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Les convoyeurs tirent le premier bilan post-confinement

Publié le 23 juin 2020

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
En vogue depuis la réouverture des points de vente, les services de convoyage et de jockey voient leur activité gonfler au-delà de toute espérance. Une situation que les principaux acteurs du secteur décryptent ensemble pour la première fois.
D'après les statistiques de la récente période, les sociétés de convoyage ont gagné 15 à 25 % depuis la levée des restrictions.

 

Les premières statistiques commencent à tomber et la filière se frotte les mains. De manière logique, les opérateurs de service de livraison à domicile enregistrent une progression de leurs chiffres, que la comparaison se fasse avec les données 2019 ou celles de l'avant confinement. Mais de manière unanime, ils rapportent un niveau supérieur à leurs attentes. "Les deux premières semaines du mois de juin ont été les plus fortes de notre histoire", témoigne Claire Cano-Houllier, la cofondatrice de Hiflow. La société qu'elle dirige assure entre 2 000 et 3 000 courses hebdomadaires, soit un rythme supérieur de 20 % à celui de mars.

 

Même son de cloche chez Fullcar Services, où Jean-Charles Armand, le directeur du développement et de la stratégie commerciale, enregistre une progression de 15 % des sollicitations, par rapport à la même période, en 2019. Des croissances fulgurantes qui tiennent à la fois aux mesures de sécurité sanitaire qui découragent de se rendre en concession et à l'effet de rattrapage commercial. Les concessionnaires éclusent les portefeuilles et la livraison délocalisée profite de cet effet d'aubaine. "Nous avons doublé nos cadences chez nos clients qui font de la vente à distance, relève Claire Cano-Houllier. En dépit de la perte de deux mois d'activité, nous estimons pouvoir signer une année en croissance par rapport à 2019", en vient-elle à confier.

 

Contrairement à Hiflow, Driiveme a continué à circuler durant le confinement. Selon les comptes de l'entreprise, ce sont ainsi 3 500 unités qui ont été apportées à leur acquéreur, au cours des huit semaines, lui permettant de gagner 15 à 25 % par rapport à l'année précédente. Prestataire pour des distributeurs alternatifs, des pure-player et de plus en plus de concessionnaires, la société fondée par les frères Alexandre et Geoffroy Lambert voit son périmètre glisser. Ils interviennent initialement auprès des loueurs pour les aider au rapatriement des véhicules, en proposant des locations à 1 euro en BtoC. Alors que ces derniers ralentissent, 50 % des missions exécutées par Driiveme concernent désormais une livraison de véhicule, contre 30 % avant mars 2020. Connue pour son service de jockey – donc davantage sur les sujets d'après-vente – qui pesait 60 % de son activité, Convoicar vit une situation similaire, puisque maintenant la plateforme réalise la moitié de ses missions pour des livraisons de VN.

 

Des signes de démocratisation

 

Il est plus difficile de savoir si ce sont les produits neufs ou d'occasion qui donnent de l'élan. Tout dépend des accords en cours. Depuis la levée des restrictions, Driiveme a livré 65 % de VO contre 35 % VN. Dans le camp de Hiflow, la tendance est inversée, avec 60 % de VN. "La part du VO va augmenter sous l'effet des initiatives à venir chez nos clients", anticipe Claire Cano-Houllier. De sa fenêtre, Jean-Charles Armand dresse un autre constat. En tant que prestataire historiquement positionné sur le BtoBtoB pour livrer les véhicules de flotte, il ne descend pas en dessous de 90 % de VN dans son mix. "En volume, nous pouvons encore grimper, dit-il, puisque nous estimons que 25 à 30 % seulement des véhicules sont livrés à l'utilisateur, dans ce segment de marché".

 

La direction de Driivme observe une légère fonte de la distance moyenne couverte par ses chauffeurs. Elle avoisine 230 km par mission de livraison. Ce qui invite Geoffroy Lambert à y déceler un signe de démocratisation du service. "Avant le confinement, nous avions principalement des berlines et depuis la reprise, nous livrons une plus grande diversité de véhicules", pointe-t-il un autre indicateur de la mutation du marché. L'écart type des consommateurs étant plus large sur sa plateforme, Claire Cano-Houllier se garde de tirer des conclusions. Elle rapporte une distance moyenne de 180 km, tout en précisant que pour certaines missions, elle couple le convoyage avec un trajet en camion entre des points logistiques.

 

Des contacts commerciaux qui s'amplifient

 

"Nos contacts commerciaux entrants ont été multipliés par 3, ces derniers temps", se réjouit la cofondatrice de Hiflow. Cela a notamment abouti à de précieuses signatures avec deux constructeurs, tandis qu'un troisième dossier se prononcera sous peu. Un engouement que partage Yann Menard, le cofondateur de Convoicar. "Il y a une recrudescence des prises de contact", confirme-t-il la tendance. Sélectionné par un constructeur généraliste européen, il est autorisé à démarcher le réseau de concessionnaires pour installer sa solution en point de vente. "En local, le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont réceptifs. Ils connaissent l'importance du sujet et la crise du covid-19 a fait remonter les dossiers en haut de la pile".

 

"Nous avons des échanges plus professionnels, plus positifs, lui emboite le pas un acteur du secteur. Ils mettent des images sur les mots et cela simplifie les tractations". Mais la vague d'appels d'offres qui submerge la France doit être surfée avec maîtrise. "Il y a une véritable envie d'y aller, c'est indéniable, mais les appels d'offres trahissent parfois une précipitation, remarque un autre opérateur. Toutes les conditions ne sont pas toujours réunies pour délivrer une prestation uniforme". En pratique, les campagnes sont souvent menées à différentes échelles. Les constructeurs cherchent des prestataires tantôt nationaux, tantôt européens, pour leur plateforme de vente en ligne ou pour leurs concessionnaires. Comme bien souvent dans ce cas, ils ne se lient pas à un prestataire mais optent pour la stratégie de préconisation d'une liste. Parce qu'en réalité, comme les grands groupes et les distributeurs indépendants font un travail identique, il est difficile de leur imposer un choix. Un double niveau qui, là, satisfait les professionnels du convoyage, en général.

 

Mais cela fait beaucoup de lièvres à courir dans un temps se raccourcissant, note l'un des prestataires. "Avant la crise, dit-il, nous avions un cycle de 2 à 3 mois entre la préparation des dossiers, la soutenance et les étapes suivantes. Aujourd'hui, il nous est demandé de répondre à l'appel à candidature en 1 mois, voire 15 jours". Un exercice d'autant plus complexe qu'il ne suffit pas de "copier-coller" la méthodologie et qu'on leur demande de maîtriser des aspects hors de leur champ de compétence. Il n'est pas toujours naturel pour un spécialiste du convoyage d'intégrer des jockeys. L'inverse est tout aussi vrai. Mais le marché impose sa loi, il ne voudra pas d'une multiplication des prestataires par typologie de service, il faudra concentrer les savoir-faire. "Nous n'y laisserons pas notre santé financière", prévient cependant l'un d'eux.

 

Ils ont raison de rester prudents… et de défendre leur valeur. "La notion de prix est importante, mais moins que la qualité de service, rappelle un des prestataires pour qui les négociations vont bon train. Les concessionnaires ont conscience que nous sommes alors les garants de leur image de marque". Un de ses concurrents se joint à lui et salue la perception de ces interlocuteurs du moment. Ceux qui, habituellement n'ont pas la réputation d'être des tendres, lors des tractations, ne se montrent pas trop inflexibles sur les efforts financiers à consentir. C'est tout du moins ce que rapportent les sociétés contactées, qui ne voient pas s'affaisser le montant facturé au kilomètre.

 

Dépasser l'effet de tendance

 

"Nous sommes, aujourd'hui, au-dessus de nos attentes, mais cela durera-t-il", s'interroge un prestataire. Quand tous les véhicules en attente auront été livrés et que la menace de contagion se sera estompée, les consommateurs feront-ils toujours appel à la prestation ? Pour Alexandre Poisson, le directeur général de Pop Valet, cela ne fait aucun doute. A 80 % de son potentiel à ce jour, il table sur une intensification à la rentrée. Claire Cano-Houllier le croit, elle aussi, fermement, convaincue par une récente étude de Google menée auprès d'un panel d'acheteurs, qui place le service de livraison à domicile en tête des attentes. "Le secteur a fait un bond de cinq ans en avant avec cette crise", appuie-t-elle son propos. "Nous n'avons aucune crainte à l'égard de la clientèle professionnelle, mais il a toujours été plus difficile de facturer le BtoBtoC", tempère Jean-Charles Armand.

 

Le défi est donc bien d'inscrire le service dans la durée, alors qu'il y a 8 ans il n'existait pas et qu'il y a quelques mois, il était encore méconnu de la masse. Avec certains des concessionnaires, Yann Menard a mis en place un système de SMS pour pousser le service auprès des automobilistes. Il estime que 25 à 30 % cèdent à la tentation de faire appel à un jockey et que sauf élément perturbateur (déménagement, changement de marque, fin de garantie…), il sait que presque la quasi-totalité des utilisateurs sont fidélisés et ne s'en passent plus par la suite. Probablement un moyen de convaincre ensuite, lors des phases d'achat.

 

Pour rester en place, les prestataires se structurent. Outre les vagues de recrutement chez certains, comme Convoicar qui étend son activité à Bordeaux, on sait de longue date que Fullcar Services est capable de constituer des équipes dédiées à une marque ou un groupe de concessions. Ce que l'on apprend en ce mois de juin, c'est que Hiflow vient de créer une offre baptisée Home Delivery Booster. La société apporte deux niveaux d'accompagnements, d'abord avec du conseil sur la mise en place, la politique de prix et la commercialisation, puis ensuite sur la partie informatique avec des API pour connecter les systèmes. "Nous sortons aussi une application pour que notre client configure un parcours de livraison personnalisé que nos convoyeurs pourront suivre", introduit Claire Cano-Houllier.

 

L'an passé, Fullcar Services s'est rapproché de CEO Car Caring, l'un des pionniers du service de jockey en BtoB. Ils ont ensemble une complémentarité, avec d'un côté un gros faiseur et d'un autre un spécialiste du détail. Mais CEO Car Caring ira bientôt plus loin. En toute confidence, Laurent Latour, le PDG, explique qu'il finalise actuellement la création d'un écosystème à soumettre aux grands loueurs, dont Arval et ALD Automotive, en soutien à leur ambition de s'attaquer aux segments du BtoC – et surtout des professions libérales. Le service nommé Call Conciergerie en révélera davantage en septembre prochain.

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