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Les jeunes jugent les marques

Publié le 6 juin 2008

Par Armindo Dias
10 min de lecture
Les futurs professionnels du monde de l'automobile savent ce qu'ils veulent. Passionnés par la filière, ils ne souhaitent pas travailler pour n'importe quels types de réseaux, de constructeurs et de distributeurs. Les résultats de notre sondage sont sans appel : il...
Les futurs professionnels du monde de l'automobile savent ce qu'ils veulent. Passionnés par la filière, ils ne souhaitent pas travailler pour n'importe quels types de réseaux, de constructeurs et de distributeurs. Les résultats de notre sondage sont sans appel : il...

...y a les bien-aimés et les autres.

Certains parents et concessionnaires feraient bien de revoir leurs a priori. En effet, contrairement à une idée reçue, les jeunes ne se lancent pas dans le secteur de l'automobile parce qu'ils n'ont pu poursuivre leurs études afin de devenir médecins, avocats ou notaires. Ils le font d'abord et avant tout parce qu'ils sont passionnés, notre sondage révélant que les futurs mécaniciens, carrossiers, peintres et autres vendeurs ont surtout choisi cette filière par passion (93 % des sondés). Preuve supplémentaire de cet attrait des jeunes actuellement en cours de formation pour ce secteur : ils sont très nombreux à souhaiter décrocher des diplômes ou titres relativement importants, 40 % des sondés souhaitant à terme décrocher un Bac Pro, 35 % un BTS et 16 % un BEP. "C'est déjà une ambition forte pour bon nombre de nos élèves de désirer aller jusqu'au Bac, souligne Jean Le Naour, responsable de la filière maintenance des véhicules particuliers et industriels du Centre des Formations Industrielles (CFI). Il y a 10 ans, 80 % de nos élèves s'arrêtaient au CAP-BEP et seulement 15 % allaient jusqu'au Bac." Désormais, les apprentis ont conscience qu'un titre ou diplôme plus élevé leur permettra de décrocher plus rapidement un poste mais aussi que cela leur ouvrira plus de portes.

FOCUS

Aforpa

L'Aforpa est un organisme de formation spécialisé dans les métiers de l'automobile. Composé d'un Centre de Formation d'Apprentis (CFA) et d'un Centre de Formation Continue (CFC), il permet de décrocher des diplômes de mécanicien automobile (CAP, BEP, Bac Pro, BTS, CQP Service Rapide, CQP Technicien Electricien Electronicien Automobile), de carrossier (CAP, BEP et Bac Pro), de peintre (CAP) et de vendeur magasinage (CAP, CQP Vente Pièce de Rechange).

CFI

Le CFI, Centre des Formations Industrielles, est un établissement issu de la fusion en 1997 de deux Centres de Formation Technologique (CFT) de la CCIP (Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris) et de l'adjonction du Centre de Plasturgie d'Orly. IL prépare à une quarantaine de diplômes et titres de formation, notamment dans la filière maintenance des véhicules particuliers et industriels (mécanique/carrosserie/peinture). Les diplômes et titres délivrés vont du BEP au BTS en passant par le Bac Pro. En 2005, à la sortie de leur formation, ses élèves étaient embauchés à 85 %.

GARAC

Le Garac est une école nationale pour la formation aux métiers de l'automobile. Elle forme les jeunes aux métiers de la mécanique-électricité-électronique (CAP, BEP, CQP, Bac Pro, BTS et FCIL Post BTS), de carrosserie-peinture (CAP, BEP, Bac Pro, BTS et FCIL Post BTS) et de la vente-commerce-gestion-administration (CAP, CQP, Bac Pro et BTS).

"Je fais de la formation depuis 20 ans et si au début, je privilégiais les apprentis en CAP ou BEP, ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui, illustre Franck Degouzon, chef de ventes services et pièces de la concession Audi-Galaxie Automobiles implantée à Arpajon dans l'Essonne (Ndlr : elle distribue des véhicules de marques Audi, Volkswagen et Skoda VU, évolue dans le périmètre du groupe Donjon Automobiles et compte une autre concession à Brétigny-sur-Orge dans l'Essonne). Je privilégie désormais les Bac Pro. Ils sont plus matures, plus cultivés et relativement plus passionnés, l'intérêt actuel de la jeunesse pour le secteur de l'auto reposant, à mes yeux, moins sur la mécanique que sur l'impact de la télévision et des jeux vidéos. Sur la cinquantaine d'apprentis que j'ai formés ces dernières années, une demi-douzaine seulement avait la fibre auto." Il n'empêche. Si les jeunes apprentis visent des titres et diplômes plus importants que par le passé, il semble aussi que cela soit destiné à faciliter leur "employabilité" dans certains types de réseaux en particulier. D'après notre sondage, ils préféreraient surtout décrocher un poste dans une concession, un garage et un constructeur (ces catégories sont citées à hauteur de respectivement 35 %, 29 % et 20 %).
Autant dire que l'ensemble des jeunes apprentis ne pourra obtenir satisfaction, surtout auprès des constructeurs. Pour Dominique Faivre-Pierret, ajointe au délégué général de l'Association Nationale pour la Formation Automobile (Anfa) : "Les jeunes rêvent, les constructeurs s'adressent essentiellement aux écoles d'ingénieurs". Et elle n'est pas vraiment la seule à le penser. "Nos jeunes sont appelés à être embauchés par des constructeurs à hauteur de seulement 3 ou 5 %, estime ainsi Jean Le Naour, du CFI. Le fait que les jeunes soient attirés par cette catégorie d'employeurs signifie aussi peut-être qu'ils souhaitent que l'image des garages continue d'évoluer. Certains groupes commencent à proposer de réels plans de carrières dans des filières de métiers à composantes technologiques, managériales et commerciales. Il reste néan-
moins à généraliser ces démarches et à valoriser les techniciens en développant leurs relations avec les clients, ce qui, au demeurant, constitue une attente forte de nos jeunes. Les pays anglo-saxons ont une avance dans ce domaine." Mais ce n'est pas tout. Les jeunes apprentis risquent aussi d'être très nombreux à ne pas pouvoir vraiment travailler pour les marques qu'ils souhaitent.

Revenir sur terre

Les marques les plus prestigieuses arrivent systématiquement en tête des préférences des apprentis, que ces derniers visent un niveau de qualification CAP, BEP, Bac Pro ou BTS. Ainsi, tous les sondés souhaiteraient surtout travailler pour les marques Audi, BMW, Volkswagen et Mercedes (ces constructeurs sont cités à hauteur de respectivement 21 %, 17 %, 13 % et 10 %). Et ce, loin devant les Peugeot, Citroën, Renault, Toyota et autres Honda ou Ford. Certains sondés ont même cité à plusieurs reprises, et ce, de façon totalement spontanée, les marques Ferrari, Lamborghini, et Porsche ! "Les marques Premium font rêver les jeunes, analyse simplement Franck Degouzon, de la concession Audi-Galaxie Automobiles. Les autres communiquent aussi peut-être un peu trop sur le côté familial de leurs produits. Les jeunes devraient pourtant revenir sur terre, la plupart des apprentis manquant aujourd'hui à la fois de culture générale et de savoir-faire technique. Or, cela est devenu essentiel. Tous les salariés des concessions sont désormais appelés à être en contact direct avec la clientèle et tous les véhicules sont aujourd'hui bourrés d'électronique." Résultat : chaque année, ce responsable ne prend en apprentissage que des jeunes sur le point de passer le BEP ou le Bac Pro. Des apprentis qu'il conserve dans 80 % des cas et qu'il spécialise systématiquement dans une marque, une dernière stratégie qui répond en fait aux standards des marques Audi, Volkswagen et Skoda (elle lui permet au passage de réduire à la fois le nombre d'apprentis susceptibles d'être débauchés par une marque concurrente dans la région et le nombre de retours "produits"). "Nous avons toutefois des difficultés à recruter des apprentis en Bac Pro, poursuit le chef de ventes services et pièces. Ils sont en cours la moitié du temps, sont très demandés et coûtent un peu plus chers qu'un apprenti en CAP ou BEP." Franck Degouzon estime en outre que l'Education nationale les mobilise un peu tardivement dans leur recherche de stage et qu'elle leur inculque parfois des connaissances devenues quelque peu obsolètes… en plus de leur faire miroiter des salaires mirobolants. "On leur apprend encore à brancher des antibrouillards alors que cela ne se fait plus vraiment !", illustre le chef de ventes services et pièces.

Fort heureusement, tous les apprentis ou presque sont aujourd'hui formés à l'informatique et à l'électronique, les deux types de connaissances que se doit désormais de maîtriser tout bon mécanicien. "Nous privilégions plus que jamais ce type de profil", confirme Thierry Tanfin, directeur des concessions Audi Bauer de Saint-Ouen (93), de Levallois-Perret (92), de Nanterre (92) et du quartier Saint-Honoré à Paris dans le 1er arrondissement. Un responsable qui mise aussi beaucoup sur la satisfaction client. Il vient à ce titre de reprendre l'un de ses anciens apprentis en formation qualité. Après avoir décroché son BEP et son BTS, ce dernier vise aujourd'hui un diplôme de niveau Bac +3. "Il s'agit d'une première chez nous, poursuit Thierry Tanfin. Audi souhaite améliorer son service après-vente, tous ses distributeurs ayant également intérêt à améliorer leur Indice de Satisfaction Client (ISC). Nous sommes rémunérés tous les mois selon la note obtenue, nos marges arrières étant par ailleurs de plus en plus liées à l'ISC. Nous comptons donc bien garder notre nouvel apprenti."

Une désaffection générale pour les centres-autos

Une chose est sûre : la désaffection de l'ensemble des apprentis pour les enseignes spécialisées est totale. Moins de la moitié des sondés a accepté de répondre à la question "pour quelle enseigne souhaiteriez-vous travailler", les réseaux Norauto, Feu Vert et Speedy représentant le Top 3 des enseignes "préférées" avec des taux de citation de respectivement 26 %, 13 % et 11 % (plusieurs réponses étaient possibles). L'explication de cette désaffection générale ? Elle semble là aussi reposer sur l'image véhiculée par ces enseignes, même si certains apprentis en ont spontanément cité d'autres comme Autobacs et AD. "Elles sont multimarques et les véhicules qui y sont réparés ou traités datent souvent de plusieurs années, explique Franck Degouzon, de Audi-Galaxie Automobiles. Elles accueillent rarement des véhicules d'exception ou des nouveautés, ce qui ne fait pas rêver les jeunes. Elles n'ont pas non plus la réputation d'être très à la pointe de la technologie, ce qui n'offre pas de perspectives d'évolution très intéressante, et elles ne sont bien souvent pas très regardantes sur les tenues de leurs mécaniciens, carrossiers ou peintres." Sur le plan strictement financier, elles seraient par ailleurs beaucoup moins généreuses que les traditionnelles concessions. Même si, bien sûr, elles peuvent - elles aussi - verser des primes sur les chiffres d'affaires réalisés.
"Les rémunérations de nos collaborateurs comprennent systématiquement une partie variable, souligne ainsi Eric Szczepaniak, le directeur général de la concession BMW-Garage du Bac, une entité qui distribue exclusivement des véhicules de marques BMW et Mini et qui chapeaute trois infrastructures situées respectivement à Chennevières-sur-Marne (94), Nogent-sur-Marne (94) et Paris 12e. La partie variable est calculée en fonction de la productivité hebdomadaire, cette partie pouvant atteindre 150 e par semaine. Soit beaucoup plus que ce qui est pratiqué dans les enseignes. Nous avons en outre la même considération pour nos équipes "ventes" et "après-vente". Ces dernières reçoivent régulièrement des cadeaux quand des objectifs sont atteints."

Tenir compte des réalités économiques

Au final, les apprentis effectueraient leur choix en fonction de ces différents éléments, les expériences vécues par les uns et des autres en apprentissage faisant bien sûr l'objet d'échanges lors de leurs cours théoriques. Ils n'en devront pas moins tenir compte de certaines réalités économiques.
Seul un quart des apprentis ont d'ores et déjà reçu des propositions d'embauches (26 % très précisément), les plus sollicités visant les niveaux de qualification CAP et BTS. Etonnant ? Pas vraiment, en tout cas si l'on en croit la nouvelle politique de recrutement de la concession BMW-Garage du Bac. Elle privilégie désormais, et ce depuis déjà plusieurs années, les apprentis mécanos de niveaux CAP ou BEP. Pour une raison simple. "Il est plus facile de les conserver, reconnaît son directeur général, ce dernier ne souhaitant pas participer financièrement à la formation d'un apprenti pour le voir ensuite partir chez un concurrent. Par le passé, nous avons eu quelques mauvaises expériences avec ce type de profils, tous les apprentis ne pouvant être conservés pour des raisons à la fois sociales, psychologiques ou comportementales." Et il n'est pas le seul à le penser. Franck Degouzon, de la concession Audi-Galaxie Automobiles, a découvert un jour, mais malheureusement a posteriori, que l'un de ses apprentis avait oublié de visser une roue de camion. "Il avait sans doute trop fumé ou s'était couché un peu trop tard la veille", conclut le responsable. En plaisantant à peine…

FOCUS

Méthodologie Sondage

  • Sondage réalisé au mois d'avril via l'envoi de questionnaires à des élèves issus des écoles et organismes de formation Aforpa, Garac et CFI. Les résultats portent sur un échantillon total de 272 élèves.
  • Photo : Si certains affichent leurrs ambitions de travailler pour les constructeurs, 29 % des élèves sondés veulent exercer dans les garages.

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