Réforme de la filière VHU : les recycleurs haussent le ton
Les centres agréés VHU n’en démordent pas : ils ne veulent pas de la mise en place d’éco-organismes ou de systèmes individuels chargés de superviser leur activité. Les professionnels de la filière, représentés par la branche des recycleurs de Mobilians, ont en effet dénoncé les conséquences de l’organisation future de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) relative au traitement des épaves automobiles.
Selon Patrick Poincelet, président de la branche, ce texte présente deux inconvénients majeurs. Premièrement, il n’apportera aucune garantie sur la suppression des pratiques illégales de traitement des VHU. Deuxièmement, il risque de déstabiliser une profession qui se distinguait jusqu’ici pour sa performance.
Vers la création d’éco-organismes et/ou systèmes individuels
Rapide flashback. Adoptée en février 2020, la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec) vise à lutter contre le gaspillage et l'obsolescence programmée tout en favorisant le réemploi dans de nombreux secteurs d’activité. Dans l’automobile, le texte a notamment renforcé les obligations des producteurs, donc les constructeurs, dans la gestion de leur produit. Depuis le 1er janvier 2022, ces derniers doivent s’organiser autour d’éco-organismes ou de systèmes individuels pour assurer la gestion des VHU (collecte et recyclage), mais le processus s'avère plus compliqué que prévu.
La loi prévoit, en outre, que les 1700 démolisseurs agréés soient dans l’obligation, dès le 1er janvier 2024, de nouer un contrat avec un ou plusieurs éco-organisme et/ou système individuel pour continuer leur activité. Un décret d’application, soumis à la consultation du public jusqu’au 8 avril 2022, doit préciser les modalités d’organisation de cette nouvelle filière REP VHU.
Une mainmise des constructeurs sur le business du recyclage
Regrettant un manque de concertation avec les parties prenantes du secteur, les recycleurs dénoncent plusieurs points de ce projet. A commencer par la contractualisation de la relation entre opérateurs de traitement et éco-organismes / systèmes individuels. Dans la réforme actuelle, ces derniers deviendraient d’incontournables intermédiaires dans la filière. Ils seraient chargés de la destruction administrative des VHU, coupant la relation directe entre les centres et leurs différentes sources d’approvisionnements (particuliers, garages, etc.).
"Des entreprises indépendantes, qui sont déjà soumises à une forte réglementation, devront alors travailler avec des appels d’offres, ce qui va nécessairement conduire à une sélection des acteurs", déplore Patrick Poincelet. Les acteurs non retenus devront cesser leur activité et mettre la clé sous la porte.
Autre menace pour les démolisseurs : que les constructeurs – qui semblent privilégier la voie des systèmes individuels au détriment du dispositif, plus collégial, des éco-organismes – leur imposent leurs règles du jeu. Exemple ? La prise en charge uniquement des marques ou modèles spécifiques. "Mettre en place un fonctionnement marque par marque ne serait absolument pas gérable pour les centres VHU. Sans tenir compte de l’aberration écologique qu’impliquerait un transport des véhicules vers le bon centre", proteste Patrick Poincelet.
Alors que les constructeurs ne cachent plus leurs velléités d’être plus présents tout au long du deuxième et troisième cycle de vie des véhicules, le président de la branche des recycleurs craint aussi une mainmise de leur part sur les activités à valeur ajoutée des centres VHU. "Avec l’avènement du véhicule électrique, il y aura un véritable enjeu autour du traitement et du recyclage des batteries. Et c’est une activité que nous voulons conserver."
Au-delà des perturbations que risque de provoquer ce projet de loi, les centres VHU pointent également du doigt son inefficacité sur deux sujets clés : la lutte contre la filière illégale et la valorisation des pièces issues de l’économie circulaire (Piec).
Plusieurs propositions pour une filière REP plus "sereine"
Si elle se dit favorable à l’esprit de la REP, la profession réclame aujourd’hui plusieurs modifications du décret. Elle veut tout d’abord conserver la partie opérationnelle du traitement des VHU, en gardant un lien direct avec ses sources d’approvisionnement. Mobilians préconise la mise en place d’un ou plusieurs éco-organismes avec une vocation essentiellement financière, afin de compenser la filière en cas de déséquilibre économique. Ces instances auraient, en outre, pour mission de mieux lutter contre les pratiques illégales avec la mise en œuvre de campagnes d’information auprès du grand public.
C’est un système qui s’inspire de la filière électro-ménager et qui a fait ses preuves. […] Grâce à ce dispositif, nous resterions maîtres du jeu confirme Patrick Poincelet.
Précisons que Mobilians a demandé une sollicitation en urgence des services du ministère de la Transition écologique pour échanger sur le contenu de la future réglementation et transmettre ses propositions. Un livre blanc a déjà été adressé aux pouvoirs publics en ce sens. L’organisation professionnelle espère désormais être entendue et trouver un compromis avec l’ensemble des parties concernées.
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