Lectra, tailleur et patron
Créer, développer, produire, optimiser, tels sont les chevaux de bataille de Lectra. Trop peu connue, faute d'une communication que d'aucuns jugeraient discrète, la société opère pourtant depuis plus d'une quinzaine d'années pour le compte de l'automobile. A titre d'exemple, Toyota Boshoku, l'équipementier filiale de Toyota, et Johnson Controls font partie des références. "Notre métier est de savoir mettre les matériaux en valeur", présente Daniel Harari, le directeur général. Pour rappel, Lectra, qui est originaire du secteur textile, travaille notamment avec les 20 plus grandes marques de luxe françaises.
Mais revenons à l'automobile. La société française, dont les bureaux se trouvent en plein cœur de Paris, a mis au point une gamme de produits qui participe au développement des véhicules. D'abord, en amont, avec DesignConcept Auto 3D, un logiciel dédié à la conception et à l'habillage en 3 dimensions de l'habitacle d'une voiture. "L'outil permet de définir les matériaux qui seront employés et leur emplacement", décrit Daniel Harari. Totalement paramétrable, ce logiciel vendu sous version standard tend à s'adapter aux impératifs économiques en donnant une estimation des consommations de matières.
Du Lectra à l'origine des véhicules
Les attributs de DesignConcept Auto 3D ne s'arrêtent cependant pas à la seule création d'intérieurs. Le logiciel comprend également un module de développement. Cette fois en 2D, il réalise et gère, à partir de la numérisation 3D, des gabarits de pièces associatives. "En fait il simule les zones de tension et de frottement sur les sièges afin de savoir où devront se trouver les pièces textiles (tissus ou cuir) les plus souples ou les plus résistantes", explique-t-on, cela participe donc à la politique qualitative puisque l'outil anticipe l'usure des sièges d'après leur forme et la position d'assise de l'usager. "Une étape importante puisque les ingénieurs étudient en ce moment la faisabilité de leur idée", analyse Daniel Harari.
Si cette étape est validée par les chefs de projet, commence alors la production. Autre phase lors de laquelle Lectra intervient par le biais de son logiciel DiaminoTechTex et de son système de découpe VectorAuto. Le premier a été réalisé dans l'optique "d'optimiser la matière pour minimiser les coûts". C'est assez simple : les gabarits définis par DesignConcept Auto 3D sont téléchargés et transposés virtuellement sur la pièce de matière brute. Il calcule ensuite, en se basant sur différentes combinaisons envisageables, le placement le plus efficient de chacune des parties associatives, de façon à minimiser les chutes. Lectra a conçu son produit de telle sorte qu'il soit utilisable en mode interactif, automatique ou en batch (mise en attente des commandes pour être effectuées ultérieurement à la chaîne) sur tous les types de matières. L'intervention humaine est encore possible. En effet, le technicien aux commandes a la possibilité d'ajouter, supprimer ou remplacer des pièces du "puzzle".
Ensuite, entre en scène la machine de découpe, le VectorAuto. Il y a en réalité quatre versions : le FX, la solution la plus avancée, dédiée aux petites et moyennes séries et aux délais courts ; le M88, adapté aux découpes épaisses (8 cm) ; le MH8, approprié aux grandes séries ; le MX9, dont la particularité première est la flexibilité au service des gros volumes. Le VectorAuto possède un alter ego pour ce qui a trait à la découpe du cuir : les HLC Leather Auto et MFC Leather Auto.
Equipées de caméras, toutes ces machines profitent de l'expertise acquise par Lectra dans le secteur de l'habillement car elles sont capables de découper le tissu afin que les motifs concordent avec le projet initial. La société a, pour cela, élaboré un logiciel supplémentaire baptisé Mosaïc, dont la seule mission est de reconnaître les motifs. "Les capteurs numériques sont là pour guider la découpe et compenser les éventuels défauts du tissu", rapporte le directeur.
Airbag : 80 % de PDM
Pour une machine de type monopli, les tarifs s'échelonnent entre 100 000 et 150 000 euros, le modèle de découpe multiplis est facturé entre 150 000 et 300 000 euros, tandis que les versions réservées au cuir se commercialisent de 250 000 à 400 000 euros pièce. Soit "10 à 15 % plus chers que la concurrence", admet la direction. "Il faut souligner que nous avons un taux d'erreur qui avoisine les 0 %, se défend Daniel Harari, ce qui n'est pas négligeable au vu du coût des matières premières, en ce moment". Lectra annonce une économie de 10 %. "Le retour sur investissement est environ le prix de la machine chaque année", expose le directeur. Un gain substantiel.
Autre marché d'importance pour Lectra : les airbags. La société affiche un taux de pénétration de 80 % sur le segment à l'échelle mondiale grâce à sa technique de découpe au laser (ou One Piece Woven). "C'est une méthode plus fiable que celle dite du couteau", affirme-t-on chez Lectra et qui, là aussi, minimise le taux d'erreur. Comme pour les textiles recouvrant les sièges, la découpe d'airbag dans la matière brute fait appel à une vision scanner dont le but est de contrôler et d'ajuster en conséquence la trajectoire. Et Daniel Harari de nuancer le succès : "Notre activité est en recul depuis le début de la récession car nos clients ralentissent leur production. Ce qui est dommageable du fait que les airbags représentent 1/3 de la branche automobile".
Lectra se dit en avance technologique. "Notre machine, commercialisée en 2007, a 5 ans d'avance sur le marché", répète Daniel Harari. En 2008, il a réalisé 18 millions d'euros de chiffre d'affaires et pour préserver cet écart avec ses compétiteurs, il consacrera 9% de cette valeur à la R&D. "Nous souhaitons asseoir notre position", confirme le directeur.
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