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Une course technologique contre le vol

Publié le 7 juillet 2023

Par Louis Choiset
11 min de lecture
Le fléau du vol de véhicules et ses techniques se développent au rythme des avancées technologiques. Animés par différents mobiles, les voleurs orchestrent leur pratique de manière toujours plus organisée.
En France, les vols de véhicules ont progressé de 9,3 % en 2022. ©AdobeStock/Methaphum

Le nombre de vols de véhi­cules avait largement baissé en 2020 et 2021. Mais deux ans plus tard, il s’avère que ce n’était que de la poudre aux yeux laissée par la pandémie. Aujourd’hui, l’écran de fumée se dissipe et les chiffres re­partent à la hausse.

 

Selon Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA (Sé­curité et réparation automobiles), ils devraient même "continuer à augmenter dans les années futures". L’inquiétude se mesure au bilan du gouvernement sur l’année 2022. Bien qu’ils n’aient pas encore atteint leur nombre d’avant‑crise sanitaire (140 400 en 2019), les vols de véhi­cules (automobiles ou deux‑roues motorisés) ont augmenté de 9,3 % par rapport à 2021, avec un total de 132 636.

 

Même dynamique pour le vol dans les véhicules, l’infraction la plus répandue affiche une hausse de 9,7 %. Pour couronner le tout, l’évolution s’accentue pour le vol d’accessoires qui explose avec une montée en flèche estimée à 30,5 % en comparaison de 2021. "Il y a de l’innovation du côté des voleurs mais aussi du côté des fournisseurs de solu­tions où nous avons plusieurs types de systèmes qui arrivent à des résultats plutôt surprenants", rapporte Jad Tabet, directeur de la filiale fran­çaise du groupe Targa Telematics qui équipe aujourd’hui, en Europe, 2,5 millions de véhicules de sa tech­nologie antivol en s’adressant parti­culièrement aux flottes des loueurs.

 

Prévention, récupération

 

En effet, si les technologies antivol se développent, l’entreprise est aux pre­mières loges de l’ingéniosité de cer­tains malfaiteurs. Targa Telematics s’appuie sur deux axes pour assurer la sécurité des véhicules de ses clients. "Il y a d’abord la prévention contre le vol qui rassemble de nombreux outils et services, comme les "control rooms". Il s’agit de centres de contrôle constitués d’agents formés et disposant d’un ensemble d’outils logiciels que nous avons développés, intégrant des fonctions d’intelligence artificielle et de machine learning", détaille Jad Tabet.

 

Le deuxième axe étant la récupération du véhicule : "Nous sommes alors en mode passif, le client nous appelle pour prévenir du vol et là, c’est une course contre la montre. Les agents de sécu­rité dans les centres de contrôle ont les accès nécessaires auprès des forces de police pour coordonner les actions."

 

Lors de cette phase de prévention, les agents vont recevoir des notifications lorsqu’une anomalie est signalée sur un véhicule surveillé. Cela peut être à cause d’une balise déconnectée ou de la présence de la voiture dans un lieu anormal. Un dispositif qui a per­mis de découvrir différentes organi­sations de vol, notamment en Italie.

 

Un client loue une voiture, la sta­tionne, garde les clés sur lui, pour­tant, le lendemain, le véhicule s’est volatilisé. Une affaire digne du Mys­tère de la chambre jaune, cependant, le secret de la combine est vite trouvé.

 

Quelques semaines plus tôt, les mal­faiteurs ont loué la même voiture, ont pris soin d’installer leur propre GPS pour assurer sa localisation et ont fait un double de la clé. Ils n’ont alors plus qu’à retrouver le véhicule grâce au GPS, puis à en prendre possession avec la deuxième clé.

 

©Adobe Stock/Andrzej

 

Pour déceler ces techniques, la technologie et l’hu­main sont complémentaires. Avec ses control rooms, Targa Telematics affiche un taux de récupération de 95 %. "Il y a plusieurs niveaux de service qui vont du plus basique au plus élevé. Pour le plus basique, sans les centres de contrôle, nous avons des taux de récupération de l’ordre de 85 %", indique Jad Tabet. Cette or­ganisation fait également le succès de Coyote. Grâce à ses solutions, l’entre­prise affiche un taux de récupération de 91 % après 48 h.

 

Notre efficacité vient du fait que nous com­binons des solutions technologiques et humainesexplique Stéphane Curtelin, directeur marketing et pro­duits chez Coyote.

 

L’an dernier, Coyote a installé 100 000 boîtiers sur des véhicules, portant le total à 400 000 unités tra­cées en France et en Belgique. Une fois la plainte déposée pour un vol, l’entreprise peut s’appuyer sur une équipe d’enquêteurs et de détectives pour retrouver le véhicule. "Notre efficacité vient du fait que nous com­binons des solutions technologiques et humaines. Nos hommes sont des en­quêteurs et des détectives qui nous per­mettent d’avoir des informations non seulement quantitatives mais aussi qualitatives", explique Stéphane Curtelin, directeur marketing et pro­duits chez Coyote.

 

Du côté de Roole, l’ambition est de rendre accessible au plus grand nombre un dispositif an­tivol, baptisé la balise Rx. Il s’agit de la première innovation communautaire du secteur. "Nous avions cette envie de faire un système connecté beaucoup plus simple et à bas prix (49 euros). Cependant, la balise Rx est plus un complément du gravage antivol qu’un service de localisation pas cher. Le gravage, moyen de dissuasion, apporte plus d’efficacité au package. Le but pour nous, c’est qu’à terme, nous ayons 8 clients sur 10 qui achètent cette ba­lise, quand ils protègent leur voiture contre le vol, en plus du gravage", an­nonce Jonathan Tuchbant, directeur général de Roole.

 

En bande organisée

 

Aujourd’hui, l’enjeu de ces dispositifs est d’autant plus grand lorsque l’on sait que ces entreprises doivent faire face à une réelle organisation chez les malfaiteurs. "Il arrive parfois que nous ne retrouvions pas un mais cinq véhicules, alors qu’un seul est équipé d’un trackeur. Aujourd’hui, il est clair que les vols sont opérés par des filières organisées. Celles‑ci sont en opposition au petit malfrat qui voudrait voler un véhicule pour dépanner ou pour le revendre tout seul", argumente Stéphane Curtelin.

 

Une tendance confirmée par Jad Tabet :"Dans une zone géographique large de la taille d’une grande ville et de sa périphérie, sur une courte période, plusieurs véhi­cules ont été volés. Dans une entreprise du sud de la France, en 15 jours, les préjudices ont été de 1 million d’eu­ros. Nos dispositifs nous permettent de retrouver des véhicules volés parfois accompagnés d’autres non équipés. Preuve d’un mécanisme bien huilé chez les malfaiteurs."

 

Quatre issues principales

 

Ces systèmes ont levé le voile sur plu­sieurs filières, pouvant ainsi détailler le sort des produits dérobés. Elles se di­visent en quatre issues. Parmi les plus courantes, la revente des pièces détachées et le blanchiment des véhicules.

 

Dans le premier cas, cela permet l’alimentation d’un vaste marché noir à l’étranger ou sur le Web. Parmi les pièces prisées des mal­faiteurs, les pots catalytiques sont dé­robés pour le rhodium qu’ils contiennent, une spécialité des filières de l’Est.

 

En ce qui concerne le blan­chiment des véhicules, le procédé consiste à remettre, par exemple, une voiture volée en circulation sur le ter­ritoire. Pour ce faire, plusieurs moyens sont bons. Parmi eux, la créa­tion frauduleuse de numéros de châs­sis et la production de documents volés ou falsifiés.

 

©Adobe Stock/TomaszZajda

 

Parmi les différents mobiles, les re­lations avec les pays étrangers ne sont jamais très loin. Entre les fi­lières situées en Afrique de l’Ouest, du Nord, dans les pays baltes et ceux de l’Europe de l’Est, c’est autant de destinations prisées par les organisa­tions.

 

Pour l’export de véhicules volés vers l’étranger, les équipes travaillent sur leur commande et leur revente. Celle‑ci étant facilitée par la possibili­té d’une reconfiguration électronique de ces véhicules.

 

Dans certains cas, les vols peuvent également permettre l’alimentation du grand banditisme pour la réalisation de braquages ou de go fast, mais aussi des zones de guerre.

 

787 millions d'euros de coût total de sinistralité en France

 

Au centre de cet écosystème malheu­reusement créé par le vol de véhicules, se trouvent les principaux concer­nés, les automobilistes. Victimes, ces derniers doivent faire face à une problématique logistique mais aussi financière.

 

Un point qui nous amène vers d’autres dommages collatéraux, chez les assureurs. Ceux‑ci présentent un intérêt particulier à cette problé­matique. La raison, un coût total de la sinistralité en France qui atteint au­jourd’hui 787 millions d’euros. L’effi­cacité dont font preuve les entreprises comme Coyote a donc des avantages à la fois pour les clients, mais aussi les assureurs.

 

"Lorsqu’un client se fait voler son vé­hicule, l’intérêt, c’est d’être rapidement indemnisé pour pouvoir le remplacer. Ensuite, le deuxième point, c’est en termes de mobilité, comment va‑t‑il faire en attendant ?", expose Dona­tien Levesque, directeur des sinistres au sein de Direct Assurance.

 

Pour répondre à ces deux points, les assurances proposent en option le prêt d’un véhicule de remplacement pour une durée variable, 30 jours chez Direct Assurance. "Pour cela, il faut souscrire au pack tranquillité ou pack sérénité pour, respective­ment, des sommes de 3,90 et 6,90 eu­ros par mois."

 

Les assurances proposent des véhicules de prêt

 

Dans ce cadre‑là, dans les 24 h qui suivent, un véhicule de prêt est trou­vé au client. Afin d’entrer dans ces procédures, il doit impérativement porter plainte. À ce moment‑là, Di­rect Assurance vérifie que celui‑ci a bien souscrit à une garantie vol, présente dans deux des quatre for­mules proposées par l’assureur. L’as­suré doit ensuite fournir les factures utiles à son indemnisation.

 

Au bout des 30 jours de prêt, la victime en­voie à l’assureur les clés et la carte grise du véhicule prêté dans une en­veloppe. "Dès la réception, nous pro­cédons à l’indemnisation", explique Donatien Levesque.

 

Avec des vols de plus en plus fréquents, l’assureur tient à conseiller et mettre en garde ses assurés comme l’annonce le di­recteur des sinistres de Direct As­surance. "Via de l’e‑mailing ou sur notre site Internet, nous avons tenu à mettre en garde nos clients sur les vols. Nous leur conseillons de prêter attention aux clés. Si ces dernières se trouvent visibles lors d’un cam­briolage, par exemple, il est fréquent qu’un vol de voiture suive l’effraction. Autre conseil, ne pas laisser la carte grise dans la voiture et bien garder toutes les factures liées aux dépenses concernant le véhicule. Si on est concerné par le leasing, prendre l’op­tion protection financière leasing." Autant de mesures prises, symbole d’unité et de complémentarité chez les acteurs de l’antivol.

 

La course contre la montre est lancée et l’en­semble du secteur s’apprête à faire face aux vagues grandissantes de vols dans les années à venir.

 


 

En 2022, le vol touche l’ensemble des régions françaises

 

 

"Nous entrons dans une nouvelle dimension et aucune région n’est épargnée", annonce Stéphane Curtelin, directeur marketing et pro­duits chez Coyote. Selon l’observa­toire de Coyote, les trois régions les plus exposées pèsent pour 52 % des vols recensés en France, d’après le fournisseur de solutions de connec­tivité et d’aide à la conduite. Parmi celles‑ci, la Provence‑Alpes‑Côte d’Azur qui enregistre une hausse de 12 %, l’Auvergne‑Rhône‑Alpes (+11 %) et l’Île‑de‑France (+4 %). Du côté des régions habituellement moins touchées, la ten­dance est identique. De la Bretagne (+29 %) jusqu’au Centre‑Val de Loire (+21 %), en passant par la Bourgogne‑Franche‑Comté (+14 %), ce phénomène est une première. L’entreprise s’est également penchée sur les tendances de risque de vol. "Celui‑ci se matérialise par un taux de sinistralité, c’est‑à‑dire le nombre de véhicules volés pour 1 000 véhicules équipés de la solution Coyote Secure", précise‑t‑il. Comme à son habitude, l’Île‑de‑France est en première place. La région enregistre à la fois le plus grand nombre de vols et le taux de sinistralité le plus élevé avec 5,9 pour 1 000. Elle est suivie par la Provence‑Alpes‑Côte d’Azur (4,2 pour 1 000), en augmen­tation de 2,4 % par rapport à 2021. L’Auvergne‑Rhône‑Alpes complète le podium avec 2,9 pour 1 000 et accuse la hausse du taux de sinistralité la plus importante (+26,1 %).

 


 

Roole, auteur d’un antivol communautaire inédit

 

Même système que pour les AirTag d’Apple ou l’application TousAntiCovid, la balise Rx de Roole fonctionne avec le Bluetooth. Dissimulée dans un véhicule, elle peut être détectée soit par les forces de l’ordre, soit par l’un des membres du réseau Roole. Le système est accompagné de l’application Roole Protect. De cette manière, les autorités peuvent détecter la balise cachée dans un véhicule volé dans un rayon de 50 m et ainsi intervenir rapidement pour le récupérer. Même finalité dans le cas où un membre Roole, doté de l’application Roole Premium, passe dans un rayon de 50 m d’une voiture volée et équipée d’une balise Rx, celui‑ci peut remonter automatiquement la position de la balise et donc du véhicule en question aux forces de l’ordre.

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