Le refus d’agrément, un contentieux d’actualité !

Le Règlement européen 1400/2002, encore en vigueur pour la distribution de VN jusqu’au 31 mai 2013, permet au constructeur d’organiser l’ensemble de son réseau sur la base d’un système de distribution sélective, dans lequel il s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels qu’à des distributeurs ou des réparateurs qu’il aura sélectionnés selon des critères définis.

Ceux-ci doivent être interprétés comme se référant à des critères dont le contenu précis peut être vérifié. Ils peuvent être quantitatifs, c’est-à-dire limitant le nombre de distributeurs, ou qualitatifs, requis par la nature des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution. C’est précisément cette notion de critères définis qui fait l’objet de l’arrêt Jaguar.

Légitimité des critères quantitatifs

En 2002, Jaguar Land Rover a résilié le contrat de concession le liant à Auto 24 lors de l’entrée en vigueur du Règlement 1400/2002, lequel exigeait une adaptation des contrats en cours avant le 1er octobre 2003. A l’expiration du préavis, il a signé avec Auto 24 un contrat de réparateur agréé, sans retenir sa candidature pour devenir distributeur agréé et ce, sur base d’un numerus clausus établi par zone géographique (critères quantitatifs).

Le tribunal de commerce de Versailles considéra que le constructeur avait fait preuve de discrimination et le condamna à verser au concessionnaire 100 000 euros à titre de dommages et intérêts. Néanmoins, en 2006, Auto 24 est confronté à un nouveau refus de Jaguar Land Rover au motif que le numerus clausus ne prévoit pas la désignation d’un distributeur dans la zone de Périgueux (24), alors qu’il acceptera quelques mois plus tard un autre distributeur. En pourvoi en cassation, Auto 24 soutient qu’en vertu du Règlement 1400/2002, le fournisseur doit appliquer des critères quantitatifs précis, objectifs et non discriminatoires pour sélectionner ses distributeurs.

Des conditions distinctes

La Cour rappelle que les conditions d’exemption sont différentes selon la distribution sélective quantitative ou qualitative.

Premièrement, dans un système de sélection quantitative, un contrat de distribution bénéficie de l’exemption lorsque le constructeur détient une part de marché n’excédant pas 40 % (art.3). Dans un système de sélection qualitative, un tel accord peut être conclu quelle que soit la part de marché du constructeur.
Deuxièmement, il ne ressort pas du Règlement que la notion de distribution sélective quantitative exige que les critères de sélection doivent être justifiés et appliqués uniformément, comme le soutient Auto 24. Selon la Cour, si les critères quantitatifs de sélection devaient être objectifs, une confusion en résulterait avec les critères qualitatifs. Au terme de cette analyse, la Cour décide qu’il y a lieu d’entendre par “critères définis” des critères dont le contenu précis peut être vérifié sans qu’il soit nécessaire, pour bénéficier de l’exemption, qu’un système de distribution sélective quantitative repose sur des critères justifiés et appliqués de façon non différenciée à l’égard de tous les candidats à l’agrément.

Question d’actualité

Les systèmes de sélection des distributeurs d’un réseau constituent une question sensible et sujette à de nombreux litiges. Il ne fait aucun doute que la CJUE rappellera dans le futur son interprétation dans l’arrêt Jaguar, d’autant plus que les nouveaux règlements définissent les distributeurs sélectifs comme des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis toujours sans que soit précisée cette notion de critères définis.