Les captives au service du crédit fournisseur
...fois n'est pas coutume, nous avons décidé d'aborder le financement en concession sous l'angle du distributeur. Celui-ci doit payer les véhicules qu'il achète au constructeur dès qu'il les a vendus mais auparavant il bénéficie d'un crédit fournisseur ou d'un floor plan : il ne paye rien pendant une trentaine de jours puis supporte des agios pendant la période transitoire. C'est la captive financière qui, en tant que banque du constructeur, se charge de l'affacturage et du financement des VN, VO et PR, pour des montants qui sont loin d'être négligeables. Ils représentent, en effet, plus ou moins un quart des encours à la clientèle, si l'on se réfère aux chiffres publiés par les deux acteurs français, RCI Banque (via la Cogera) et Banque PSA Finance (via la Sofira). A fin 2005, la banque de Renault avait 5,480 milliards d'euros de financement en cours auprès des réseaux Renault et Nissan dans le monde contre 23,4 milliards à la clientèle. La proportion est plus importante chez Banque PSA Finance, avec, à fin juin 2006, 5,6 milliards d'euros d'encours réseaux contre 17,3 milliards d'euros à la clientèle. Le marché français représente pour RCI Banque près de la moitié de ses financements réseaux avec 2 milliards d'euros d'encours (dont 90 % au réseau Renault et 10 % au réseau Nissan) contre 7,7 milliards à la clientèle.
Les autres captives financent en France des montants nettement plus modestes. DaimlerChrysler Financial Services, par exemple, déclare un encours réseaux de 300 millions d'euros. Comme chez Citroën et à la différence de Renault, elle ne finance pas les stocks des filiales ("elles payent cash"), qui représentent pourtant 30 % des ventes du groupe. En outre, 20 % du réseau DaimlerChrysler n'a pas recours au floor plan (mais doit, du coup, fournir une caution bancaire). Enfin, dernier élément distinctif, DaimlerChrysler Financial Services ne finance pas les pièces de rechange : "Nous prenons juste en charge la facture après la période de gratuité de 45 jours", explique Jean-Jacques Nuel, directeur du commerce et du marketing de DCFS.
Aider le réseau à avoir du stock pour vendre plus
Les captives des constructeurs sont des outils au service de la
FOCUSLes taux de référence |
"Les durées sont effectivement un levier", confirme Daniel Paquis, directeur général de la Cogera. "A partir de la date de facturation par Renault, poursuit un concessionnaire, nous bénéficions de 19 jours gratuits pour les véhicules affectés à un client particulier, de 27 jours pour les véhicules affectés à une entreprise et de 30 jours pour les véhicules non affectés. Les VO récents bénéficient pour leur part de 90 jours gratuits et les VD de 180 jours".
Preuve du caractère stratégique et commercial de ce financement des stocks VN : la Sofira propose des taux différents pour les réseaux Peugeot et Citroën. Chez ce dernier, le premier mois est gratuit, les deux mois suivants sont au taux Euribor + 1 % et les trois mois suivants à Euribor + 1,75 %. Chez Peugeot : le premier mois est rémunéré (lire encadré), les deux mois suivants sont à Euribor + 1,50 %, les trois mois suivants à Euribor + 2,25 % et au-delà de 6 mois, les concessionnaires sont fortement incités à solder leur compte car le taux passe à Euribor + 5 % !
Une activité néanmoins rentable
La captive soutient l'activité en aidant le réseau à avoir du stock, mais pour autant, elle ne travaille pas gratuitement. Selon Béat Lehmann (lire entretien), l'activité est moins rentable que le "retail" car le risque est moins dilué, mais elle
ZOOMEt les banques ? Captives et établissements financiers indépendants n'ont pas le monopole du financement des stocks. Les concessionnaires peuvent en effet financer leur besoin en fonds de roulement à des taux compris entre 4 et 5 %, généralement inférieurs aux agios proposés par la captive dans le cadre du floor plan (hors bonification). Ils ont ainsi largement recours à leur découvert bancaire : par exemple, au taux Euribor 3 mois + 0,6 % à 1 % (sa marge), soit des agios inférieurs à 5 %. Ils peuvent également acheter auprès de leurs banques des billets de trésorerie : par exemple, au taux Eonia + la marge de la banque, soit proche des 4 %. "Nous payons tous nos véhicules à la fin de la période de portage gratuit, sans payer d'agios au constructeur", nous explique ainsi ce concessionnaire. |
Contrôler les finances du réseau pour le compte du constructeur
Une sérénité que n'a pas ce dirigeant de captive : "Lorsque vous n'avez accès au bilan annuel d'une société que plusieurs mois après la clôture de ses comptes et que vous n'avez qu'une vision parcellaire de son stock, vous pouvez avoir des surprises désagréables". Ainsi, pour limiter les risques, GMAC Banque fixe un nombre maximum de véhicules que peut avoir en encours un concessionnaire Opel.
La captive joue le rôle de contrôleur financier pour le compte du constructeur : "Nous vérifions que les grands équilibres du bilan soient respectés, que les fonds propres du concessionnaire soient cohérents avec son endettement", résume Daniel Paquis. Si nécessaire, la captive mettra un frein aux velléités de la direction commerciale du constructeur qui, elle, veut maximiser le volume de véhicules dans les points de vente : "Nous pouvons, pour quelques affaires en difficulté, limiter le volume des stocks", confirme Daniel Paquis. Rappelons-le : en cas de difficulté d'un distributeur, la captive doit veiller à ce que le constructeur et elle-même ne soient pas accusés de soutien abusif (ni tomber dans la rupture abusive de crédit) au risque d'être condamnée au comblement de passif du distributeur.
Quand les établissements indépendants font du floor plan
Les établissements financiers indépendants peuvent également faire du floor plan dans le cadre d'accords de partenariat avec les marques. Viaxel, par exemple, réalise l'affacturage et le financement des VN pour le compte de Honda et de Kia. "Nous pouvons aussi le faire à la demande d'un concessionnaire qui Peugeot paie des agios à son réseau
n'est pas satisfait des conditions de sa captive mais nous ne le ferons pas seul car les montants sont élevés", commente Jean-Marie Thierry, directeur de Viaxel. "Il faut financer entre 1 mois et 3 mois du stock VN de l'ensemble d'un réseau, c'est considérable, confirme Patrick Berchot, directeur des financements de GE Money Bank. En outre, en cas de défaillance, le constructeur pourra récupérer les voitures et les remettre facilement dans le circuit, ce n'est pas le cas pour un établissement indépendant".
FOCUS
CGI est un gros faiseur en la matière. Cette filiale de la Société générale se charge notamment du financement des réseaux Mitsubishi, Porsche et Maserati. Il a même créé une société commune, Sefia, avec le groupe Frey, importateur des marques Hyundai, SsangYong, Subaru et Daihatsu.
Dans le cadre de ses partenariats, CGI partage les marges… et les risques. "En moyenne, nous demandons une caution équivalente à 20 % des encours accordés, explique Charles Berkovits, directeur général de Sefia. Si le risque est trop important, l'encours peut même être nul. Dans ces cas, le constructeur, ou l'importateur, peut rechercher des solutions provisoires comme le recours au dépôt vente de véhicules chez le concessionnaire".
A noter que les véhicules sont souvent financés dès la sortie d'usine, soit, pour des marques asiatiques, des durées qui atteignent facilement deux mois avant la livraison aux concessionnaires. Dans ces conditions, on comprend qu'il est important d'être adossé à une grande banque, comme la Société générale, par exemple.
Xavier Champagne
QUESTIONS ABéat Lehmann, président-directeur général de GMAC Banque "Nous ne finançons pas encore les PR mais un projet est à l'étude" Journal de l'Automobile. Comment fonctionne votre système de financement des stocks VN ? JA. Quels montants financez-vous en VN, VO et pièces de rechange ? JA. Sur quelles durées et à quelles conditions ? JA. Quelles différences faites-vous entre une concession et un groupe de distribution et comment gérez-vous le multimarquisme ? JA. Le financement des stocks des concessionnaires est-il plus rentable que le crédit au client final, du fait que vous connaissez parfaitement les risques des concessionnaires et que vous pouvez les suivre de très près ? |
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