Véhicules hors d’usage : le décret se révèle enfin
La coïncidence n'était pas fortuite : le 1er décembre 2022, alors que la Première ministre, Elisabeth Borne, visitait le centre VHU Surplus Recyclage à Gaillac, dans le Tarn, le décret d’application de la loi Agec, définissant les règles de gestion relatives aux VHU, a été publié.
Pour mémoire, l‘article 62 de la loi Agec n° 2020-105 du 10 février 2020 prévoit la mise en place d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les producteurs de certaines catégories de véhicules à moteur (VP, VU, véhicules à deux ou trois roues, quads et voiturettes), afin d’en assurer la reprise sans frais sur tout le territoire national lorsque ces véhicules deviennent hors d’usage. C'est donc le décret d’application de cette disposition qui a été publié au Journal officiel.
Il définit les règles de gestion relatives aux VHU en ce qui concerne leur collecte et traitement, et précise les conditions et les modalités de mise en œuvre de l’obligation de REP applicable aux constructeurs et importateurs de ces véhicules. Le texte cadre les obligations de prise en charge financière des coûts de collecte et de traitement de ces véhicules, mais aussi de gestion des dépôts de véhicules abandonnés.
Plusieurs motifs de satisfaction
Très attendu par l'ensemble de la filière, qui s'est montrée jusqu'ici inquiète sur l'application de la loi Agec, le décret a rassuré – en partie – les acteurs du secteur. "La lecture de ce texte est en grande partie positive. Nous avions fait plusieurs propositions au gouvernement, lors de la présentation de notre Livre blanc, en début d'année et une grande partie d'entre elles ont été retenues", confie Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs de VHU de Mobilians.
L'organisation professionnelle se satisfait, tout d'abord, du maintien de l'approvisionnement direct en VHU des déconstructeurs, qui pourront continuer à collecter des épaves auprès de leurs fournisseurs habituels (assureurs, particuliers, concessionnaires, etc.). De plus, le texte précise que les éco-organismes et systèmes individuels ne pourront pas interdire aux opérateurs le démontage de pièces. "C'était aussi une de nos demandes", souligne Patrick Poincelet.
Autre victoire des démolisseurs : la pièce issue de l'économie circulaire (Piec) ne sera plus considérée comme un déchet. "C'est une requête que nous portions depuis de longues années. Ce changement de statut va notamment faciliter nos ventes à l'export. Il va aussi avoir son importance avec le traitement des batteries des véhicules électriques", indique le président.
Parmi les autres points positifs pour la filière, le décret oblige désormais les fabricants de pièces à fournir aux démolisseurs les informations nécessaires pour permettre le démontage, et le référencement des Piec. "Jusqu'ici, nous étions contraints de travailler avec les éditeurs de catalogues pour établir nos référentiels", rappelle Patrick Poincelet.
Enfin, ce dernier salue aussi l'obligation, pour faire commerce de pièces de réemploi, de fournir un numéro d'agrément. Autrement dit, seuls les centres VHU agréés pourront distribuer des Piec.
"Désassemblage" : un point de discorde
Si le décret d'application a donc tenu compte de plusieurs revendications des professionnels de la filière, ces derniers pointent malgré tout du doigt quelques passages à revoir dans le texte. Un point cristallise tout particulièrement les critiques chez Mobilians : l'utilisation du terme "désassemblage" pour définir l'activité d'un centre VHU.
"Ce terme est apparu par un tour de passe-passe à la dernière minute, à la demande des récupérateurs de métaux et centres qui détruisent les voitures sans valorisation de pièces... Or il ne convient pas à notre activité et il va, surtout, à l'encontre de l'esprit de cette loi et des obligations européennes. Seuls 840 centres VHU produisent aujourd'hui de la pièce de réemploi. Ce n'est pas suffisant : il faut encourager le démontage de pièces pour répondre à la demande. Nous voulons que ce terme disparaisse du texte, c'est très important à nos yeux", insiste le président de la branche des recycleurs de VHU de Mobilians.
Parmi ses autres requêtes, le syndicat professionnel souhaiterait faire apporter des précisions à certains passages du décret, jugés trop "ambigus". Exemple : que seuls les véhicules économiquement et techniquement irréparables soient intégrés dans le flux de VHU collectés par les centres. Enfin, Patrick Poinclet entend aussi clarifier la liberté de commerce des déconstructeurs autour des Piec. "Nous voulons garder notre capacité à vendre nos pièces à qui nous le voulons."
Quid des contrats de gestion de VHU ?
Si le décret d'application de la loi Agec se révèle donc moins contraignant que prévu, les professionnels de la filière n'en restent pas moins prudents, n'oubliant pas qu'ils seront contraints, au 1er janvier 2024, de nouer un contrat avec un ou plusieurs éco-organisme(s) et/ou système(s) individuel(s) pour continuer leur activité.
A lire aussi : Etat des lieux de la filière des VHU avant l'application de la loi Agec
Or, la nature de ces contrats et de leur cahier des charges suscitent encore de nombreuses interrogations... D'autant que le marché automobile tricolore se concentre aujourd'hui autour de trois principaux groupes : Stellantis, Renault et Volkswagen AG.
"Ces trois acteurs représentent 80 % du marché en France et veulent opter pour des systèmes individuels. On s'interroge donc sur le contenu de leur contrat… Nous avons quelques inquiétudes même si nous avons aujourd'hui un peu plus de poids avec ce décret qui nous donne des leviers de négociation" conclut Patrick Poincelet.
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