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Quand véhicules connectés et Big Data rebattent les cartes de la réparation-collision

Publié le 1 juillet 2015

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
A l’occasion du sommet Ibis 2015, un panel mondial de top managers de la réparation-collision a pointé du doigt les importantes évolutions induites par le développement des véhicules connectés et des données disponibles sur le business d’un secteur devant déjà faire face à une contraction structurelle de ses volumes sur la plupart des marchés.
Sean Carey, président de SCG Management.

L’ennui ne naîtra pas de l’uniformité, tel fut en substance le propos liminaire de Jake O’Neill, responsable marketing de l’Ibis Summit 2015, rappelant qu’il ne saurait y avoir “une seule approche du marché de la réparation-collision, différents business models existant dans le monde”. Cependant, trois dominantes demeurent invariables selon les marchés : la sécurité, c’est-à-dire aussi la qualité des opérations, les compétences, nécessitant une actualisation de plus en plus fréquente pour suivre les évolutions technologiques, et les standards, un sujet qui laisse naturellement apparaître d’importantes disparités au gré des pays. “Des dominantes que viennent actuellement questionner plusieurs éléments disruptifs dans notre secteur. Dès lors, compte tenu aussi de la concentration du marché et des donneurs d’ordre, les réparateurs doivent évoluer pour conserver une marge de manœuvre. Une évolution qu’il est plus facile de réaliser en s’ouvrant à des collaborations qu’en restant dans son coin”, souligne Jake O’Neill. Parmi ces éléments disruptifs, se trouve évidemment en première ligne le développement du véhicule connecté et du volume de données disponibles.

Google vend désormais de l’assurance automobile

Ayant réalisé la même étude à un an d’intervalle, Sean Carey, président de SCG Management, relève ainsi “une accélération manifeste dans la constitution du nouvel écosystème des véhicules connectés”. Une évolution qui offre des perspectives à de nouveaux entrants sur le marché, tout en générant simultanément des mouvements stratégiques d’envergure pour certains acteurs établis. Vu sous cet angle, les six derniers mois auront été prolifiques, comme en témoigne cette sélection d’exemples. Google vend des produits d’assurance émanant de six compagnies différentes et peut le faire dans 23 états américains. Le groupe de Mountain View a aussi lancé un comparateur, baptisé Google Compare Auto, sur son marché domestique. Par ailleurs, CCC a pris le contrôle de Drive Factor, ce qui inspire ce commentaire à Susanna Gotsch, analyste Industrie du groupe : “Les nouvelles technologies, notamment mobiles, modifient l’interface des assureurs avec leurs partenaires business comme avec leurs clients finaux. De nouvelles offres sont donc à venir. Pour l’automobile, c’est d’autant plus important qu’on sait que le boom du véhicule connecté et des Adas, ces derniers devant représenter un marché de 10 milliards de dollars à l’horizon 2020, va engendrer une baisse des sinistres”.

Les constructeurs ne sont pas en reste

Les impacts seront aussi nombreux sur les process et la relation clients, comme en attestent l’émergence d’applications vidéos pour que les assurés puissent réaliser les premières étapes d’une déclaration de sinistre en ligne ou les tests pour le “pay as you drive” par exemple. “Même si cela paraît encore lointain, on peut aussi imaginer que le véhicule sera bientôt capable de faire sa déclaration de sinistre automatiquement”, avance Sean Carey. Du côté des constructeurs, Toyota a repris Insure the box au Royaume-Uni, tandis que l’Alliance Renault Nissan s’associe à Generali et Floow pour alimenter une base de données et la marketer ensuite. Autour d’Onstar, les partenariats s’accentuent pour GM, notamment pour les programmes UBI. Sans oublier que des mastodontes comme Berkshire Hathaway, le conglomérat de Warren Buffet, intensifient leurs investissements dans l’automobile. Après Geico et GM, le groupe a pris 8,7 % de participation dans le capital d’Axalta Coatings Systems.

Rapports de force

Aux yeux de Sean Carey, cette situation peut être interprétée de façon positive : “D’une part, cela démontre qu’il y a des investisseurs, et pas des moindres, qui sont intéressés par notre secteur et d’autre part, c’est une très bonne nouvelle qu’il faut communiquer au client final, car il va pouvoir bénéficier de meilleures offres à des tarifs plus compétitifs”. Sans pour autant idéaliser le tableau : “La situation est pourtant loin d’être confortable pour les ateliers. Au-delà de certaines économies nationales en grande difficulté, le développement du véhicule connecté va faire baisser le nombre d’accidents, toutes les natures de chocs confondues, tandis que la supply-chain va encore se contracter, réduisant la marge des petits faiseurs”. En marge de l’événement, le dirigeant d’un groupe de carrosseries lâchait d’ailleurs : “C’est la règle du marché, on peut toujours voir les sous-vêtements du carrossier, mais jamais ceux de l’assureur !”.

Le Big Data sous l’angle des opportunités commerciales

En clair, si cette nouvelle donne ne va pas forcément révolutionner les rapports entre constructeurs et assureurs, qui devraient respecter un fonctionnement en partenariats, les interrogations portent sur les réparateurs, leur poids dans la supply-chain, leur aptitude à s’équiper pour mieux capter les flux, leur agilité et leur proximité dans les services proposés au client final. Dans cette perspective, la faculté à s’approprier le Big Data et à le mettre au service du client représente une véritable opportunité. Clive Humby, Data Chief Scientist chez Starcount, décrypte une situation que d’aucuns jugent opaque ou compliquée : “Nous créons aujourd’hui en un jour autant de data qu’il en existait il y a dix ans ! Par conséquent, toutes les données ne sont pas nécessairement pertinentes pour le business, ce qui prouve qu’il faut filtrer et trier pour aboutir à de véritables réponses au plan commercial et des services. Le coût est de moins en moins un problème, le téraoctet étant passé de plus de 100 dollars il y a vingt-cinq ans à environ 30 dollars aujourd’hui”. A ses yeux, les réparateurs doivent exploiter cette nouvelle source d’information pour se rapprocher de leurs clients, d’autant plus que si les assureurs managent beaucoup de données, ils ont encore tendance à n’en faire que de belles bibliothèques, dans la tradition de l’assurance à papa. “Avec les outils appropriés, les réparateurs, au-delà de leur savoir-faire technique et du contact avec les clients, pourront définir des offres très précises, à défaut d’être totalement personnalisées”, indique Clive Humby, avant d’ajouter qu’il faut aussi exploiter les données des réseaux sociaux, un espace de vérité, qui permettent de connaître le client et d’identifier des groupes homogènes, ce qui facilite la conversion commerciale ultérieure. Histoire de faire les gestes commerciaux, les promotions ou les propositions additionnelles au bon moment et au bon client. Joseph Funk, responsable réparation-collision pour l’assureur AIG, abonde dans ce sens : “Ce sont les carrossiers qui servent nos clients et nous avons donc intérêt à ce qu’ils puissent faire les propositions les mieux adaptées. Et au vu de la concentration du marché, même si la pression sur les coûts restera forte, nous avons aussi intérêt à garantir la profitabilité des carrossiers”. Et Clive Humby de conclure : “Une bonne utilisation du Big Data permettra de renforcer la confiance des clients, et donc, de les fidéliser, tout en élargissant le spectre des offres, avec plusieurs solutions pour un même problème. En somme, on peut ainsi ajouter de nouvelles strates de valeur ajoutée, pour mieux les monétiser ensuite”.
 

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