Les distributeurs indépendants seuls face à l'autorisation de la vente de carburants à perte
La rentrée a rimé avec remontée du prix du carburant pour bon nombre d’automobilistes. Face à ce constat, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé lors d'une interview accordé au Parisien, autoriser les distributeurs à vendre leurs carburants à perte.
Elle espère ainsi les pousser à baisser davantage leurs prix. La mesure semble taillée pour la grande distribution qui utilise le litre d’essence comme produit d’appel. Elle sonne en revanche comme l’ultime clou au cercueil des distributeurs indépendants.
Pour Francis Pousse, Président national distributeurs carburants et énergies nouvelles au sein du syndicat Mobilians, c'est laisser couler les pompistes indépendants. "Certaines stations que je représente n'ont rien pour se protéger et ont le carburant comme cœur de business. Faire un geste commercial n'est pas envisageable", explique-t-il.
59 % des 5 800 stations représentées par Mobilians sont sous le giron Total et sont donc protégées par le plafonnement du prix de l'essence à 1,99 euros, ce qui leur garanti de rester compétitives lorsque le prix de ce dernier dépassera les deux euros ce qui risque d'arriver. À l'inverse, les autres stations n'ont aucune arme pour se battre. "On parle là des Esso, BP, Avia, etc. que les pétroliers ont depuis longtemps revendues à des grossistes. Le réseau Total a, lui, la chance d'être protégé."
Une décision aux multiples répercussions
Les pompistes indépendants se serrent déjà la ceinture avec des marges comprises entre 0,5 et 2 centimes par litre selon le représentant syndical, mais cette mesure va venir les priver des marges qu'ils réalisaient sur les autres services de leurs stations.
"Si plus personne ne vient aux pompes, personne ne va dans la boutique, lave sa voiture etc. et ce sont autant d'activités où les gérants de stations indépendantes continueront de perdre de l'argent", déclare Francis Pousse.
La durée de l'autorisation de vente à perte, vraisemblablement six mois, aura aussi son importance. Elle jouera sur le renouvellement des cartes carburants des entreprises. "30 à 40 % du volume vendu pour ces stations relèvent des flottes d'entreprises qui prennent leur carburant via des cartes carburants. Si les prix sont durablement plus attractifs ailleurs, on va les perdre, et une fois parties il sera difficile de les faire revenir" explique encore le président de la branche de Mobilians.
Comment faire autrement ?
Convié à une réunion au ministère de l'Économie, ce lundi 18 septembre, Francis Pousse comptait soumettre quelques propositions à Bruno Le Maire. Il espérait notamment une compensation pour ces stations, soit sous forme législative, soit sous forme d'un accord avec l'État. Selon lui, "si l'on veut garder un secteur hétéroclite, ce qui est essentiel pour la concurrence, il faudra une indemnisation et cela peu importe la taille et l'emplacement de la station."
Une alternative à cette vente à perte serait de baisser la TVA ou la TICPE sur les carburants, mais le gouvernement ne veut pas s'y risquer. En 2022, il avait préféré appliquer une ristourne et même envoyer des chèques carburant, plutôt que de toucher à la fiscalité.
Pour 40 millions d'automobilistes, "ce système de fiscalité particulièrement lourd" indexé sur le prix du litre permet à l'État de toucher "un trop-perçu de recettes". L'association estime que le gouvernement devrait "restituer une partie de cet argent aux automobilistes" en "assumant de ne pas encaisser davantage de recettes fiscales que ce qui avait été budgété."
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