Ford taille dans le vif

...salon de Detroit, la réalité a rattrapé Ford. Depuis le siège de Dearborn, dans le Michigan, Bill Ford a dévoilé le plan de restructuration devant remettre Ford, fondée par Henry, son arrière grand-père, sur les bons rails en Amérique du Nord. Ce plan, baptisé Way Forward, prévoit la suppression de 25 000 à 30 000 emplois d'ici à 2012 (20 à 25 % des 122 000 salariés) et la fermeture de 14 usines (sur les 43 que compte le groupe en Amérique du Nord), dont 7 d'assemblages de véhicules. Des suppressions de postes auxquelles il ne faut pas oublier d'ajouter les 4 000 qui avaient déjà été annoncées l'été dernier. Après Chrysler et GM, le dernier des Big Three taille donc franchement dans ses effectifs afin que l'activité automobile en Amérique du Nord renoue, dès 2008, avec la rentabilité. D'ici là, le constructeur estime que les 14 sites concernés seront totalement ou partiellement fermés. Parmi ceux-ci, 7 seront définitivement fermés dont 5 ont d'ores et déjà été confirmés par Ford. Adieu aux usines de Saint-Louis dans le Missouri, d'Atlanta en Géorgie, de Wixom dans le Michigan, de Batavia en Ohio et enfin de Windsor au Canada. Pour cette dernière, le constructeur a précisé que cette fermeture avait déjà été avalisée par le CAW, le syndicat automobile canadien. Quant aux autres sites qui connaîtront soit une fermeture soit une réorganisation, seul celui de Saint-Thomas, au Canada, en sait un peu plus : l'une des deux équipes en place aujourd'hui va être supprimée. Ce sont ainsi 2 300 emplois qui vont disparaître en Ontario (1 100 à Windsor et 1 200 à Saint-Thomas). 

En 10 ans, Ford aura fermé 19 usines et supprimé plus de 60 000 emplois en Amérique

Ford, dont les parts de marché ne cessent de reculer aux Etats-Unis, ajuste donc ses capacités de production ainsi que la flexibilité de ces dernières. Le plan annoncé réduira de 26 %, soit de 1,2 million d'unités, la production nord américaine du troisième constructeur mondial qui atteint aujourd'hui 4,5 millions grâce à ses 43 implantations. Une réduction des effectifs qui passe forcément mal chez le syndicat américain UAW. "Les ouvriers se retrouvent confrontés à un avenir incertain à cause de l'incapacité de la direction à enrayer la baisse des parts de marché de Ford", a commenté Ron Gettelfinger, le président de l'UAW, dans un communiqué. "Comme le plan précédent, en 2002, le nouveau plan est basé sur des suppressions d'emplois et des fermetures d'usines pour "aligner" les capacités de production avec la baisse de la demande, poursuit le président du syndicat, à l'époque déjà et davantage aujourd'hui, l'attention devrait plutôt se porter sur la reconquête des parts de marché en offrant aux clients des produits novateurs et séduisants."
Bill Ford l'aura peut-être rassuré, même tardivement, avec le fort développement de l'offre hybride au sein des marques Ford, Mercury et Lincoln dont la moitié de leur gamme sera disponible avec cette technologie. En effet, d'ici 2010, le constructeur a l'intension de fabriquer 250 000 modèles par an associant essence et électricité. Un horizon 2010 qui devrait également rimer avec au moins 6 milliards d'économie. En attendant, dans les comptes de l'année 2006, Ford va provisionner 470 millions pour financer ce plan Way Forward. A noter que ce plan ne concerne pas Automotive Componants Holding, une société qui gère depuis fin 2005 certaines activités de l'équipementier Visteon transférées au constructeur. Un problème après l'autre !
Quatre années après la première grande restructuration, qui avait déjà conduit à la fermeture de 5 usines et à la suppression de 35 000 emplois, Ford n'a plus droit à l'erreur. Depuis 2002, le constructeur de Dearborn aura fermé 19 usines et supprimé entre 60 000 et 65 000 emplois. Dernière salve de chiffres peut être encore plus marquante, mais mettant une fois de plus en exergue la difficile mutation de l'industrie automobile américaine : depuis 1979, Chrysler, GM et Ford ont supprimé, en tout et pour tout, plus de 600 000 emplois.

Christophe Jaussaud