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Stéphane Priami : "L'automobile représente déjà 60 % des activités de CACF"

Publié le 18 décembre 2023

Par Catherine Leroy
11 min de lecture
Depuis deux ans, Crédit Agricole Consumer Finance déroule une stratégie massive de prise de parts de marché sur le secteur de la mobilité automobile en France mais aussi en Europe. Stéphane Priami, directeur général de CACF et directeur général adjoint de Crédit Agricole SA, en est le maître d’œuvre.
CACF Stéphane Priami
Stéphane Priami, directeur général adjoint de Crédit Agricole SA et directeur général de Crédit Agricole Consumer Finance. ©Joël Saget pour AFP

Le Journal de l’Automobile : Dès le 1er janvier 2024, Sofinco Auto Moto Loisirs et CA Auto Bank vont fusionner en France. Pourquoi?

Stéphane Priami : Au départ, garder les deux entités nous semblait simple. En France, le point de contact était Sofinco mais dès qu’une vision plus internationale nous était demandée, la relation passait entre les mains de CA Auto Bank. En réalité, cette logique ne correspond pas aux besoins de nos clients en France. Nous avons sous-estimé le fait que les clients de Sofinco qui souhaitent élargir le partenariat à l’international, comme Tesla ou encore MG Motor, veulent garder le lien avec les équipes de Sofinco. Tout en préférant les outils de CA Auto Bank qui sont vraiment performants. Nos clients veulent le meilleur des deux mondes. Le facteur déclenchant a été MG Motor qui souhaitait la fusion des deux. C’est ce que nous avons choisi de faire. Nous aurons donc une entité commune avec les outils et les process de CA Auto Bank. Nous y ajoutons deux éléments distinctifs de Sofinco à savoir la proximité locale avec treize agences et l’animation commerciale avec des offres packagées.

 

J.A. : Quelles seront les conséquences ?

S.P. : Sur le plan commercial, nos offres pourront être déployées plus facilement, comme par exemple depuis cet été, le financement à 99 euros lancé avec la MG 4 puis la MG 5 en septembre. Sur le plan humain, le nouvel ensemble sera composé des 450 salariés des deux entités, dont le transfert a été réalisé. Le tout sera sous la responsabilité d’Etienne Royol. L’autre avantage est énorme sur le plan stratégique. Nous étions toujours en troisième position sur le marché français. Avec cette réunion, nous passons deuxième, derrière CGI Finance. Et nous nous sommes fixés cet objectif d’être les leaders en France. Sofinco continuera d’exister mais sur le secteur de la grande distribution avec notamment la Fnac, Darty, Ikea, Decathlon et de la clientèle directe. Nous allons tout moderniser avec des process très fluides, de l’openbanking, de la data et essayer de faire de ce cœur historique séparé de l’automobile une entité encore plus puissante. Nous sommes les seuls à être présents dans 19 pays européens, avec une offre complète de produits :  la LLD, la LCD... C’est essentiel. Lorsque nous allons voir un concessionnaire ou un constructeur, nous pouvons leur proposer du crédit à la consommation, des offres de location, une franchise Drivalia pour, par exemple, proposer des véhicules de courtoisie. C’est une cohérence globale du marché.

 

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J.A. : Quelle est la rentabilité de l’automobile pour une banque comme le Crédit Agricole ?

S.P. : L'objectif de rentabilité de CACF se situe entre 10 % et 15 %. Mais il est difficile d’atteindre cette performance sans le financement automobile. Grâce à l’activité de services, vous pouvez être au-dessus. Cela nous permettra de conforter notre objectif.

 

Nous profitons que le secteur de la mobilité progresse pour protéger l’outil Sofinco, le restructurer pour qu’à la sortie de crise, il soit le leader

 

J.A. : D’autres secteurs sont-ils à ce niveau de rentabilité ?

S.P. : Certaines activités de la banque d’investissement, par exemple. Avec plus de 10 %, nous serons donc plutôt un bon élève. Même si sur les financements traditionnels, nous souffrons un peu avec les taux de refinancement qui ont beaucoup augmenté. Mais comme les modalités de fonctionnement du leasing sont plus souples, nous arrivons à limiter l’impact de la hausse des taux.

 

J.A. : Votre activité de banque de dépôt vous rend-elle plus forts que vos concurrents vis-à-vis des taux de refinancement ?

S.P. : La période actuelle rend les choses plus compliquées. Et avec près de 8 000 agences en France en intégrant les caisses régionales et LCL, notre banque de proximité collecte beaucoup. Mais nous sommes aussi les leaders du marché de l’habitat. Et lorsque vous faites des prêts immobiliers de 200 000 à 300 000 euros sur 20 ans, vous injectez plus de liquidité que d’autres banques, qui ont abandonné cette tranche de financement. C’est un choix que le groupe assume car notre force est notre modèle de banque universelle qui nous permet d’envisager une relation globale avec les clients en poursuivant nos métiers traditionnels tout en multipliant les offres et les services. Comme nous avons pu le faire dans les assurances, la télésurveillance, l’immobilier et dernièrement dans la mobilité. Sur ce dernier point, nous devenons un peu les référents du marché depuis deux ans.

 

Les services sont insensibles aux variations de marges. Plus vous avez de services, plus vous pouvez rogner un peu sur vos marges

 

Nous sommes alignés avec les différentes entités au sein du Crédit Agricole. Notre outil est parfaitement homogène et lorsqu’un opérateur étranger souhaite intégrer le marché français, nous avons une solution pour toute l’Europe, avec une vision à long terme. Nous profitons que le secteur de la mobilité progresse pour protéger l’outil Sofinco, le restructurer pour qu’à la sortie de crise, il soit le leader.

 

A lire aussi : La hausse des taux fragilise le financement automobile

 

J.A. : Que pèsera CA Auto Bank dans CACF ?

S.P. : CACF affiche un encours de 111 milliards d’euros. CA Auto Bank, au total pèse déjà près de 26 milliards d’encours, auxquels il faut ajouter six milliards environ issus de Leasys, notre coentreprise avec Stellantis et les encours auto des différentes entités à l’international. Notre objectif était que l’automobile représente 50 % de nos business en 2025. Nous sommes déjà à 60%. Mais nous devons aussi être prêts à allumer notre deuxième moteur que représente le crédit à la consommation au cas où il y aurait un retournement du marché automobile. Aujourd’hui, c’est la mobilité qui nous aide par rapport au marché historique. Demain, ce peut être le contraire.

 

J.A : Quels seront vos autres moteurs dans la mobilité ?

S.P. : Les services sont un axe majeur de développement. En décembre, nous aurons financé un million de véhicules depuis le début de l’année 2023. Si sur ce million de véhicules nous parvenons à ajouter 30 à 40 % de services, nous augmenterons significativement notre activité. Avec un avantage indéniable : les services sont insensibles aux variations de marges. Plus vous avez de services, plus vous pouvez rogner un peu sur vos marges.

 

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J.A. : Quels sont les services que vous allez développer ?

S.P. : Aujourd’hui, nous achetons ou nous passons des deals pour rattraper le retard que nous avions. C’est notamment le cas avec Opteven. Avec Hiflow, nous changeons le monde de l’automobile. Nous allons livrer votre voiture, la mettre en main, nous viendrons la chercher pour la réparer. Nous pourrons vous apporter un véhicule si vous avez besoin d’une location de courte durée. Grâce à une simple application, vous pourrez l’ouvrir et effectuer votre déplacement. C’est quelque chose d’assez incroyable. Au fur et à mesure que le volume de contrats gérés par Hiflow va progresser, le modèle sera de plus en plus pertinent. Le seul problème des livraisons de voiture, c’est qu’il faut beaucoup de volume et un outil informatique qui permette, si quelqu’un vous amène un véhicule, qu’il ait un autre véhicule à récupérer. C’est une grosse machine. Travailler sur les bornes de recharge, nous intéresse également. Et nous avons aussi des idées sur le paiement de l’électricité sur les bornes. Aujourd’hui, le système est encore trop complexe avec beaucoup de cartes différentes.

 

 

En 2024, notre point d’action se portera d’ailleurs sur notre capacité à faire du remarketing

 

 

J.A. : Si le marché de mobilité ne croît pas aussi vite que prévu, quel impact sur votre plan stratégique ?

S.P. : Tous les marchés sont cycliques et nous savons très bien que le marché de l’automobile connaîtra des à-coups. Ce sera peut-être l’année prochaine. Personne ne sait réellement. Mais nous sommes déjà en avance sur notre plan puisque nous avions annoncé dix milliards d’euros d’encours en 2026 pour CA Auto Bank. Nous atteignons déjà près de 26 milliards d’euros. Donc même si le marché baisse, cela ne veut pas dire que notre activité sera en baisse. Si la croissance d’encours s’arrête et que nous restons à ce niveau, les services que nous allons ajouter nous apporterons de la valeur. Je suis très optimiste. En outre, nous travaillons beaucoup sur nos autres métiers historiques. Et lorsque les problématiques de taux de refinancement, de taux d’usure vont se tasser, le marché du crédit à la consommation va repartir et nous en serons les leaders.

 

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J.A. : Comment s’intègre Agilauto dans votre organisation et quel est son rôle sur les ventes de véhicules d’occasion ?

S.P. : Agilauto, c’est en France, la capacité pour les agences des Caisses régionales du Crédit Agricole et de LCL, de louer en longue durée des voitures. Tant pour les particuliers que pour les entreprises et les professionnels. Je pense que la commercialisation par les agences va exploser. C’est également un énorme levier pour le marché de l’occasion. Aujourd’hui, vous avez sur le site agilauto.com l’une des plus grosses concessions digitales de France. Actuellement, plus de 10 000 voitures sont proposées en location, qu’elles soient neuves ou d’occasion. Pour l’instant, les véhicules sont sourcés par des tiers. Mais si demain, nous voulons réinjecter nos retours de LLD ou de LOA, nous pourrons le faire et élargir cette offre. En 2024, notre point d’action se portera d’ailleurs sur notre capacité à faire du remarketing.

 

J.A. : N’est-ce pas une forme de concurrence avec les sites de vos propres partenaires ?

S.P. : Aujourd’hui dans le secteur automobile, tout le monde est à un moment ou un autre concurrent de tout le monde. C’est la réalité. Je ne vois pas de concurrence frontale. Le marché est tellement ouvert que c’est in fine le client qui choisit. Lorsqu’un marché est aussi ouvert, personne ne peut vous dire que vous êtes en concurrence. On ne gagne pas en fermant ce marché.

 

J.A. : Est-ce que des captives de constructeurs pourraient être en danger ?

S.P. : Le critère est très simple. Est-ce que vous avez dans une captive de taille moyenne les moyens de gérer plus de dix pays et du digital performant ? Si la réponse est oui, il n’y a pas de raison que vous ne surviviez pas. Sinon, il faut s’allier avec quelqu’un d’autre. La technologie, l’outil digital et de gestion informatique sont des sujets centraux. Et avec la compression des marges, la rentabilité va baisser. Aujourd’hui, celle-ci est encore très importante. Mais demain avec les nouveaux défis de la technologie et de la digitalisation, des risques peuvent survenir. N’oublions pas qu’une vingtaine de nouvelles marques arrivent ou vont arriver sur le marché européen dans les deux ans à venir : GM qui revient, Gac avec Aion, Vinfast, Fisker, BYD…

 

J.A. : Comment évoluent les marges actuellement ?

S.P. : Les marges sur la LOA et la LLD ont été préservées et comme les taux de refinancement se stabilisent, l’avenir est plus vert que rouge. Sur les financements plus traditionnels, c’est plus compliqué. C’est pour une de ces raisons que notre accord avec Stellantis, qui porte sur la LLD, est si pertinent. Après, il faut toujours être vigilants sur les conditions de marché, à ne jamais sous-estimer les concurrents. Nous sommes toujours dans une gestion avec une grande agilité de l’entreprise et un soutien des salariés. Chez CACF, 85 % des plus de 10 000 salariés adhèrent et soutiennent notre stratégie. C’est une grande force.

 

A lire aussi : Leasys, nouveau géant européen de la LLD

 

J.A. : Avez-vous renégocié vos accords avec les distributeurs ?

S.P. : Nous n’avons rien renégocié sauf dans le domaine du courtage. Une très grande partie de nos financements se font sous forme de location au sens large et sont moins soumis à la pression des marges. Pour faire simple, et pour les particuliers et les entreprises : 60 % des financements ont recours à la location dont 50 % en LLD. Pour les particuliers seuls, 55 % des financements concernent la location dont 10 % la LLD. Mais cette dernière progresse vite, de l’ordre de 20 % par an. Et les crédits traditionnels baissent de 15 % par an. Et comme nous savions que la LOA allait entrer un jour ou l’autre dans le champ de la directive sur le crédit à la consommation, nous avons déjà commencé à pousser la LLD. Toutes ces actions sont au service de notre objectif principal : devenir leader de la mobilité verte en Europe.

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