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Les captives au service du crédit fournisseur

Publié le 12 janvier 2007

Par Alexandre Guillet
12 min de lecture
Les établissements financiers des constructeurs ne servent pas qu'à proposer du crédit sur le lieu de vente. Elles sont les intermédiaires financiers entre le constructeur et son réseau et gèrent ainsi le crédit fournisseur, un aspect de leur métier éminemment stratégique. Une...

...fois n'est pas coutume, nous avons décidé d'aborder le financement en concession sous l'angle du distributeur. Celui-ci doit payer les véhicules qu'il achète au constructeur dès qu'il les a vendus mais auparavant il bénéficie d'un crédit fournisseur ou d'un floor plan : il ne paye rien pendant une trentaine de jours puis supporte des agios pendant la période transitoire. C'est la captive financière qui, en tant que banque du constructeur, se charge de l'affacturage et du financement des VN, VO et PR, pour des montants qui sont loin d'être négligeables. Ils représentent, en effet, plus ou moins un quart des encours à la clientèle, si l'on se réfère aux chiffres publiés par les deux acteurs français, RCI Banque (via la Cogera) et Banque PSA Finance (via la Sofira). A fin 2005, la banque de Renault avait 5,480 milliards d'euros de financement en cours auprès des réseaux Renault et Nissan dans le monde contre 23,4 milliards à la clientèle. La proportion est plus importante chez Banque PSA Finance, avec, à fin juin 2006, 5,6 milliards d'euros d'encours réseaux contre 17,3 milliards d'euros à la clientèle. Le marché français représente pour RCI Banque près de la moitié de ses financements réseaux avec 2 milliards d'euros d'encours (dont 90 % au réseau Renault et 10 % au réseau Nissan) contre 7,7 milliards à la clientèle.
Les autres captives financent en France des montants nettement plus modestes. DaimlerChrysler Financial Services, par exemple, déclare un encours réseaux de 300 millions d'euros. Comme chez Citroën et à la différence de Renault, elle ne finance pas les stocks des filiales ("elles payent cash"), qui représentent pourtant 30 % des ventes du groupe. En outre, 20 % du réseau DaimlerChrysler n'a pas recours au floor plan (mais doit, du coup, fournir une caution bancaire). Enfin, dernier élément distinctif, DaimlerChrysler Financial Services ne finance pas les pièces de rechange : "Nous prenons juste en charge la facture après la période de gratuité de 45 jours", explique Jean-Jacques Nuel, directeur du commerce et du marketing de DCFS.

Aider le réseau à avoir du stock pour vendre plus

Les captives des constructeurs sont des outils au service de la




FOCUS

Les taux de référence


  •  Euribor (ou Tibeur) 3 mois (EUR3M) : 3,73 % en décembre 2006. Ce taux d'intérêt à court terme reflète le prix auquel les banques s'échangent de l'argent sur de courtes périodes et sert de référence pour les prêts à taux révisables.
  •  Eonia : 3,6 %, le 2 janvier 2007. Taux au jour le jour du marché monétaire européen.
  •  Taux de Base Bancaire (TBB) : 6,6 %, inchangé depuis 2001. Ce taux sert encore de référence à la tarification d'environ un tiers des crédits à court et moyen terme consentis aux entreprises, notamment aux PME.
  • vente. Elles facilitent le commerce en proposant des offres de financement alléchantes au client final mais également en permettant au réseau de disposer d'un stock de véhicules à des conditions plus ou moins attrayantes. "Si le constructeur estime que les stocks aident à vendre, il propose des plans de financement relativement longs. Si, au contraire, il ne veut pas de stocks, il fait des plans courts pour inciter le réseau à vendre vite", décrit Jean-Philippe Boghen, directeur général de FCE Bank. Dans tous les cas, une période de portage financier gratuite est offerte par le constructeur, modulable en fonction de la gamme ou d'opérations ponctuelles. Chez Opel, par exemple, cette durée de 30 jours peut passer de 60 à 90 jours, selon les modèles, si le concessionnaire adhère au procédé de commande de la marque (OBM). Pour les véhicules de démonstration et de courtoisie, le réseau bénéficie de 180 jours gratuits.
    "Les durées sont effectivement un levier", confirme Daniel Paquis, directeur général de la Cogera. "A partir de la date de facturation par Renault, poursuit un concessionnaire, nous bénéficions de 19 jours gratuits pour les véhicules affectés à un client particulier, de 27 jours pour les véhicules affectés à une entreprise et de 30 jours pour les véhicules non affectés. Les VO récents bénéficient pour leur part de 90 jours gratuits et les VD de 180 jours".
    Preuve du caractère stratégique et commercial de ce financement des stocks VN : la Sofira propose des taux différents pour les réseaux Peugeot et Citroën. Chez ce dernier, le premier mois est gratuit, les deux mois suivants sont au taux Euribor + 1 % et les trois mois suivants à Euribor + 1,75 %. Chez Peugeot : le premier mois est rémunéré (lire encadré), les deux mois suivants sont à Euribor + 1,50 %, les trois mois suivants à Euribor + 2,25 % et au-delà de 6 mois, les concessionnaires sont fortement incités à solder leur compte car le taux passe à Euribor + 5 % !

    Une activité néanmoins rentable

    La captive soutient l'activité en aidant le réseau à avoir du stock, mais pour autant, elle ne travaille pas gratuitement. Selon Béat Lehmann (lire entretien), l'activité est moins rentable que le "retail" car le risque est moins dilué, mais elle




    ZOOM

    Et les banques ?

    Captives et établissements financiers indépendants n'ont pas le monopole du financement des stocks. Les concessionnaires peuvent en effet financer leur besoin en fonds de roulement à des taux compris entre 4 et 5 %, généralement inférieurs aux agios proposés par la captive dans le cadre du floor plan (hors bonification). Ils ont ainsi largement recours à leur découvert bancaire : par exemple, au taux Euribor 3 mois + 0,6 % à 1 % (sa marge), soit des agios inférieurs à 5 %. Ils peuvent également acheter auprès de leurs banques des billets de trésorerie : par exemple, au taux Eonia + la marge de la banque, soit proche des 4 %. "Nous payons tous nos véhicules à la fin de la période de portage gratuit, sans payer d'agios au constructeur", nous explique ainsi ce concessionnaire.
    l'est malgré tout. Aucun des acteurs ne nous donnera de chiffres précis sur sa rentabilité en la matière. "C'est celle que nous demande notre actionnaire, nous dit tout de même Daniel Paquis. Elle est fonction d'un taux mutualisé (ndlr : Euribor + 1 %, en janvier 2007, nous indique un concessionnaire) qui couvre les coûts de gestion et de risque. Ce dernier étant faible grâce à la bonne qualité financière du réseau". Ce taux est particulièrement bien placé si l'on en croit un établissement indépendant : "Généralement, les taux pratiqués sont plus élevés, et même s'il y a les risques de défaillance des distributeurs, ils sont limités par la taille croissante des acteurs et les garanties qui sont prises (réserves de propriété sur les véhicules, notamment)".

    Contrôler les finances du réseau pour le compte du constructeur

    Une sérénité que n'a pas ce dirigeant de captive : "Lorsque vous n'avez accès au bilan annuel d'une société que plusieurs mois après la clôture de ses comptes et que vous n'avez qu'une vision parcellaire de son stock, vous pouvez avoir des surprises désagréables". Ainsi, pour limiter les risques, GMAC Banque fixe un nombre maximum de véhicules que peut avoir en encours un concessionnaire Opel.
    La captive joue le rôle de contrôleur financier pour le compte du constructeur : "Nous vérifions que les grands équilibres du bilan soient respectés, que les fonds propres du concessionnaire soient cohérents avec son endettement", résume Daniel Paquis. Si nécessaire, la captive mettra un frein aux velléités de la direction commerciale du constructeur qui, elle, veut maximiser le volume de véhicules dans les points de vente : "Nous pouvons, pour quelques affaires en difficulté, limiter le volume des stocks", confirme Daniel Paquis. Rappelons-le : en cas de difficulté d'un distributeur, la captive doit veiller à ce que le constructeur et elle-même ne soient pas accusés de soutien abusif (ni tomber dans la rupture abusive de crédit) au risque d'être condamnée au comblement de passif du distributeur.

    Quand les établissements indépendants font du floor plan

    Les établissements financiers indépendants peuvent également faire du floor plan dans le cadre d'accords de partenariat avec les marques. Viaxel, par exemple, réalise l'affacturage et le financement des VN pour le compte de Honda et de Kia. "Nous pouvons aussi le faire à la demande d'un concessionnaire qui




    FOCUS

    Peugeot paie des agios à son réseau

    Les distributeurs Peugeot qui payent leurs véhicules immédiatement à la date de facturation et n'utilisent donc pas la période de portage gratuite de 30 jours sont rémunérés au taux Euribor 3 mois + 1,25 %. C'est une exception. Si Renault et Citroën l'ont fait, cette époque est révolue : "Nous sommes des sociétés de financement de stock, pas de placement financier !", rappelle Daniel Paquis, le directeur général de la Cogera.
    n'est pas satisfait des conditions de sa captive mais nous ne le ferons pas seul car les montants sont élevés", commente Jean-Marie Thierry, directeur de Viaxel. "Il faut financer entre 1 mois et 3 mois du stock VN de l'ensemble d'un réseau, c'est considérable, confirme Patrick Berchot, directeur des financements de GE Money Bank. En outre, en cas de défaillance, le constructeur pourra récupérer les voitures et les remettre facilement dans le circuit, ce n'est pas le cas pour un établissement indépendant".
    CGI est un gros faiseur en la matière. Cette filiale de la Société générale se charge notamment du financement des réseaux Mitsubishi, Porsche et Maserati. Il a même créé une société commune, Sefia, avec le groupe Frey, importateur des marques Hyundai, SsangYong, Subaru et Daihatsu.
    Dans le cadre de ses partenariats, CGI partage les marges… et les risques. "En moyenne, nous demandons une caution équivalente à 20 % des encours accordés, explique Charles Berkovits, directeur général de Sefia. Si le risque est trop important, l'encours peut même être nul. Dans ces cas, le constructeur, ou l'importateur, peut rechercher des solutions provisoires comme le recours au dépôt vente de véhicules chez le concessionnaire".
    A noter que les véhicules sont souvent financés dès la sortie d'usine, soit, pour des marques asiatiques, des durées qui atteignent facilement deux mois avant la livraison aux concessionnaires. Dans ces conditions, on comprend qu'il est important d'être adossé à une grande banque, comme la Société générale, par exemple.


    Xavier Champagne


     





    QUESTIONS A

    Béat Lehmann, président-directeur général de GMAC Banque


    "Nous ne finançons pas encore les PR mais un projet est à l'étude"


    Journal de l'Automobile. Comment fonctionne votre système de financement des stocks VN ?
    Béat Lehmann. Une remarque préliminaire : nous travaillons en bonne intelligence et en harmonie avec le constructeur mais en totale indépendance et ce d'autant plus que nous ne sommes désormais détenus par GM qu'à hauteur de 49 %. Nous finançons les véhicules neufs dès la livraison au concessionnaire : ainsi, nous facturons le constructeur pendant la période de gratuité qu'il définit au gré de sa stratégie, puis le concessionnaire sur une durée maximale d'un an. Je vous rassure : normalement, le réseau ne dépasse pas les 6 mois, certains font même en sorte de ne pas nous payer d'agios.


    JA. Quels montants financez-vous en VN, VO et pièces de rechange ?
    B.L. A raison de 100 000 ventes de VN par an à un prix moyen de 17 500 euros, nous avons une production de l'ordre de 1,75 milliard d'euros. Les durées de financement étant courtes, nous sommes à 350 millions d'euros d'encours de crédit en moyenne. En ce qui concerne le VO, les risques et les recours juridiques sont différents (le transfert de propriété ne nous revient que dans la mesure où nous inscrivons une réserve de propriété). Ainsi, nous finançons des stocks VO dans une moindre mesure. Quant aux pièces, nous ne les finançons pas encore mais un projet est à l'étude.


    JA. Sur quelles durées et à quelles conditions ?
    B.L. Nous définissons la ligne de crédit tous les trimestres en fonction des besoins (nombre de VN vendus) et de la signature du concessionnaire (ndlr : sa notation bancaire). Nous lui accordons normalement une ligne de crédit qui correspond à 60 jours d'approvisionnement, mais elle peut varier entre 30 jours et 90 jours d'approvisionnement, selon les périodes et sa santé financière. Ce cadre permet non seulement de bien gérer notre risque crédit mais aussi de protéger le réseau de stocks excessifs qui auraient pour effet de nuire à leur rentabilité. C'est aussi notre rôle, en tant que banquier du réseau, de veiller au bon équilibre besoins/risques et de contribuer à ce que le concessionnaire ne se trouve pas en difficulté de surstockage. En ce qui concerne les conditions, nous nous basons sur le TBB (taux de base bancaire), avec malus ou bonus en fonction de la notation bancaire du concessionnaire et du volume de financement qu'il réalise avec nous.


    JA. Quelles différences faites-vous entre une concession et un groupe de distribution et comment gérez-vous le multimarquisme ?
    B.L. Nous définissons les lignes de crédit en nombre de véhicules et donc par concession, en tant qu'entité économique, même lorsque nous traitons avec la holding. Il n'est pas exclu de prendre en charge le financement d'une autre marque à la fin de la période de gratuité. Si un concessionnaire nous le demande, nous ne lui refuserons pas.


    JA. Le financement des stocks des concessionnaires est-il plus rentable que le crédit au client final, du fait que vous connaissez parfaitement les risques des concessionnaires et que vous pouvez les suivre de très près ?
    B.L. Non, ce n'est absolument pas le cas. Le risque sur le client final est réparti sur un très grand nombre alors que, dans un réseau, des montants très importants sont répartis sur un petit nombre d'acteurs. Afin de garantir en partie ce risque, nous avons recours à la caution bancaire, à hauteur de 25 % minimum de la ligne de crédit. Bien sûr, dans le cadre d'un excellent partenariat et d'une bonne santé financière, le recours à une caution est négociable.

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