirme Jean-Pierre Ploué.

L'intégration du logo dans la calandre fait débat

Une évolution qui n'a pas été simple car, en interne, l'attachement de certains à la version Delpire des chevrons était très fort. "C'est clair, nous avons cassé un tabou", lâche Jean-Pierre Ploué. Moins pointus, les nouveaux chevrons ailés à double barre renouent avec plus de dynamisme et de fluidité. Sur les premières applications que nous avons pu voir, il apparaît que le logo épouse la calandre pour se fondre en elle. Il caractérise ainsi très fortement le véhicule. On peut donc se demander s'il n'y a pas un risque à diluer la frontière entre logo et calandre. En devenant motif de style d'un modèle, le logo ne perd-il pas une partie de sa fonction de reconnaissance immédiate voire, plus ennuyeux, d'identification de marque. Jean-Pierre Ploué et Oleg Son balayent l'objection. Pourtant, sur le site admirabledesign.com, Albert Boton, célèbre créateur de typographies et de logotypes, s'interroge aussi : "L'idée d'intégrer les chevrons dans la calandre est intéressante, mais faut-il que cela se traduise par une aussi large "cicatrice" ? (...) On ne peut que relever la dichotomie qui existe entre l'arrière, où le signe est isolé et flotte un peu, et son traitement quand il est intégré dans la calandre. Dommage, ce n'est pas résolu. Au fond, le travail réalisé sur la calandre est agréable et intelligent, mais cela ne solutionne en rien le problème des chevrons en tant que tels." Sur le même site, Michel Disle, cofondateur de Carré Noir et créateur de centaines de logotypes, relaye ces propos tout en soulignant qu'il faut se garder d'être définitif : "A l'avant, l'idée d'intégrer les chevrons dans la calandre était une tentation légitime à laquelle les ingénieurs de Citroën n'ont pas pu résister. Or, le rôle d'une marque étant de marquer, il existe le risque (...) de voir le logo se fondre dans des avants plus ou moins différents selon les modèles. Un symbole doit être immuable et protégé par de l'espace. Ici, le symbole risque de se brouiller et de s'affaiblir, et où sera alors la marque ?" Jean-Pierre Ploué ne l'entend pas de cette oreille et reste fidèle à son principe évolutif. Pour lui, les chevrons doivent s'adapter avec osmose à l'architecture, l'ingénierie et la technologie de chaque modèle. Le symbole des chevrons sera donc mouvant. Plus généralement, Jean-Pierre Ploué se déclare pour "une évolution constante de l'image de la marque, prévenant ainsi un trop classique fonctionnement par cycle".

Au début du projet C4, une seule silhouette était prévue

S'il convient d'attendre les futures applications sur les modèles à venir pour juger de la réelle pertinence de ce traitement du logo, la nouvelle orientation du style Citroën peut dès maintenant être analysée à l'aune de la C4. En premier lieu, il faut reconnaître qu'elle a été bien accueillie par le public et qu'elle marque une indéniable rupture avec les précédents modèles. "Nous avons pu travailler avec une immense liberté car, à mon arrivée, tout était possible au sein de la marque", confie Jean-Pierre Ploué avant d'ajouter : "Nous sommes vraiment très satisfaits du résultat et de sa richesse, avec deux silhouettes très différentes. Je pense que nous nous situons au top niveau et c'est remarquable, car nous évoluons avec les contraintes d'un généraliste et non d'un spécialiste pour qui c'est somme toute plus facile de faire du design." Les deux silhouettes, berline et coupé, ont une histoire. Initialement, l'équipe ne travaillait que sur une seule silhouette. "Elle était plus proche de celle de la 3 portes actuelle que de celle de la 5 portes et cela apparaissait trop radical par rapport à notre cible de clientèle", se souvient Jean-Pierre Ploué. Le projet fut donc bloqué au sein du groupe et l'unité de design a reçu un ultimatum : 15 jours pour réagir et trouver une solution ! Cette solution sera in fine duelle : 3 portes et 5 portes. Une option rendue possible par la forme du pavillon, très proche sur les deux modèles, ce qui rendait le coût de l'opération acceptable.

"La lunette arrière n'est pas inversée et ne fait pas écho à l'Ami 6, mais à la SM Rallye"

Sur la base de ces deux silhouettes, l'équipe de design a alors développé trois axes. "A l'époque, je roulais en monospace. On m'a prêté une Xsara 3 portes et j'ai redécouvert le plaisir d'être assis bas, le plaisir de la berline", déclare Jean-Pierre Ploué. Premier point, la C4 est basse. Le second point découle du premier : la C4 se différencie naturellement de la 307 (avec qui elle partage plateforme et 62 % de composants) qui est très haute. Enfin, la silhouette "coupé" est délibérément dynamique et sportive, "afin d'attirer une clientèle plus jeune qui ne succombe pas aux charmes de la berline", dixit Oleg Son. A propos de la C4 coupé, impossible de ne pas s'arrêter sur le motif très fort de la lunette arrière. Jean-Pierre Ploué rabroue tout de suite : "Ce n'est pas une lunette inversée et elle ne fait pas écho à l'Ami 6, mais à la SM Rallye. Son style est marqué et, en plus, elle correspond idéalement aux critères aérodynamiques du segment M1, et donc aux ingénieurs." Les deux C4 ont aussi fait l'objet d'un travail spécifique sur les optiques, avec effet boomerang et esprit DS en vedette. En outre, les optiques remontent très haut sur le capot, ce qui permet au véhicule d'avoir la meilleure note européenne au test du choc piéton. A l'intérieur, les C4 se distinguent par leur fameux volant et par une planche de bord "monospacisante". "Pour l'habitacle, le cahier des charges marketing consistait dans une hybridation des genres et dans le respect des valeurs de bien-être de la marque", explique Oleg Son. L'exercice est réussi avec notamment une qualité de matériaux significative. Le référentiel qualité est d'ailleurs devenu un cheval de bataille privilégié de la marque et du Style. "Nous voulions proposer à un bon prix ce que font les Allemands", résume, un brin provocateur, Jean-Pierre Ploué, en faisant référence aux joints, aux rétroviseurs-drapeaux ou au lèche pare-brise en noir laqué par exemple. En attendant les résultats commerciaux des C4, principaux juges de paix modernes pour le design, Jean-Pierre Ploué avoue que "la C4 est sa plus grande satisfaction en presque vingt ans de design". Et Oleg Son confie que "d'autres silhouettes sont à venir dans la gamme C4". Combien ? C'est un secret bien gardé dans l'ADN.


Alexandre Guillet





QUESTIONS À

Jean-Pierre Ploué Directeur du style Citroën.

Questions d'avenir : C6, sportive et SUV

Journal de l'Automobile. Vous allez bientôt lancer un modèle haut de gamme, quelle est votre stratégie sur un segment qui n'est pas vraiment l'apanage des constructeurs français ?
Jean-Pierre Ploué.
Je ne suis pas d'accord avec vous ! Le luxe automobile, c'est très français ! Et anglais aussi. Pensez à des marques comme Bugatti ou Delage par exemple. Nous sommes profondément ancrés dans cette tradition et, avec la C6, nous essayerons de renouer avec ce luxe.


JA. Votre référent n'est donc pas allemand ?
J-PP.Absolument pas ! Il ne faut surtout pas penser aux marques allemandes lorsqu'on décide de s'attaquer à ce segment.


JA. La délicate carrière de la Vel Satis vous a-t-elle échaudé ?
J-PP. Non, pas vraiment, même s'il convient de prendre en compte ce phénomène. Disons qu'avec la Vel Satis, Renault est peut-être allé un peu trop loin. Je m'explique : il est évident qu'il faut innover sur ce segment, mais il est aussi nécessaire de respecter ses fondamentaux, ses codes.


JA. A propos de codes, est-il possible de s'affranchir du dogme de l'architecture tricorps des véhicules sur ce segment ?
J-PP. Oui, tout à fait ! Vous le vérifierez prochainement… Reste à attendre les premières réactions des gens. La C6 se positionnera comme une berline haut de gamme, mais aussi comme un coupé. C'est un modèle très dynamique et à la fois incroyablement statutaire.


JA. Changeons de segment, on évoque souvent l'absence de sportives françaises et quand on envisage une voiture de ce type, on pense surtout à Renault ou Peugeot. Et Citroën dans tout cela ?
J-PP. Citroën est tout à fait à même de commercialiser un modèle sportif, au même titre que Peugeot ou Renault. Il y a aussi une tradition de la marque dans ce domaine. Alors, soyez patients…


JA. Sans briser le secret, pouvez-vous nous dire si vous envisagez de travailler sur un SUV, segment particulièrement en vogue ?
J-PP. Non, ce n'est pas à l'ordre du jour.

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