Le marché de la garantie refait ses gammes !

par Ludovic Bellanger

Source de fidélisation en après‑vente, la garantie panne mécanique demeure le premier service attendu par les acheteurs d’une voiture d'occasion auprès d’un professionnel, rappelle Charles Buteri, responsable de Real Garant France.

Malgré un marché de l’occasion en repli de 13 % l’an dernier, les garantisseurs se sont joués des éléments pour afficher un bilan globalement positif. "La baisse des ventes a été compensée par une progression des transactions BtoC", explique Daniel Blanckart, responsable commercial France de Covéa Affinity.

Dans le même temps, la rareté des véhicules a entraîné un glissement des VO récents vers les modèles plus anciens qui étaient auparavant l’apanage des transactions entre particuliers. L’évolution est alimentée par la contraction du marché VN, des buy‑backs et des immatriculations tactiques.

Au cœur des réseaux de marque, la moyenne d’âge des modèles d’occasion est passée de 38 mois à près de 46 mois l’an dernier, pour un kilométrage qui atteint les 50 000 km (contre 36 000 km un an auparavant). Des modèles âgés et kilométrés qu’il a fallu couvrir contre les pannes mécaniques, là où la garantie constructeur intervient encore sur des VO de moins de 2 ans.

Une offre de service fidélisante

Corollaire de la pénurie de VO, les prix des transactions ont progressé en moyenne de 20 %, ménageant les marges des distributeurs et encourageant les clients à sécuriser leur achat. Par ailleurs, la garantie panne mécanique bénéficie de l’inflation actuelle de l’ordre de 15 %entourant les prix des réparations. L’argument est avancé par les concessionnaires. En cas de panne, leurs souscripteurs se prémuniront, en effet, de la hausse des prix des pièces et de la main‑d’œuvre pour toutes les défaillances couvertes.

Le contexte conjoncturel n’a pas freiné l’appétence des professionnels à déployer une offre de service fidélisante. "Nous restons dépendants du marché automobile. Néanmoins, nous avons enregistré des résultats positifs dans le sillage de 2021", constate Délia Ngongang, chef de projet marketing au sein de Cirano.

Car les distributeurs ont fait de l’activité VO un axe de développement fort aux côtés de l’après‑vente, note Albert Etienne, directeur général France d’Opteven. L’orientation s’appuie sur la garantie panne mécanique dont l’avantage est de fidéliser les clients et de favoriser les retours en atelier. Résultat : les volumes des garanties panne mécanique souscrites ont augmenté. Une tendance appelée à durer, toujours selon Albert Etienne. Mais la dynamique reste fragile. En fonction des sourcings à venir, la progression du taux de pénétration des garanties ne suffira pas à compenser indéfiniment l’apathie du marché de l’occasion.

Des couvertures jusqu’à 20 ans et 220 000 km !

Avec 1 million de souscriptions annuelles (extensions de garantie VN et garanties VO incluses), pour un chiffre d’affaires estimé à 400 millions d’euros, le marché de la garantie commerciale panne mécanique compose pour l’heure avec des vents porteurs.

Gil Warembourg, directeur de CarGarantie France, confirme la tendance constatée l’an dernier. Le groupe, positionné à plus de 80 % sur le marché de la seconde main, a enregistré une progression de 5 % de son chiffre d’affaires dans l’Hexagone.

À l’échelle du marché, les garantisseurs bénéficient du vieillissement des transactions VO observées. 70 % des ventes ont concerné l’an dernier des modèles de plus de 5 ans. "Plus le VO est âgé et kilométré et plus la fréquence des pannes augmente, rappelle Daniel Blanckart. Les concessionnaires souhaitent se prémunir contre le risque et souscrivent des carnets de garantie."

Garantir des véhicules jusqu'à 20 ans

La typologie des VO couverts représente un changement de philosophie pour les spécialistes de la garantie. "Le cœur de marché s’étend. Il concerne des modèles entre 2 et 8 ans", remarque Christopher Sartorius, directeur commercial d’Icare.

L’orientation suit l’évolution du marché de l’occasion. "Suite à la pénurie de VN, les clients se sont tournés vers le VO récent, avant de se diriger vers des modèles plus âgés, faute de disponibilité", observe Gil Warembourg.

Face au repli du remarketing traditionnel, les concessionnaires se positionnent sur des VO plus âgés. À l’image des labels "VO à petits prix" déployés par un nombre croissant de groupes de distribution, les garanties se mettent au diapason d’un mouvement de fond.

Hier limitées le plus souvent à des modèles de moins de 5 ans, les durées d’éligibilité des garanties panne mécanique concernent désormais des véhicules jusqu’à 20 ans ! L’évolution apparaît "colossale". Les programmes s’adaptent. "Le marché nous challenge, remarque le directeur commercial d’Icare. Nous accompagnons les professionnels qui s’orientent vers des véhicules d’occasion de 12 ans, 15 ans, voire plus, avec des niveaux de couverture élevés."

Du côté de Cirano, l’âge des véhicules éligibles passe à 20 ans (contre 15 ans) et 220 000 km (versus 200 000 km). "Nous ajustons nos couvertures face à cette nouvelle réalité", indique Délia Ngongang.

Une approche personnalisée

Exposés à des territoires moins connus, les garantisseurs remettent l’ouvrage sur le métier. La révision des politiques de souscription en fonction des statistiques des pannes vise à élargir le champ d’application des programmes.

"Sur ces modèles âgés, il s’agit de trouver le juste équilibre entre la durée de couverture, le niveau de prise en charge des réparations et le prix de la garantie, complète Albert Etienne. Nous sommes face à un effet ciseaux."

Le recours à la pièce de réemploi, ou reconditionnée, entre alors en ligne de compte. En pratique, les couvertures se révèlent dégressives au fur et à mesure des années. Les garanties panne mécanique passent ainsi de la "bumper to bumper" à la "tout sauf", puis "complète", avant de se limiter à la "moteur‑boîte‑pont".

L’approche se veut aussi personnalisée. "Rien n’est gravé dans le marbre", avance Délia Ngongang. En fonction de la typologie des VO, une couverture intermédiaire pourra être recommandée incluant une prise en charge élargie au turbo, aux injecteurs et au débitmètre par exemple, souligne de son côté Gil Warembourg. "Nous disposons d’une large palette de garanties pour accompagner les professionnels, en fonction de l’âge et du kilométrage des véhicules d’occasion."

Vers la prise en charge d’un capital de réparation

La remise à plat apparaît nécessaire. "Tous les constructeurs sont aujourd’hui confrontés à ces phénomènes conjoncturels qui peuvent devenir structurels, remarque Daniel Blanckart. L’orientation vers des couvertures étendues appliquées à des VO âgés présente dès lors un écueil. La garantie panne mécanique est, en effet, limitée par la valeur de remplacement à dire d’expert (VRADE). En d’autres termes, sur un modèle de 15 ans, elle sera proche de 0 euro. Elle ne permettra pas de prendre en charge une intervention lourde comme le remplacement d’une boîte de vitesses ou d’un moteur. Les réflexions engagées portent donc sur la couverture non plus d’une pièce, mais sur la prise en charge d’un capital de réparation. Car le modèle économique de la garantie et la promesse client doivent rester cohérents, poursuit le représentant de Covéa Affinity. Et ce, d’autant que les réglementations en matière d’assurances affinitaires se durcissent. La législation (liée à l’information régulière des consommateurs et au recours) se complète de la garantie légale de conformité des professionnels étendue à 12 mois depuis l’an dernier."

Les transactions entre particuliers en ligne de mire

"En détail, le marché de la garantie panne mécanique demeure aujourd’hui encore orienté essentiellement vers les professionnels de la distribution, constate Albert Etienne. La part des souscriptions en ligne, par l’intermédiaire des compagnies d’assurance ou des infomédiaires, reste à la marge."

"Pour autant, le partenariat opéré entre Icare et Leboncoin depuis 18 mois ouvre un nouvel horizon. Il affiche des résultats prometteurs, indique Christopher Sartorius. La présence de l’entité reflète la préoccupation de tous les garantisseurs de capter un canal qui représente les deux tiers des transactions de véhicules d’occasion. Le marché du VO entre particuliers se professionnalise, observe‑t‑il. Au regard de son volume, un nombre croissant d’acteurs souhaitent intermédier les ventes."

La garantie constitue le premier élément de réassurance d’un achat entre particuliers. "Elle représente un argument de vente." Proposées pour l’heure dans le cadre du parcours de paiement sécurisé sur le site de l’annonceur en ligne, les couvertures choisies sont en majorité de 12 mois, pour des véhicules d’une moyenne d’âge de 10 ans et 100 000 km.

"Au‑delà du segment CtoC, les perspectives de développement reposent sur le parcours de souscription digital. Auparavant, la commercialisation de la garantie panne mécanique, au même titre que le financement ou les contrats d’entretien, s’effectuait en points de vente, rappelle Christopher Sartorius. Nous accompagnons à présent nos partenaires dans la vente à distance."

L’objectif est de solliciter les clients pendant la période d’achat d’un véhicule, mais aussi à l’issue de la garantie initiale, à la fin de la garantie constructeur ou bien d’un financement. "Nous multiplions les points de contact tout au long du cycle de vie du véhicule grâce à une approche multicanale à travers l’entretien et la garantie." La stratégie mobilise également Guillaume Cazenave, directeur marketing d’Opteven. "La garantie doit être proposée à l’achat d’un véhicule, rappelée à la livraison ou dans les jours suivants." La souscription peut aussi être préparée en point de vente et finalisée à distance grâce à la signature électronique.

De nouvelles e‑garanties

Sur le plan macroéconomique, l’attention se porte à présent sur le véhicule électrique de seconde main. Au regard des ventes actuelles en neuf, les premières vagues de retours sont attendues d’ici 12 à 24 mois. Face à un phénomène crescendo, Icare annonce couvrir les batteries de traction jusqu’à 10 ans.

L’assistance s’adapte également pour intervenir en cas de panne d’énergie ou de crevaison. Puisque la plupart des modèles électriques ne propose pas de roue de secours sur la plupart des modèles électriques. Un cheval de bataille défendu également par Opteven. "L’enjeu sera aussi d’étendre la garantie du véhicule à ses accessoires comme les câbles et les bornes de recharge", prévoit Daniel Blanckart.

Le sujet s’annonce central. Il mobilise Cirano en ce début d’année. L’actualité du garantisseur se focalise sur le lancement d’E‑Pulse. Cette gamme est dédiée aux modèles 100 % électriques (de moins de 14 ans et 180 000 km à la souscription). Elle fait de la couverture de la batterie de traction "une véritable promesse", avance sa chef de projet. "Nous la considérons comme une pièce à part entière du véhicule électrique, qui ne doit pas avoir de limitation spécifique", remarque‑t‑elle.

Batterie exclue

En cas de défaillance, la prise en charge des pannes de toutes les pièces couvertes est comprise entre 3 000 et 10 000 euros (et même jusqu’à la valeur vénale du véhicule au jour de la panne sur les garanties des véhicules neufs) en fonction des formules. Face à l’évolution du mix énergétique du parc roulant, CarGarantie entend également prendre position à travers son programme Electric Drive.

La solution sera présentée au printemps en France. Elle s’adresse, là aussi, aux modèles 100 % électriques jusqu’à 8 ans et 150 000 km. En revanche, la couverture en mode "tout sauf" exclut la batterie de traction dont la tenue dans le temps varie selon les constructeurs et son utilisation. En cas de remplacement, son tarif pourra dépasser la valeur vénale d’un véhicule d’occasion. La prudence reste donc de mise du côté du garantisseur.

Des marges de progression et de conquête

À la croisée des chemins, entre le monde d’avant et d’après, le marché de la garantie panne mécanique va continuer à être porteur. L’électrique et l’électronique soulèvent des incertitudes et favorisent un besoin de protection des acheteurs. Au regard des taux de pénétration (estimés à 25 %, NDLR), les marges de progression et de conquête sont réelles.

Favoriser la fidélisation des clients, accompagner les distributeurs face à des VO qui vieillissent et préparer l’essor du véhicule d’occasion électrique. Cela mobilise les équipes du garantisseur lyonnais.

Pour ses représentants, "le nombre de VO vendus par les distributeurs va grandir. L’activité représente un axe d’investissement, un levier de croissance et de progrès des réseaux de marque". La dynamique est soutenue également par le coût élevé des réparations et l’évolution vers le leasing. Une voie qui traduit la volonté des acteurs de gérer les véhicules sur trois cycles de LOA, du VN au VO.

"Les clients sont intéressés par ce modèle de financement, mais pour les constructeurs, il apparaît complexe à mettre en place", estime Charles Buteri.

La location avec option d’achat est liée, en effet, à une valeur résiduelle. Sur le véhicule neuf, l’exercice n’est pas toujours aisé. Il apparaît encore plus délicat sur un VO. La question est de savoir qui portera le risque, s’interroge‑t‑il : le distributeur, le financeur ou le constructeur ?

Le parcours aboutira in fine à la revente d’un VO de 10 ans. Celui-ci pourrait être reconditionné. Pour les garantisseurs, c’est bien sur cette dernière étape que le marché de la garantie panne mécanique va se jouer.