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Ça recrute en concession, oui mais…

Publié le 18 mars 2014

Par Tanguy Merrien
13 min de lecture
Si le nombre de salariés tend à diminuer au sein de la distribution automobile, les groupes et concessionnaires restent à la recherche de personnels, parfois nombreux, pour renforcer leurs équipes. Mais l’évolution du métier et l’apparition de nouveaux postes obligent les professionnels et les recruteurs à être plus sélectifs.
4 000 postes ont été détruits en 2013 dans la distribution automobile.

L’emploi au sein de la distribution automobile est-il mis à mal ? Oui et non mon général, sommes-nous tentés de répondre. Il y a un peu plus d’un an, à l’issue d’un exercice 2012 difficile pour le marché automobile (un recul des ventes de 12 %), la profession avait perdu près de 5 000 emplois et nombreux étaient ceux à penser que la situation n’allait qu’empirer au cours de l’année 2013 : “Réduction de la capacité de production des constructeurs, fermetures d’usines, chute du marché et donc fermetures de concessions en pagaille, autophobie ambiante…”, les causes ne manquaient pas pour voir le marché de l’emploi se dégrader, certains allant même jusqu’à dire que la destruction d’emplois serait multipliée par trois un an plus tard ! Fort heureusement, l’état des lieux ne fut pas aussi dramatique que les craintes : “Les départs ont été un peu plus nombreux que les embauches. Globalement, l’année 2013 enregistre une perte de 4 000 salariés”, expliquait le CNPA à l’occasion de son traditionnel baromètre de début d’exercice.

Un taux d’embauche à la hausse

Après un solde négatif de plus de 5 700 emplois en 2012, la profession pouvait s’estimer heureuse de voir que les terribles prévisions ne s’étaient pas avérées et qu’elles étaient finalement loin de la réalité avec un solde embauche-départ de 4 000 postes, chiffre qui reste néanmoins inquiétant. En y regardant de plus près, on s’aperçoit même que le taux d’embauche retrouve des couleurs après avoir été malmené au plus fort de la crise en 2009 avec un taux de 13,3 %, le plus bas de ces dernières années. Ainsi, de 14 % avant la crise (2007), ce taux d’embauche est aujourd’hui de 16,7 % (2012). Mais pas de quoi tomber non plus dans l’euphorie. En effet, la crise économique a œuvré et le secteur a bel et bien été touché. Ainsi, de 418 966 salariés dénombrés dans le secteur en 2007, celui-ci n’en comptait plus que 405 127 en 2012, et donc légèrement plus de 400 000 à l’issue du dernier exercice, soit une perte de 3,3 %. Certains diront que ce taux reste modeste au regard de la crise traversée. Soit. Mais si on se réfère aux différents secteurs d’activités recensés par l’Anfa, certains d’entre eux ont connu une progression de leurs effectifs (location courte durée, démolisseurs, parcs de stationnement…), quand d’autres ont subi la crise de plein fouet. A commencer par le plus important d’entre eux, lequel représente encore aujourd’hui 43 % du total des salariés, le commerce automobile.

Les grands groupes ont recruté en 2013 et recruteront en 2014

En effet, la branche “commerce automobile” a perdu 8 025 salariés en l’espace de deux ans, de 2010 à 2012, et a vu son importance au sein du secteur global passer de 45 % à 43 % ! C’est là que le bât blesse car si, comme on l’a souligné plus haut, le solde embauche-départ reste négatif et semble toutefois stagner pour le secteur en général, ce n’est pas forcément le cas pour la seule branche “commerce automobile”. Un constat partagé par Stéphane Gomez, dirigeant d’Auto Consultant, cabinet spécialisé dans le recrutement pour la distribution automobile : “Nous avons relevé ces derniers temps une forte tendance à la destruction d’emploi dans la distribution automobile”, constate-t-il. Une certaine partie de la population travaillant au sein des concessions automobiles a atteint notamment la limite d’âge. “Nous assistons à une vague importante de départs à la retraite, notamment au sein des métiers de l’après-vente, et ces postes ne sont pas forcément remplacés en nombre”, explique ainsi Fabien Berruyer, responsable du cabinet RH+ Automotive.

Et pourtant, les groupes de distribution recrutent encore. Nous avons interrogé certains d’entre eux, tels les groupes Dallard, Kroely, Gautier, Gemy, Métin, Behra, Maurin ou Lamirault, tous nous ont répondu qu’ils avaient recruté lors de l’année 2013 et, à deux exceptions près, “envisagent de recruter à nouveau en 2014”. Certains sont mêmes prolixes sur le sujet : Philippe Dallard, par exemple, nous a fait savoir “qu’une dizaine de postes étaient à pourvoir au sein de son groupe”, quand de son côté Jean-Charles Herrenschmidt nous confiait “que le groupe Métin, compte tenu de sa taille et de son développement, reste en perpétuelle recherche”.

Des recherches différentes les unes des autres

D’après Fabien Berruyer, les postes de vendeurs VN/VO restent les plus nombreux à pourvoir dans la branche, en raison notamment “du turnover existant”. Mais pas que. La plupart des opérateurs interrogés sont aussi à la recherche de mécaniciens, carrossiers, magasiniers, responsables départements location de véhicules, directeurs marketing, vendeurs sociétés, voire parfois, pour certains, de directeurs de sites ! Pléthore de postes et tous aussi différents selon les groupes de distribution. Pour leurs recrutements, ceux-ci reconnaissent “brasser large” afin de trouver les bons candidats et faire appel aux diverses agences spécialisées en la matière, mais se laisser également guider par le “bouche-à-oreille ou par petites annonces”. Certains viennent piocher dans les écoles créées par leurs constructeurs, comme l’a fait Olivier Varlez, directeur général du groupe Gautier, pour recruter en 2013. Jean-Charles Herrenschmidt est aussi de ceux-là : “Nous demeurons à l’écoute quant aux candidatures en lien avec les écoles spécialisées des constructeurs. Ces accompagnements avaient été stoppés sur certaines marques, comme Peugeot, suite à l’arrêt des écoles de vente. Néanmoins, une nouvelle prestation est en cours, pour laquelle nous avons créé un partenariat”, explique le dirigeant du groupe Métin. D’autres, enfin, préconisant l’adage “on n’est jamais mieux servi par soi-même”, privilégient la promotion interne, gage de mobilisation et de motivation des effectifs. C’est notamment le cas de Philippe Dallard, qui reconnaît recruter “à hauteur de 80 % en interne”, tout comme le groupe Lamirault. “Notre priorité est laissée dans le groupe à la promotion et à la mobilité interne. Bien évidemment, lorsque ce n’est pas possible nous recrutons en externe en fonction des demandes, mais à ce jour, aucune demande n’a été formulée pour quelque embauche que ce soit”, précise Jean-François Chatel, directeur des ressources humaines du groupe. Le recrutement semble donc avoir de beaux jours devant lui dans la distribution automobile.

Qu’il est difficile de recruter !

Pas tant que cela, à en juger par les déclarations des grands groupes de distribution, lesquels estiment “difficile le recrutement de nos jours”. Seul Olivier Varlez trouve l’exercice “pas plus compliqué qu’ailleurs”. Quant aux autres, cela semble relever d’une tâche laborieuse. Pour Philippe Dallard, le recrutement est tout simplement “le métier le plus compliqué pour un distributeur”. Un écho que l’on retrouve chez Paul Kroely : “Si ce n’est pas propre à la distribution automobile, le recrutement a toujours été extrêmement difficile, peut-être même un peu plus dans la mesure où notre métier attire moins qu’auparavant”, explique le distributeur alsacien. Quant au groupe Duffort, il met le doigt sur une autre problématique, la qualité des candidats : “Les candidats les plus performants sont rarement disponibles et il devient difficile de recruter les bons, quels que soient les postes”, relève-t-on du côté de l’opérateur francilien. Pour Jean-Charles Herrenschmidt, “il existe plus de contraintes sur certains postes qui doivent allier technicité et relationnel client”. En effet, comme l’expliquent nos professionnels du recrutement (lire par ailleurs), les groupes de distribution souhaitent désormais aller au plus vite dans leur recrutement et refusent aujourd’hui l’idée même de se tromper sur un candidat. Gain d’argent, de temps, expérience automobile, connaissance du secteur, capacité à répondre à plusieurs tâches, accompagner la digitalisation du métier, tels sont les maîtres mots des recruteurs à l’heure de chercher le candidat idéal. Quant à ce dernier, à lui de connaître toutes les ficelles des métiers de la distribution automobile et à se préparer à prouver ses compétences, de préférences multiples, pour remplir plusieurs rôles au sein même d’une concession. Quitte à “anticiper les évolutions du métier”, conclut Fabien Berruyer.

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Questions à Stéphane Gomez, dirigeant d’Auto Consultant.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quel est le rôle d’Auto Consultant dans la distribution automobile aujourd’hui ?
STEPHANE GOMEZ.
Auto Consultant est un cabinet spécialisé dans le recrutement au sein de la distribution automobile. Nous comptons trois branches dans notre activité avec l’automobile, la moto et le poids lourd, pour lesquelles nous sommes chargés de recruter aussi bien pour les groupes de distribution, que pour les constructeurs, les importateurs ou encore les sociétés de services.

JA. Vous êtes donc bien placé pour dresser un état des lieux sur l’emploi aujourd’hui dans la distribution automobile ?
SG.
Globalement, nous avons connu en 2013 une augmentation de l’ordre de 30 % de notre volume de recrutements après un exercice 2012 moyen sans être particulièrement mauvais. Nous constatons donc une demande croissante de nos clients en menant de front 80 missions correspondant à 300-350 recrutements. Cela dit, nous avons pu aussi constater une forte tendance à la destruction d’emplois dans l’automobile et ce à tous les niveaux. Aujourd’hui, il existe trois types de demandes de recrutement : celui qui consiste à remplacer les postes laissés vacants, celui appelé “staffing” quand l’activité de l’entreprise augmente, et enfin celui qui intervient dans le cadre de réorganisation d’une société pour laquelle nous devons trouver des nouveaux talents. Parmi ces trois cas de recrutement, c’est surtout pour le troisième que nous sommes sollicités. Or, il s’agit plus souvent de remplacement que de création, quand les entreprises demandent plus généralement de la “montée en compétence”.

JA. Où allez-vous chercher ces candidats “compétents” dans ce cas ?
SG.
Nous trouvons au sein des entreprises des postes plus adaptés à certains profils. C’est pourquoi on ne parle plus d’emploi, mais plus de mise à disposition des compétences, de talents… On sent dans la distribution automobile une volonté d’en terminer avec les doublons au sein des structures, comme c’était le cas avec la multiplication des chefs des ventes et directeurs de sites. Aujourd’hui, le directeur doit être aussi chef des ventes, et c’est le cas pour plusieurs postes au sein même d’une concession ou d’un groupe, nous assistons à de véritables réorganisations. Ainsi, le nombre de personnes au sein d’un site diminue, mais le niveau de compétence augmente puisque chacun est désormais amené à remplir plusieurs rôles en même temps. En outre, les candidats en concession sont amenés à avoir un profil plus adapté aux métiers actuels de la distribution automobile.

JA. Ces candidats sont donc plus chers pour les recruteurs ?
SG.
L’automobile paie déjà très bien à mon avis. S’il existe une tendance baissière sur certains salaires, le salaire moyen, quel que soit le poste au sein d’une concession, n’est pas un obstacle au recrutement.

JA. Quels sont les réseaux qui recrutent aujourd’hui ?
SG.
Tous les réseaux recrutent, mais encore une fois ceux-ci recherchent avant tout la compétence. On n’a plus le temps de se tromper à l’heure actuelle car il faut aller vite, et pas question non plus de perdre de l’argent. Les distributeurs apprennent aussi à travailler mieux avec moins de personnel, mais celui-ci doit être aussi plus compétent.

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Questions à Fabien Berruyer, RH+ Automotive

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. En quelques mots, quel est le rôle de RH+ Automotive et son lien avec la distribution automobile ?
FABIEN BERRUYER. Il y a dix ans, la société Concept Plus avait été créée afin d’optimiser le conseil et l’organisation dans la distribution automobile. Petit à petit, nous nous sommes spécialisés avec une cellule recrutement, d’où la création de RH+Automotive pour gérer cette problématique. Néanmoins, RH+ Automotive ne fait pas que du recrutement, mais également de la validation de compétences ainsi que du coaching en formation.

JA. Quels sont vos principaux clients au sein de la distribution automobile ?
FB.
Aujourd’hui, 70 % de notre activité recrutement est orientée vers les principaux grands groupes de distribution puisque nous travaillons avec les 30 principaux opérateurs et avec le réseau Porsche notamment.

JA. Ces grands groupes recrutent-ils et quel état des lieux dresseriez-vous du marché de l’emploi dans la distribution automobile ?
FB.
Oui, les groupes de distribution recrutent même si paradoxalement la population de salariés baisse. Pourquoi ? Tout simplement parce que certains profils ont tendance à disparaître au profit de nouveaux auxquels il est demandé plus de compétences. Nous assistons en outre à une vague importante de départs à la retraite, notamment au sein des métiers de l’après-vente, postes qui ne sont pas forcément remplacés en nombre.

JA. Quel est aujourd’hui le profil type du candidat pour une concession ou un groupe de distribution ?
FB.
Nos clients réclament avant toute chose une expérience certaine du monde de l’automobile. Il est très rare de voir maintenant des recruteurs ouverts à des candidats extérieurs au secteur car il y a un jargon, une méthodologie spécifique, un certain savoir-faire, et les recruteurs n’ont plus le temps d’apprendre le métier. Ensuite, et malheureusement, il existe aussi quelques discriminations à l’encontre des seniors ou de la population féminine. Quant à la formation demandée, elle dépend de la spécialisation : pour l’après-vente, le BTS MAVA reste recherché pour ses compétences techniques élevées. Pour les métiers de la vente, le Bac+2, les formations type GNFA ou des écoles des constructeurs sont les plus préconisés. Enfin, la rémunération se situe autour de 1 800 euros bruts pour un vendeur lambda. Reste aux candidats à connaître les exigences des métiers de l’automobile et notamment la disponibilité demandée à un vendeur en termes d’horaires d’ouverture d’une concession par exemple.

JA. Quels sont les postes les plus à pourvoir ?
FB.
Les postes de vendeurs car il existe un turnover naturel, il en va de même pour ceux de conseillers en diagnostics, très difficiles à pourvoir pour les concessionnaires notamment parce que les formations pour ce type de postes sont très élevées.

JA. Les récentes évolutions du métier, notamment avec le développement de la digitalisation ou les exigences en termes de relation clients demandées par les constructeurs, obligent-elles les candidats à élargir leur palette de connaissances ?
FB.
Tout à fait. L’utilisation de plus en plus fréquente du CRM demande certaines compétences, or peu l’exploitent à son maximum, c’est dommage car c’est un outil qui permet au vendeur d’aller plus loin dans son métier. Le temps où le vendeur restait derrière son bureau est bel et bien terminé ! Le vendeur se doit d’être le plus réactif possible, d’aller au-delà de son métier de base et d’être qualitatif.

JA. Quelles conclusions pour les candidats ?
FB.
Les places sont chères dans la distribution automobile aujourd’hui, le plus important, pour les candidats, reste de suivre les évolutions du ou des métiers, voire même de les anticiper.

 

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