Sites Marchands - Retour à la raison et aux fondamentaux
Sur tout type de marché, il existe des leaders, des challengers et des outsiders. En quête de maturité et de repères, les acteurs du secteur des petites annonces automobiles se sont naturellement inspirés de marchés plus mûrs et structurés, tels que l’Allemagne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, afin d’imaginer un scénario assez concret de ce que devrait être ou sera le marché hexagonal. En gros, deux acteurs dominants, voire trois, et personne derrière. Voilà pourquoi, depuis huit ans, les différents protagonistes annoncent une concentration inéluctable. Pourtant, rien n’y fait, le marché français ne se concentre pas. Sept ou huit acteurs, représentatifs, sérieux, revendiquant une vraie place, continuent de cohabiter dans un climat forcément concurrentiel. Une première étape a été franchie avec l’émergence évidente de deux acteurs dominants, La Centrale et Le Bon Coin, dont le leadership n’est plus contesté ni contestable. Cette recomposition du paysage s’est alors accompagnée d’une bataille effrénée pour la conquête de la troisième marche du podium, comme aux Jeux olympiques. Il est certain qu’une quatrième ou cinquième place, sur la plaquette, c’est moins joli.
Le volume, une variable savonneuse
Pressés par le temps, les actionnaires ou les enjeux économiques, les “challengers” se sont lancés dans une course aux volumes d’annonces artificielles, via des offres gratuites ou plus ou moins gratuites – une surenchère dénoncée par untel ou untel – en reniant parfois certains principes élémentaires : la performance et la satisfaction du client. Finalement, le professionnel se soucie peu de savoir quelle position occupe tel ou tel acteur sur le marché – le classement Médiamétrie est surtout un référent pour les agences publicitaires –, il recherche avant tout des contacts “chauds”, qualifiés, et un retour sur investissement. “Nous mesurons l’impact de chaque site lors de la vente du véhicule, afin de demander au client par quel biais il est entré en contact avec nous”, décrit Sébastien Beke, dirigeant de Beke Automobiles (94), qui travaille aujourd’hui avec cinq sites de petites annonces. “La Centrale et le Bon Coin sont incontournables. Le premier est cher, mais il est clairement le plus performant à ce jour, puisqu’il représente 50 % des retours générés sur l’ensemble des sites utilisés, dont le nôtre. Arrive ensuite Le Bon Coin, qui engendre beaucoup d’appels, mais dont très peu sont qualifiés. Il n’en reste pas moins indispensable. J’attends de ces sites du trafic, des ventes et de la rentabilité. Mais il est évident que si les autres acteurs affichent des tarifs identiques ou un peu moins chers que La Centrale, nous arrêterons.” Certaines sociétés ont d’ailleurs développé des outils de traçabilité afin de mesurer l’impact des principaux opérateurs.
Trouver le juste prix
Le meilleur juge de paix, difficilement vérifiable, pour évaluer la qualité d’un site est souvent le taux d’annulations. C’est alors que la gratuité montre toutes ses limites. La réalité a démontré qu’il était très compliqué de faire basculer en payant un client utilisateur du site gratuitement, sauf à avoir la notoriété et la position du Bon Coin. En position de conquête, puisque plus récent sur le secteur, VivaStreet est le seul aujourd’hui à adopter un positionnement gratuit, ou “Freemium”, afin d’accroître son volume d’annonces de distributeurs. Mais pour combien de temps ? En revanche, la multiplicité des acteurs implique d’adopter un positionnement tarifaire adapté, le plus souvent par rapport à La Centrale, si l’on se fie à la déclaration de Sébastien Beke. “La question est de savoir quelle perception le client a du service proposé et surtout quel prix il est prêt à dépenser”, soulève Vincent Hancart, directeur général d’AutoScout24, qui annonce des tarifs deux fois moins chers, en moyenne, que ceux de La Centrale. Le site ParuVendu, qui propose depuis janvier une offre illimitée de 49 euros par mois, ne cache pas non plus son positionnement “très agressif”. “Cette offre nous a déjà permis de capter 300 professionnels, se félicite Laurent Radix, président de ParuVendu. Le volume de petites annonces est une variable très discutable, je dirais même que ce n’est pas important. La seule valeur est le nombre de professionnels que nous signons. Aujourd’hui, nous avons un portefeuille de 2 150 clients, contre 600 l’an passé, c’est un indicateur qui prouve que le site fonctionne bien. Nous rentrons également depuis janvier de nouveaux annonceurs sur notre site, tels que Axa, Sofinco ou Allopneus, un autre signe de bonne santé et de crédibilité.” Selon Nicolas Cosson, directeur général d’AutoReflex, qui revendique actuellement un volume de 70 000 annonces, “il n’existe pas de volume minimum pour être représentatif”. Pas certain que les autres responsables abondent en ce sens. “Nous proposons à ce jour 200 000 annonces, c’est un minimum pour satisfaire les internautes”, juge de son côté Vincent Hancart.
Du bon respect de l’équilibre vertueux
L’enjeu est surtout d’être bon, tout simplement, ce qui implique d’être solide sur tous les items : le volume, l’audience, l’efficacité, tout en assurant un accompagnement et en développant des services. Et sur ce point, tous les acteurs sont unanimes. Les annonces sans l’audience, cela n’est pas viable, pas plus que la notoriété sans les annonces. “La clé est d’augmenter son volume d’annonces proportionnellement à son audience, et plus l’audience augmentera plus naturellement nous séduirons les professionnels. Il faut un juste équilibre entre les annonces et les visiteurs”, résume Nicolas Cosson. Le dirigeant est bien placé pour en parler. AutoReflex, détenue par le groupe EMAS Digital (Mondadori et Axel Springer France) depuis 2011, a voulu “impressionner” son nouvel actionnaire en frappant fort sur le plan commercial entre 2012 et 2013, via une offre gratuite de six mois. L’opération s’est très vite révélée contre-productive. Depuis l’an passé, le site a clairement changé de fusil d’épaule. “La croissance à tous crins n’a pas de sens. Nous ne sommes pas ou plus dans une guerre des prix ni dans une course aux visiteurs uniques. Notre cœur de métier n’est pas la publicité. Sur ce secteur, il est impossible d’exister sur le long terme si on raconte des bobards aux clients. Nous voulons repositionner AutoReflex dans la durée et avoir une approche irréprochable, et apporter des choses nouvelles. Nous n’avons pas pour ambition de damer le pion de La Centrale ou le Bon Coin, mais de nous positionner comme une alternative. Nous assumons le terme de challenger”, expose Nicolas Cosson.
La différence par le service
Le modèle de la petite annonce sur le Net reste relativement basique, où la différenciation peut s’opérer par le prix, mais plus encore par les services, l’accompagnement et l’innovation. C’est principalement sur le terrain des services que les principaux acteurs du marché entendent désormais se distinguer. Ainsi, ParuVendu espère séduire de nouveaux distributeurs avec l’introduction dans ses packs d’un produit de veille concurrentielle, via Autovista, qui “permet aux professionnels de comparer son prix par rapport aux annonces du même véhicule dans sa région. Nous offrons également aux particuliers la possibilité de prendre un rendez-vous sur le site Internet afin d’être rappelé par le vendeur, tel jour à telle heure, ce qui génère des leads très chauds”, illustre Laurent Radix. Les acteurs développent également de plus en plus de mini-sites adaptés à l’univers de leurs clients distributeurs. “Les services, le conseil, les développements techniques, tout cela a un coût et donc un prix, insiste Nicolas Cosson. Nous nous inscrivons aujourd’hui dans une dynamique de “premiumisation” par rapport à ce que nous faisions avant. Nous sommes passés de la logique de VRP à celle de conseiller commercial, où nous gérons un portefeuille de contrats. Nous avons lancé une démarche qualité en mars, via deux telemarketers, qui contactent l’ensemble de notre base de clients pour mesurer leur degré de satisfaction, leurs attentes. Nous réfléchissons d’ailleurs à la mise en place d’un label AutoReflex.” Depuis décembre dernier, le site offre sur chaque annonce émanant d’un particulier, soit seulement 2 % des annonces du site, une garantie panne mécanique d’un mois, via Mapfre, afin de rassurer les acheteurs potentiels.
Des annonces encore trompeuses
La qualité des annonces, voilà une problématique qui a ressurgi ces dernières semaines après un communiqué du CNPA dénonçant des pratiques frauduleuses dans la vente de voitures sur Internet, notamment “la publicité trompeuse de nature à induire en erreur le consommateur”. Les contrôles effectués en 2013 par la DGCCRF ont révélé que près du quart des actions menées ont fait l’objet d’un avertissement (22,7 %). Plus d’une quinzaine de manquements ont ainsi été relevés sur différents aspects de ces transactions. Les prix mal ou pas affichés, les mentions légales “oubliées”, le droit de rétractation interdit aux acheteurs, l’utilisation de faux labels ont également été constatés… “Nous avons assisté de la part des acteurs à une course au “numéro 1” ou au “plus gros site d’annonces”, alors que certains véhicules affichés n’étaient même plus en vente. Nous voyons encore des professionnels qui trichent sur le kilométrage, la version, le modèle. C’est du quotidien, déplore Sébastien Beke. Par ailleurs, sur l’activité VUL, le règlement de certains sites impose d’afficher des prix TTC, or tous les professionnels ne jouent pas le jeu. Par conséquent, à une période, je proposais des produits 20 % plus chers que la concurrence car ils étaient affichés TTC. Comment voulez-vous être compétitifs ? Enfin, nous nous heurtons également à un problème d’harmonisation des données pour décrire les véhicules (version, boîte de vitesses…). Nous sommes obligés de faire les ajustements nous-mêmes, c’est une grosse perte de temps.” Un distributeur confiait récemment avoir reçu la visite d’un commercial de La Centrale, venu vérifier si les véhicules affichés sur le site étaient bien existants. Une pratique qui reste toutefois exceptionnelle. “Nous affichons des conditions générales strictes et nous refusons régulièrement des “professionnels” si nous avons des doutes sur l’existence des véhicules. C’est par exemple le cas lorsqu’un nouveau client diffuse d’un coup 100 annonces de VO. Nous consacrons du temps et des moyens à la qualité. Nous veillons aussi à la protection des vendeurs en ne mettant pas de nom de famille ou en attribuant pour chaque annonce un numéro temporaire, au lieu des coordonnées directes, pour éviter les pièges ou la publicité… Le fait d’être payant est un premier frein contre l’escroquerie”, revendique François Couffy, directeur général de La Centrale. Depuis le lancement de sa troisième vitrine, PromoNeuve, en novembre dernier, le groupe Car & Boat Media entend désormais valoriser son offre “globale”. Il n’est pas le seul. Les groupes FranceProNet (AutoSélection, entretienmalin.com), L’Argus (321Auto, NeoWebCar) ou encore AutoReflex (Auto Plus, WebCarCenter) disposent de plusieurs points d’entrée sur la Toile pour accroître leur audience.
------------
FOCUS - Le deuxième site américain mis en vente
En mars, le Wall Street Journal révélait que le site américain Cars.com, dédié à l’achat et à la vente de véhicules neufs et d’occasion, était en vente pour trois milliards de dollars. Créé en 1998, le site appartient à Classified Ventures, consortium regroupant plusieurs éditeurs dont les plus grandes entreprises de presse des Etats-Unis (Gannett Co Inc, Tribune Co, McClatchy…).
Selon le Wall Street Journal, ces derniers souhaitent se désengager car le “marché de l’e-commerce est au plus haut mais aussi en raison de la menace que représentent des géants d’Internet comme Google et Amazon qui pourraient décider de lancer leur propre site sur ce créneau”. Deuxième site d’annonces automobiles dans le monde derrière Autotrader.com, Cars.com attire 11 millions de clients par mois et génère entre 400 et 500 millions de dollars de chiffre d’affaires par an.
-------------
FOCUS - AutoScout24 rassuré par ses actionnaires
En novembre dernier, la société de capital-investissement Hellman & Friedman a acquis 70 % des parts de Scout24, qui appartenait à Deutsche Telekom depuis 2004, pour environ 1,5 milliard d’euros. L’opérateur allemand conserve 30 % des parts restantes. Un changement d’actionnariat qui n’a pas entamé la remontée d’AutoScout24. “Cela n’influera en aucun cas dans la stratégie d’AutoScout24, assure Vincent Hancart, directeur général d’AutoScout24. Non seulement nous allons conserver notre marge de manœuvre, mais le groupe a pour ambition de recentrer les activités de sa filiale Scout24 autour de deux axes de développement principaux : l’immobilier et l’automobile”.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.